Avec une narration classique, sans prétention et une histoire qui tient la route, le film «Mandoob» représente quand même une évolution, celle de montrer un visage inattendu de la société saoudienne.
Long métrage saoudien «Mandoob» (Night courier) signé Ali Khaltami et projeté en complétion pour cette 12e édition du festival du film arabe d’Oran est un film noir dans deux sens du terme. Il l’est d’abord pour le genre. L’histoire d’un personnage atypique, Fahad, qui perd son travail dans un centre d’appel et qui se retrouve par la force des choses embarqué dans des affaires louches liés à un petit trafic pour répondre aux besoins de la vie nocturne un peu clandestine de la capitale du Royaume. Il l’est aussi par le fait que le récit se déroule entièrement de nuit en évitant toute référence à une reconnaissance des lieux, ne serait-ce qu’indirectement (un bus, une immatriculation de véhicule, une enseigne spécifique, etc.).
Les faits relatés pourraient très bien se dérouler dans n’importe quelle ville et c’est toute la problématique du jeune cinéma saoudien qui, malgré les bonnes volontés exprimées parfois à un plus haut niveau de l’Etat, doit encore composer avec un conservatisme prégnant pour lequel aucun écart n’est toléré, y compris quand il s’agit de fiction.
Avec une narration classique, sans prétention et une histoire qui tient la route, le film en question représente quand même une évolution, celui de montrer un visage inattendu de la société saoudienne et d’inclure des personnages féminins dévoilés dans des milieux masculins. L’équipe du film n’a pas effectué le déplacement à Oran pour défendre son travail et parler du cinéma de leur pays.
C’est la deuxième fois qu’un film saoudien est projeté à Oran. Lors des toutes premières éditions du FIOFA, un premier opus signé Abdullah al-Moheissen, sorti en 2006 et intitulé les ombres du silence (dhilal es-samt), considéré aujourd’hui comme un des premiers long-métrages de cinéma saoudien a été coécrit avec Ahmed Rachedi. Le cinéaste algérien a aidé par son expertise au même titre que Sid-Ahmed Agoumi a participé pour l’interprétation. Ici les restrictions étaient encore plus draconiennes et cela se ressentait dans le rendu final, toujours aussi sombre, quelque part dans le désert de surcroit et avec une intrigue improbable ne présentant, strictement, aucune référence au pays producteur.
Un Ovni cinématographique sans grand intérêt mais un pas vers la reconnaissance du 7e art dans ce pays. L’équipe de ce film-là était par contre présente à ce moment-là mais juste pour la figuration. Globalement, non seulement les tournages se faisaient à l’extérieur mais on recourait en plus à des acteurs des autres pays, voisins en général.
L’émergence improbable d’une femme à la réalisation, Haifaa Al-Mansour pour Wadjda, sorti en 2013 et diffusé à l’échelle mondiale, y compris sur des chaînes de télévision, parait comme une exception qui confirme la règle. Malgré les appuis dont elle a bénéficié pour pouvoir tourner dans son pays et en plein jour, elle a quand-même dû, raconte-t-on, se résigner à diriger son équipe via des talkies-walkies depuis un van vitré pour ne pas que les gens voit une femme diriger une équipe d’hommes, un autre tabou. Le combat des modernistes saoudiens se poursuit et «Mandoob» n’en est qu’une étape de plus.