Projection de Six pieds sur terre de Karim Bensallah à l’IFO : Une immersion chez les morts qui se veut une ode à la vie

12/01/2025 mis à jour: 13:43
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Le film se veut aussi une immersion dans les rites funéraires des musulmans en France et survole, sans aller au fond, certains sujets encore tabous, comme celui de l’incinération ou de la personne qui s’est suicidée.

Six pieds sur terre est le premier long métrage que signe Karim Bensallah, ce cinéaste à l’identité multiple, tant il est tout à la fois Algérien, Brésilien et Français. Loin d’avoir ennuyé les spectateurs, rassemblés, mercredi dernier, dans la salle des spectacles de l’Institut français d’Oran, Six pieds sur terre en a scotché plus d’un, tant personne, dans la salle, pendant les 90 minutes que durait le film, n’a eu l’impolitesse de jeter un coup d’œil à sa montre, et cela en dépit du thème abordé, en l’occurrence la mort, qui n’est pas «vendeur», loin s’en faut. 

Quel est le pitch ? Sofiane (que ses amis appellent Souf), interprété par le comédien Hamza Meziani, est un jeune dévergondé, fils d’un ancien diplomate originaire de Sétif dont la mère est décédée depuis quelques années. Il mène une vie faite de libertinage, de beuveries intempestives et de noces permanentes, se souciant de l’avenir,  lui qui a arrêté ses études sur un coup de tête, comme de sa dernière chaussette. Mais voilà que la réalité finit par le rattraper : du fait d’être en situation irrégulière (son statut d’étudiant ayant expiré), il reçoit, un matin de gueule de bois, un avis d’obligation de quitter le territoire français sous les 30 jours. Pour parer cela, il se doit de dégotter un contrat de travail dans les plus brefs délais. 

Son père, à présent retraité, fait jouer ses connaissances amicales, hors du circuit diplomatique, et lui déniche, tant bien que mal, un job à Roubaix, dans des pompes funèbres musulmanes.  Un job ingrat, en somme ? De là commencent les péripéties de Souf, ce personnage si nonchalant, et qui, de domicile mortuaire en domicile mortuaire, va à la rencontre des morts, les laver, les draper d’un linceul avant de les mettre six pieds sous terre. Pour compagnon de route, il a droit à un homme taciturne, taiseux comme il n’est pas permis, magnifiquement interprété par Kader Fares. 

Personnage mélancolique

La performance, ici, de ce comédien, est à saluer, et bien que son rôle ne soit pas à contre-emploi, le personnage d’El Hadj qu’il interprète, mélancolique, désabusé et en proie à la solitude, nous fait penser à celui de Coluche dans Tchao Pantin. C’est donc au contact des morts, quasi quotidiennement, que Souf prend goût à la vie, ou tout au moins, prend conscience du temps qui lui est imparti sur terre avant de passer, lui-même, l’arme à gauche. Il apprend à ses dépens qu’il lui faut se battre pour ne pas se laisser manger tout crû, que la vie n’est pas un long fleuve tranquille. 

Les différents coups qu’il reçoit, de son patron, notamment, qui tarde à lui signer son contrat de travail, le rendent taciturne, lui font perdre le sourire, allant même jusqu’à le faire mal se conduire avec sa nouvelle petite amie, qui finit par le plaquer. 

Le film se veut aussi une immersion dans les rites funéraires des musulmans en France et survole, sans aller au fond, certains sujets encore tabous, comme celui de l’incinération ou de la personne qui s’est suicidée. On aurait cependant apprécié que le film recèle davantage d’humour (noir évidemment !), mais après tout, son côté poétique et un brin lunaire suffit. 

Oran
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