Projeté à l’occasion du 4e Festival dE Annaba du film méditerranéen : «La famille», la comédie banale de Allouache

30/04/2024 mis à jour: 02:04
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Photo : D. R.

La famille, une comédie dramatique de Merzak Allouache, a été projetée, en avant-première algérienne, samedi, au Théâtre régional Azzeddine Medjoubi, à la faveur du 4e Festival de Annaba du film méditerranéen.

Ce film devait être projeté lors du Festival international du cinéma d’Alger (FICA) en décembre 2022. Il a été retiré de la projection, à la demande du réalisateur qui, à l’époque, était président du jury aussi. Merzak Allouache a protesté contre le retrait du long métrage La dernière reine d’Adila Bendimerad et Damien Ounouri lors de ce festival (ce long métrage a été projeté ensuite dans les salles).

Le film El Aayla (La famille) a été présenté en présence d’un public nombreux à Annaba. L’histoire, simple et sans originalité, se déroule pendant le hirak en 2019. La famille de Merouane (Abderrahamane Ikariouane), ancien ministre, est dans l’embarras. Le ministre et son épouse Khadidja (Hamida Ait El Hadj) sont interdits de quitter le territoire national.

A l’époque, plusieurs hauts responsables, dont deux anciens Premiers ministres et des officiers supérieurs de l’armée, avaient été arrêtés lors de la campagne anti-issaba (bande). La campagne était inscrite sous la bannière de la lutte anti-corruption et contre les biens mal acquis.

Khadidja (Hamida Ait El Hadj) est dans la panique, la crainte de perdre des privilèges s’ajoute à celle d’aller en prison. Elle commence alors à vendre, sans informer son mari, les biens de la famille, comme un yacht et une maison en bord de mer. Elle proteste contre le fait de céder un yacht à un «beggar» (vendeur de vaches).

Elle décide de louer «les beautés» de sa villa en évoquant une famille aristocratique juive algéroise qui l’avait habité lors de la colonisation française. Sa fille Sara (Narjes Asli) sort manifester avec son amie Meriem (Meriem Amiar).

Les deux filles paraissent très attachées l’une à l’autre. La relation amoureuse est suggérée dans plusieurs scènes. Khadidja est restée attachée à son caniche Prince. Merzak Allouache a péniblement voulu faire de Prince un personnage. Dans la prise de vue, il le met en valeur devant l’image de l’ancien ministre pour faire la sémiologie simpliste.

Un plan de fuite

Khaled (Khaled Benaïssa), le chef des gardes du corps, doit préparer la fuite de la famille à travers les frontières marocaines. Il monte un plan de fuite. Khadija peine à se séparer de son caniche et Sara hésite à partir en laissant Meriem derrière elle à Alger.

Dans la foulée, Khadija apprend que son mari la trompait avec les secrétaires du ministère. Un gros cliché que Merzak Allouache reprend sans provoquer de rire. Merouane avoue à Khadidja qu’il savait qu’elle le trompait avec un autre homme. «Et tu n’as rien fait ! Tu n’as pas réagi», crie Khadidja, faussement inquiète.

Les deux autres gardes (Khaled Benaissa et Mohamed Boudaoud) se moquent de cette famille curieuse, l’un d’eux est humilié par Khadidja. L’humiliation de l’homme et la célébration de la femme sont présents dans presque tous les films de Merzak Allouache
Merouane et Khadidja se retrouvent sur la terrasse d’une villa sale pour étaler un linge qui l’est plus.

Pour fuir, le couple se «déguise» : une gandoura pour l’homme, une burqa pour la femme. Khadidja étouffe dans l’habit noir.Le film se transforme en road-movie bancal lorsque la famille prend le chemin du désert pour échapper aux poursuites judiciaires. Le couple entend rejoindre leur fils Lotfi, installé à Londres. La voiture est conduite par un jeune homme (Adlane Djemil) portant un projet de vengeance... Et, puis, rien.

Le film, tourné à la va-vite, se termine comme il a commencé, sans convaincre. Le jeu de Hamida Aït El Hadj a, quelque peu, donné des moments comiques dans le long métrage.

L’écriture rapide

«Je voyais beaucoup de gens filmer, avec des téléphones et des caméras etc. Je me disais qu’il y allait avoir beaucoup de films qui allaient être réalisés, mais rien n’a été fait. J’ai entendu des informations qui devenaient très importantes sur des fuites de gens, de ministres etc., et des arrestations, j’ai donc écrit très vite mon scénario», a déclaré Merzak Allouache, lors du débat qui a suivi la projection du film à Annaba.

L’écriture rapide d’un scénario est bien visible dans le film projeté au grand écran : un travail bâclé. La mise en scène est réticente, le jeu d’acteurs est marqué parfois par des dialogues improvisés, la musique n’a presque aucune fonction, les décors sont filmés sans beauté et le montage manque de créativité...

Bref, La famille est une comédie banale qui aurait pu être mieux élaborée si le cinéaste avait pris le temps d’écrire le scénario, sans subir les effets de l’actualité, et de filmer des plans et des scènes qui pouvaient être cohérents dans le récit.

L’argument du «cinéma fait dans l’urgence» ne justifie pas les failles dans un film sans traits de génie. «Ce que j’aime beaucoup dans le travail de Merzak Allouache, c’est qu’il ne laisse pas le temps du recul. Il fonce directement presque sans réfléchir», a déclaré le comédien Khaled Benaïssa, lors du même débat.

C’est justement tout le problème de Merzak Allouache : enchaîner des films sans prendre le temps de la réflexion, sans porter un projet artistique.            
 

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