Publication. «Goût de terroir»de Boualem Belhadri : Un récit en ruralité sur un temps révolu

19/12/2023 mis à jour: 06:51
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« Goût de terroir » est à vrai dire inclassable comme texte. Il n’est ni une œuvre romanesque, ni un essai, mais relève plutôt du récit-témoignage teinté de nostalgie sur un temps qui fut, dans les alentours du milieu du 20ème siècle, celui des jeunes années de l’auteur, mais sans être autobiographique. Boualem Belhadri, son auteur, un ingénieur hydraulicien ayant également exercé en tant que collaborateur de plusieurs journaux, s’est mis à l’écriture longue, à l’heure de la retraite. Il en est à son troisième titre. 

 

Les anecdotes sur les lieux et les personnages qui ont marqué ses souvenirs, répartis en chapitres pour chacun d’eux, jalonnent sa relation. Certains personnages, tous d’humble extraction, ont des occupations pour aujourd’hui improbables, mais parfaitement en congruence avec un mode de vie d’alors gorgé de profonde ruralité. 

À l’instar de Kaddour Erraouhani qui, comme son surnom l’atteste, soignait les personnes victimes… du mauvais œil. Plus prosaïquement, il existait également des chasseurs de gibier de brousse, un gibier dont on consommait la viande en médecine traditionnelle ou parce qu’une tenaillante faim doublée de misère y obligeait. 

C’est que l’on vivait des années de grande misère et de typhus. Ainsi, un homme égaré en pleine nature et affamé, pouvait consommer sans risque la chaire crue du porc épic, indique Belhadri. Les années de grand désarroi avaient appris à en apprécier la saveur. 

Les insolites quolibets qui suivent les prénoms des personnages qui peuplent le récit sont illustratifs de ce « goût de terroir » que l’auteur s’efforce de traduire. Pour ce qui est des lieux, on s’y promène entre Aïn el Arba, alors chef lieu de Canton sur le versant nord du Tessala, en bordure de la rive sud de la Sebkha d’Oran et vers cette ville en direction laquelle toute la région converge. 

Ce village attirait bien du monde par son fréquenté marché hebdomadaire, Mais aussi par son tribunal, l’un des deux d’une vaste région, où un juge de paix y ayant exercé accéda en 1924 à la présidence de la république française, Gaston Doumergue, en l’occurrence. 

Un teuf-teuf qui reliait les agglomérations, grandes et petites, figure en bonne place dans la narration. Bouyouyou, ainsi qu’il était tout aussi surnommé que les êtres vivants, rottinait à travers la plaine de la Mléta, depuis Oran à Hammam Bou Hammam, marquant une multitude d’arrêts, en trois heures de trajet pour seulement 70 km. 

L’anecdote rapporte qu’on pouvait descendre de ce tortillard à certaines éreintantes pentes pour sa mécanique et le rattraper en courant après lui pour y remonter. 

Enfin, accompagnant ses chapitres, d’une lecture voguant mi-loisir, mi-documentaire, « Goût de terroir » est agrémenté d’illustrations, des photos d’époque qui auraient gagnées à être de la dimension d’une page.
 


Boualem Belhadri « Goût de terroir »
Edition el moukhtalaf, 153 pages

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