Projection / Un film sur Alger, produit à Alger, enfin à Alger

25/06/2023 mis à jour: 04:11
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Dali Benssalah, alias Baba Aroudj

Rares sont les films qui montrent Alger, les cinéastes algériens préférant le désert, les campagnes ou les montagnes. Retour sur la projection de La dernière reine à la salle Afrique, restaurée au cœur d’Alger.

 

Le centre-ville de la capitale s’est déplacé au cours du temps, de l’actuelle place des Martyrs, il s’est retrouvé à la Grande-Poste, poussé par les vents d’Ouest. 

C’est autour de là que l’imbroglio commence, les trottoirs de la rue Didouche appartiennent à l’APC d’Alger-Centre tandis que le bas Didouche appartient à l’APC de Sidi M’hamed. C’est ainsi que la mythique salle de cinéma L’Afrique avec ses 1400 sièges, rouverte en 2018 après des années de travaux par Azzedine Mihoubi en personne, celui qui a failli devenir président, fermera de nouveau avec le hirak pour rouvrir enfin, définitivement on l’espère, il y a trois mois, reprise par la Wilaya au détriment de l’APC de Sidi M’hamed dont l’ex-maire FLN détestait le cinéma, ce qui explique qu’il n’y a aucune salle au 1er Mai ou à Belouizdad. Là, n’est pas la question, ou presque, Fifog d’or à Genève (voir El Watan du 11 juin), La dernière reine, avec un prix d’interprétation féminine pour l’héroïne principale, tourne actuellement en Algérie et vient d’atterrir à la salle Afrique. Du monde, des jeunes et moins jeunes pour le voir enfin attirés par son succès, ses prix. Et sa polémique évidemment. 
 

La bataille d’Alger 

C’est dans le film, Zaphira, deuxième épouse du Roi Selim Toumi de la dynastie Taalibi d’Alger, n’aime pas les Turcs qui ont sauvé Alger des Espagnols mais se considèrent comme les nouveaux maîtres. Le Roi, qui négociait avec les Espagnols, est retrouvé mort, s’ensuit une bataille épique dans l’Alger du début du XVIe siècle au milieu de décors somptueux signés de l’architecte et designer Feriel Gasmi Issiakhem, qui poussent à l’immersion, le film ayant été tourné dans de hauts lieux comme le Palais El Mechouar de Tlemcen, le Palais Dar Mustapha Pacha, le Palais des Raïs, Bastion 23, la villa Dar Abdeltif et La Casbah d’Alger. 

Costumes traditionnels soignés, dialogues intelligents dans une langue algéroise qui semble bien être celle de l’époque, la reconstitution historique fonctionne, tout comme l’histoire en elle-même, et c’est d’ailleurs l’histoire dans l’Histoire qui semble en être le cœur. En chassant les Espagnols, Baba Arroudj tombe amoureux d’Alger et veut s’y installer, fatigué d’errer sur les mers, il voit en ce petit royaume blanc et bleu niché sur une montagne boisée en bord de mer, la retraite idéale. Comme l’explique Adila Bendimered (voir El Watan du 18 juin), La Reine c’est Alger, dans le film, et le film lui rend un bel hommage, elle qui n’est connue des méchants du XXIe siècle que par son Club des Pins. 
 

L’Histoire et la fiction 

Zaphira est une légende, personne ne sait si elle a existé, et les scénaristes et réalisateurs de La dernière reine l’assument, «c’est juste une fiction». Chaque film ou série provoquant une polémique, El Damma, Papicha, Omar la fraise, Citoyen d’honneur (parce que tourné au Maroc) ou A mon âge je me cache pour fumer (la polémique est dans le titre), y compris Redemption day, film américain qui dépeint l’Algérie comme n’aimant pas les étrangers, La dernière reine ne déroge pas à la règle. 

De quoi s’agit-il ? Les Turcs sont montrés comme cruels et méchants, alors que Arroudj n’est pas turc, fils de Katarina la Chrétienne, né sur l’île grecque de Lesbos qui a par ailleurs donné le qualificatif «lesbienne» pour homosexuelle, il est affublé du titre de Baba pour avoir transporté des milliers de musulmans fuyant l’Espagne devenue chrétienne vers les côtes de l’Afrique du Nord. Dans le film, il est effectivement un personnage négatif, contrairement à Salim Toumi, qui lui négociait secrètement avec les méchants espagnols. 

D’ailleurs, pour l’histoire et le film n’est pas de l’histoire mais une vue subjective, Baba Arroudj n’a pas pris Alger au nom des Turcs, mais des corsaires, c’est son frère, bien plus tard, qui scellera l’alliance avec les Ottomans,  plaçant Alger sous tutelle turque. Colonisation ? Presque, même si contrairement aux Romains, Vandales, Arabes ou Français, ce sont les Algériens qui ont appelé les Turcs pour les sauver, des Turcs qui ne sont pas turcs. Et non, Barberousse, déformation de Baba Oroutch (en Turc) et de Baba Arroudj (en Algérois), n’a pas de barbe rousse dans le film. 
 

Au-delà du bien et du mal

Décors et lumières impeccables, esthétique soignée, direction d’acteurs à la hauteur et scènes fortes, on ne peut dire que du bien de ce film. A part ce travers «Marvel Disney» de beaucoup de films algériens, les méchants sont toujours des méchants, ce qui se voit d’ailleurs sur leur visage (délit de faciès ?), et le héros (héroïne sur ce cas) n’a aucun défaut, forte, digne, du début à la fin, jamais en proie au doute, droite dans ses qebqabs. 

Mais bref, coïncidence non cinématographique, le mausolée de Sidi Abderrahmane Ettaalibi, Saint patron d’Alger et ancêtre de Salim Toumi, a été restauré presque en même temps que la salle Afrique où se projette cet Alger de l’époque où l’eau coule dans des fontaines de marbre. De bonnes nouvelles, écran DCP haute définition et excellent son Surround (pour la salle Afrique, pas pour le mausolée), mais dommage, à l’Afrique, il n’y a pas de climatisation dans la salle de projection et pas d’eau dans les toilettes. Alger XXIe siècle. 

 

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