Projets pilotes aux conserveries Benamor dans la wilaya de Guelma : Des eaux industrielles exploitées pour l’irrigation

16/06/2022 mis à jour: 17:30
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Photo : D. R.

Une réalisation-pilote, l’unique en son genre pour une unité privée, de la Conserverie Amor Benamor (CAB). Un projet qui a été concrétisé au mois de juillet 2021, avec la mise en service de deux stations de filtration et d’épuration des eaux industrielles qui seront déversées dans l’oued pour être réutilisées pour l’irrigation des terres agricoles exploitées par les fellahs de la région. Reportage.

Par une belle journée printanière ensoleillée, nous quittons l’autoroute est-ouest reliant Constantine à Annaba au contournement de Chebikia, dans la commune d’Aïn Cherchar (wilaya de Skikda), pour emprunter la RN80. La route qui mène vers la petite localité de Bekkouche Lakhdar est en très bon état. Sur les deux côtés, les conducteurs ont tout le plaisir d’admirer les vastes étendues de verdure, qui ont repris leurs couleurs vives. Quelques kilomètres plus loin, nous sommes sur le territoire de la wilaya de Guelma.

Nous respirons cet air de campagne en traversant le hameau paisible de Sidi Said, avant d’arriver à la commune de Bouati Mahmoud, située au nord-ouest de la ville de Guelma. Le nom et le sort de cette petite commune ont été intimement liés depuis des décennies à la Conserverie Amor Benamor (CAB), implantée dans un cadre agréable avec de vastes prairies et des champs d’oliviers verdoyants.

Mais la CAB, ce n’est pas uniquement la tomate en conserves. L’unité de Bouati Mahmoud est depuis le début de l’année 2021 le champ d’essais et de recherches pour diversifier ses produits et proposer de nouvelles gammes pour les consommateurs, mais aussi des expériences pilotes ayant pour credo de servir à développer le secteur agricole dans la région. «Notre principal souci est que nos produits qui proviennent du fellah profitent aussi directement au fellah », a révélé à El Watan le directeur de l’unité de production CAB de Bouati Mahmoud.

Chose que nous avons confirmée lors de notre visite à cette conserverie où nous avons pu découvrir la fameuse réalisation-pilote, l’unique en son genre pour une unité privée à l’échelle nationale, selon ses initiateurs. Un projet qui a été concrétisé au mois de juillet 2021, avec la mise en service de deux stations de filtration et d’épuration des eaux industrielles qui seront déversées dans l’oued pour être réutilisées pour l’irrigation des terres agricoles exploitées par les fellahs de la région.

Un projet inédit à l’échelle nationale

La Conserverie Amor Benamor vient de relever un véritable défi en réalisant ces deux stations. La première a été construite à l’unité de Bouati Mahmoud (21 km au nord de Guelma) et la seconde à celle d’Ain Ben Beida (50 km au nord-est du chef-lieu). « Toute conserverie a des problèmes de rejets solides ou liquides ; pour notre unité nous avons des quantités importantes de ces rejets, notamment les drêches de tomates, comme nous utilisons des quantités d’eau énormes dont 90 % sont destinées au lavage et 10 % pour le refroidissement des moteurs ; ces eaux finissent dans une station d’épuration dans l’objectif de leur réutilisation pour l’irrigation », explique le directeur de l’unité de Bouati Mahmoud.

Ce projet avait quand même un prix. « Nous avons sacrifié une aire de stockage à l’unité de Bouati pour réaliser cette station sur une superficie de 1000 m2 ; c’est vraiment important pour une unité de production de cette envergure », poursuit le même responsable.

Les eaux industrielles passent par un système de filtration à la sortie de l’usine pour éliminer les rejets avant épuration. Il est important de relever que la station n’utilise aucun produit chimique, car elle se base sur un procédé de traitement biologique à boue activée, en suivant les étapes de barbotage, de traitement biologique par recirculation et injection d’oxygène et d’accumulation.

Le principe est de faire dégrader la matière organique présente dans les eaux industrielles par des bactéries qui seront elles-mêmes mangées par des microorganismes, qui permettent une clarification progressive de l’eau. Le brassage permanent du milieu assure un meilleur accès des bactéries aux particules et une aération importante nécessaire à la pérennité du système de biodégradation. La décantation permettra ensuite de récupérer des boues riches en bactéries, qui peuvent être utilisées comme engrais.

«Tout ce système doit fonctionner sans aucune interruption pour assurer l’alimentation continue en oxygène nécessaire pour les bactéries, c’est pour cela que nous avons installé un groupe électrogène qui déclenche automatiquement en cas de coupure de courant électrique », insiste le même responsable. « À la sortie, on obtient une eau d’irrigation qui ne manque que d’être javellisée pour devenir potable », soutient-il. « Nous avons des analyses de laboratoires étatiques et externes visées par la direction de l’environnement attestant que cette eau est d’une qualité conforme aux normes exigées et peut être ainsi exploitée dans l’irrigation », conclut-il.

La réalisation de deux stations d’épuration des eaux industrielles dans les unités de Bouati Mahmoud et d’Ain Ben Beida est l’un des investissements les plus importants du groupe Benamor au profit des agriculteurs de la région, spécialisés essentiellement dans la culture de la tomate industrielle. Une opération jamais réalisée auparavant à l’échelle nationale.

Entre les équipements importés de l’étranger en coopération avec des partenaires italiens, les travaux de génie civil confiés à une entreprise locale, l’acquisition et l’installation de postes transformateurs et de groupes électrogènes pour les deux unités (Bouati et Aïn Ben Beida), sans compter les équipements internes, les deux projets ont coûté le montant global de 30 milliards de centimes.

Le plus important est que l’exploitation et la maintenance de ces deux stations soient assurées par les équipes techniques des deux conserveries. Ce qui est en soi un grand acquis. L’objectif tracé à travers cet investissement est d’assurer un volume d’eau de 4500 m3/jour par l’unité de Bouati et 5000 m3/jour par celle d’Ain Ben Beida. Ce qui permettra d’irriguer 700 hectares de terres agricoles entre les deux stations.

Une expérience réussie avec les drêches de tomates

À la Conserverie de Bouati Mahmoud, le laboratoire de recherches et de développement est un lieu modèle d’expérimentation. Bien aménagé, il est doté d’équipements modernes et emploie un personnel qualifié. On y trouve également des ateliers d’essais où l’on effectue des expériences sur divers produits qui feront partie de la gamme du groupe Benamor.

À l’entrée, une grande affiche attire l’attention, « Yes We CAB », en référence à « Yes We Can » (en français oui nous pouvons) prononcée par Barack Obama, alors candidat à la présidence des Etats-Unis, lors d’un discours de campagne, le 10 janvier 2008, et perçue comme un audacieux défi lancé par le futur 44e président des Etats-Unis.

Ce slogan annonce les ambitions du groupe Benamor et les défis qu’il s’est lancés pour offrir aux consommateurs des produits de qualité. Parmi les produits qui étaient au centre de recherches au laboratoire de CAB, on citera les drêches de tomates expérimentées pour être transformées en aliments pour vaches laitières.

Une expérience qui a donné des résultats très encourageants. « Les drêches de tomates sont utilisées depuis longtemps par les éleveurs de la région comme aliment pour les vaches laitières, mais nous avons constaté qu’elles sont encore conservées de manière traditionnelle à l’état frais, ce qui provoque sa fermentation avec la formation de moisissures, causant leur dégradation, en plus elles ne peuvent pas être conservées pour une longue durée», explique la responsable du laboratoire.

«Au début de l’année 2021, nous avons lancé des essais de séchage dans un séchoir acquis par la conserverie, et après des analyses physiques et microbiologiques des échantillons, nous avons relevé que les drêches séchées ont une grande valeur nutritive en raison de leur richesse en protéines, en lipides, en glucides et en fibres alimentaires, permettant une bonne production de lait chez les vaches, comme elles peuvent être conservées pour au moins trois ans», poursuit-elle. Avec ses quatre unités, CAB assure la transformation de 14 000 tonnes par jour de concentré de tomates.

Ce qui induit une quantité impressionnante de drêches de tomates. Une véritable ressource à exploiter.  

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