Protestations et blocages d’installations pétrolières : Le gouvernement libyen acculé

15/01/2024 mis à jour: 00:07
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Photo : D. R.

Après la fermeture, la semaine dernière, de deux champs pétroliers dans le Sud à cause de manifestations citoyennes 
à caractère social, le vent de protestation souffle désormais sur le nord du pays, où des populations menacent de bloquer l’accès à d’autres infrastructures et sites pétroliers vitaux pour l’économie libyenne.

La crise libyenne s’accentue avec un nouveau cycle de protestations et de blocages d’installations pétrolières et gazières. Après la fermeture, la semaine dernière, de deux champs pétroliers dans le Sud à cause de manifestations citoyennes à caractère social, le vent de protestation souffle désormais sur le nord du pays, où des populations menacent de bloquer l’accès à d’autres infrastructures et sites pétroliers vitaux pour l’économie libyenne.

Se réclamant du mouvement «No Corruption», ces manifestants visent par leur action le complexe de Mellitah et la raffinerie de Zaouia. Le complexe de Mellitah est d’une importance cruciale, en ce sens qu’il est la seule plateforme d’exportation de gaz libyen vers l’Italie, via le gazoduc Greenstream.

La raffinerie de Zaouia est la plus grande du pays. Elle produit 120 000 tonnes métriques de diesel par mois et 49 000 tonnes métriques d’essence, en plus de 6000 tonnes métriques de gaz de pétrole liquéfié et 90 000 tonnes métriques de kérosène.

Selon l’agence Reuters, les manifestants, qui ont menacé de fermer ces deux installations pétrolières et gazières près de la capitale libyenne, ont prolongé de 24 heures le délai pour les négociations avec les représentants du gouvernement d’union nationale dirigé par le Premier ministre, Abdelhamid Dbeibah.

Salem Mohamed, porte-parole des manifestants, a affirmé à Reuters que les négociations avec l’équipe de médiation composée de six personnes se poursuivent. «Il y a eu un consensus lors des négociations sur nos revendications, à l’exception d’un point : le limogeage du président de la NOC (National Oil Corporation), Farhat Bengdara», a précisé Salem Mohamed à l’agence de presse britannique.

Selon lui, les manifestants tiennent à leur revendication relative au limogeage du patron de la NOC, qui est la compagnie pétrolière libyenne. «S’ils ne reviennent pas vers nous avec un accord sur toutes nos revendications, notamment le limogeage de Bengdara et l’annulation de toutes ses décisions, nous fermerons le complexe de Mellitah et la raffinerie de Zaouia», a-t-il assuré.

Ainsi donc, si les négociations n’aboutissent pas à un accord et si les manifestants mettent à exécution leur menace, les Libyens risquent de revivre la grave pénurie de carburant de 2020, suite à la fermeture forcée de la raffinerie de Zaouia, qui a été endommagée lors d’intenses accrochages entre groupes armés dans l’ouest de la Libye.

Aussi, si le complexe de Mellitah, qui est une joint-venture entre la NOC et l’italien Eni, est fermé, cela perturberait l’approvisionnement en gaz via le gazoduc Greenstream entre la Libye et l’Italie, et provoquerait une baisse de revenus pétroliers qui constituent l’unique source financière pour la Libye.

Cela surtout que le champ pétrolier de Sharara, le plus grand de la Libye, et celui d’El Feel sont déjà à l’arrêt à cause de protestations citoyennes qui ont commencé au sud de la Libye le 1er janvier pour dénoncer les conditions sécuritaires et économiques désastreuses.

Les exportations hydrocarbures ont rapporté 20 milliards de dollars à la Libye en 2023, un peu moins qu’en 2022 (22 milliards de dollars). Une baisse qui est due aux blocages de certaines installations pétrolières par des manifestants réclamant une répartition équitable entre Libyens de la rente pétrolière.

La tête de Bengdara réclamée

Originaire de Benghazi, Farhat Bengdara, patron de la NOC, est réputé pour être proche à la fois du maréchal Haftar mais aussi des Emiratis. Sa désignation à la tête de la compagnie pétrolière libyenne a fait l’objet d’un accord secret entre le Premier ministre, Abdelhamid Dbeibah, et le maréchal Khalifa Haftar sur la question de la répartition de la manne pétrolière

 Il est important de rappeler que ces manifestations sont intervenues dans le sillage de la vive polémique qui a éclaté ces dernières semaines en Libye autour d’un contrat de développement d’un gisement onshore à l’est de Ghadamès, signé entre la NOC et un consortium international composé de l’italien Eni, le français Total, l’émirati Adnoc et le turc Tpao.

Ce contrat, qui devrait être mis à exécution en février prochain, a été vivement critiqué par des institutions, telles que le ministère du Pétrole, la Chambre des représentants et le Haut Conseil d’Etat. Il est considéré comme désavantageux pour la partie libyenne et non conforme aux textes de loi régissant le secteur pétrolier.

Lors d’une réunion élargie du Conseil suprême de l’énergie et de l’eau, le Premier ministre, Abdelhamid Dbeibah, a tenté de rassurer, en affirmant que «toutes les propositions techniques seraient prises en compte». Cela tout en insistant sur l’impérieuse nécessité pour la Libye d’augmenter la production de pétrole et de gaz en développant de nouvelles découvertes avec des investissements étrangers et internes.

En effet, pays rentier par excellence, la Libye est contrainte de chercher à augmenter rapidement ses exportations gazières et pétrolières afin de faire face aux besoins immenses du pays en termes de développement.

Ce défi intervient dans ce contexte de tensions persistantes entre les deux principaux adversaires qui s’affrontent depuis près d’une décennie, à savoir le gouvernement d’union nationale basé à Tripoli et celui de l’Est, porté par le maréchal Haftar et son Armée nationale libyenne autoproclamée.

Il faut dire que la Libye peine à sortir d’une décennie de chaos à cause des clivages internes qui sont souvent attisés par des ingérences étrangères. 

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