Procès en appel de l’assassinat de Djamel Bensmaïn : Des aveux, des remords et des larmes

17/10/2023 mis à jour: 04:10
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Conférence de la DGSN au lendemain de l'arrestation des présumés assassins de Djamedl Bensmain - Photo : D. R.

Si certains accusés ont exprimé des remords et versé des larmes, beaucoup d’autres ont adopté la stratégie de la négation. Les auditions d’hier ont, certes, apporté quelques détails sur ce crime mais n’ont pas expliqué les circonstances de ce dernier, ni les raisons qui ont motivé la violence avec laquelle il a été commis.

Au deuxième jour du procès en appel des auteurs présumés de l’assassinat de Djamel Bensmaïn, qui se tient à Alger, un grand  nombre des accusés sont revenus sur leurs déclarations, niant avoir un lien avec l’affaire, reconnaissant toutefois, leur présence sur la scène du crime, par «curiosité» ou «pour aider» le défunt.

Le premier à passer devant la barre est Yazid  Yaici, que beaucoup de photos ont montré à l’intérieur du commissariat. «J’étais dans la cour. J’ai aidé un policier qui s’est évanoui, à la demande de son collègue», dit-il, avant que la présidente ne  l’interrompt : «On vous voit au milieu de la foule.» L’accusé : «Lorsque j’ai vu le défunt par terre, j’ai voulu empêcher la foule de s’en approcher. Je poussais les gens pour protéger la victime», répond Yaici.

La juge : «Vous lui marchiez dessus pour le protéger ?» L’accusé : «Ce n’est pas vrai.  Ils l’ont fait sortir du fourgon, mais je ne sais pas s’il était mort ou vivant.  Je n’ai rien fait.» Lui succédant à la barre, Faradj Boulahcène nie lui aussi les faits. Il déclare : «J’habite à 50 mètres du commissariat. Quand j’ai entendu la foule, j’ai été voir par curiosité. On m’a dit qu’un des pyromanes a été arrêté. J’ai essayé de calmer la foule.

Sur les vidéos que vous avez je disais aux gens d’aller doucement (…). Mais personne ne m’écoutait. Les gens m’insultaient. Je suis resté un peu, après je suis parti.» La juge : « Vous êtes entré pour l’aider et vous n’avez rien fait. Vous regardiez la scène…» L’accusé : «Pensez-vous que c’était un plaisir pour moi ?» Au procureur général, il déclare avoir été tiré du fourgon par la foule et qu’il était incapable de faire autre chose.

«Vous avez envoyé des images à votre épouse…»

«Un des  policiers m’a demandé de parler à la foule pour la calmer. Il ne parlait pas kabyle. Sur les vidéos, aucun de ceux qui sont là n’a fait ce que j’ai fait.» Le magistrat : «Vous avez envoyé des images à votre épouse qui était en France, en lui écrivant on l’a tué et brûlé. Avez-vous pris part au crime ?» L’accusé répond : «J’ai utilisé un pronom indéfini.  Je n’ai pas dit que j’ai tué», et nie avoir frappé le défunt, tel que révélé par certains de ses coaccusés.

Les avocats de la partie civile exhibent des photos : «Que faisiez-vous ici ?» Un peu déstabilisé, il reconnaît qu’il s’agit de lui, sans se rappeler, dit-il, «avoir donné un coup de pied à la victime». Lui succédant à la barre, Aziz Yaici nie d’emblée avoir agressé le défunt ou avoir été sur les lieux du crime. «J’ai été au commissariat par curiosité. J’ai vu le défunt. J’ai vu le défunt dans le fourgon, après je suis reparti chez moi», dit-il.

La juge : «Est-ce logique de voir une telle scène et de repartir tranquillement à la maison ?»  Elle lui montre des photos. «Est-ce vous sur ces images ?» L’accusé : «C’est moi, je voulais repousser la foule qui entourait le défunt.» La juge : «Vous aviez déclaré n’avoir rien vu...» L’accusé : «J’ai vu le défunt. Ils étaient en train de le frapper. J’ai essayé de calmer les gens, mais ils ne m’écoutaient pas.»

La juge : «Reconnaissez-vous ceux qui le frappaient ?» L’accusé affirme ne pas se rappeler d’eux, même une fois en prison. La juge : «Vous revenez sur tous vos propos devant le juge en présence de votre avocat.» L’accusé : «Je ne les ai pas vus. Je n’ai rien fait. Je suis un 'zaouali'. J’ai commis des erreurs certes, mais je suis en prison, pour ma curiosité.» La juge : «Si vous aviez aidé le défunt, il ne serait pas mort»

«J’irai à la tombe de la victime»

Elle appelle Ileyes Doukaki,  qui raconte : «J’étais sur les lieux vers  16h. Lorsque j’ai vu la foule courir, j’ai pris mon bâton que j’ai confectionné pour éteindre le feu et rejoint le commissariat, où on m’a dit qu’un des pyromanes a été arrêté. Il y avait trop de monde. Par curiosité, je voulais voir cet homme. Il était entouré par une foule dense qui le frappait. Il m’a fait de la peine. J’ai dit aux gens d’arrêter de le frapper et de le livrer aux pompiers. Personne ne m’a écouté.»

La partie civile tente de le confondre avec des photos, et Me Bouchachi s’offusque : «Il y a des photos qui ne se trouvent pas dans le dossier et sont utilisées pour prouver la présence ou non des accusés. Nous les avions demandées, mais nous n’avions reçu que celles en noir et blanc.» Ses confrères de la partie civile ripostent : «Le dossier est au niveau du tribunal. Les photos sont en couleur. Peut-être que celles que vous avez  reçues sont des copies en noir et blanc.» Me Bouchachi : «Les photos prises des vidéos prêtent à confusion.» La présidente : «Il est clair pour nous qu’on ne peut trancher sur la base  de photos.»

La juge appelle Mazari Chaabane, qui affirme avoir vu les gens faire descendre le défunt du fourgon, mis à terre et le tabassaient. «Il m’a fait beaucoup de peine. J’ai laissé mon cœur avec lui. Le soir quand j’ai su qu’il a été tué, je n’ai pas pu dormir.» Il cède sa place à Loucif Chemini, qui avait publié un selfie avec le corps calciné de la victime. «J’ai vu une foule imposante à la placette et beaucoup de personnes prenaient  des photos. J’ai pris une petite vidéo que j’ai publiée en story pour une liste restreinte.» 

La juge : «Vous aviez écrit celui qui a brûlé a été brûlé.» L’accusé : «Je n’ai pas dit cela. Je suis innocent de ces écrits. Je ne suis pas un raciste. Ils ont fait un montage. Ma story est pour des personnes proches. Ils ont fait des captures d’écran et ils ont commenté. Je ne justifie rien.» L’accusé révèle : «Sur place, je me suis rendu compte que j’ai commis une erreur. J’ai fait une autre vidéo pour présenter mes excuses à la famille du défunt et j’ai juré qu’une fois sorti de prison, j’irai à la tombe de la victime pour lui demander pardon. J’ai fait la vidéo comme tout le monde.»

La juge appelle Chaâbane Mostefai, l’individu au pull blanc, qui apparaît sur les vidéos,  en train de fouiller le défunt dans le fourgon, avant de lui enlever ses papiers et son téléphone. «Je suis entré à la demande d’un des policiers du commissariat, pour calmer la foule. Je suis entré dans le fourgon, j’ai enlevé au défunt ses papiers et son téléphone. Je n’ai incité personne à le frapper.

Quand je suis sorti du fourgon, les gens me demandaient si c’est lui, mais je n’ai pas utilisé la violence». La juge : «Qui êtes-vous pour le fouiller et lui enlever ses papiers ? Etes-vous un policier ?» L’accusé : «C’est sous la pression de la foule que je l’ai fait. Je ne l’ai pas frappé. Les gens étaient déchaînés. Ils voulaient le tuer. Je suis sorti du fourgon, un policier m’a demandé de calmer la foule, mais je n’ai pas pu.»

La juge : «Qu’avez-vous fait des papiers du défunt ?» L’accusé : «Ils me les ont pris». Le procureur général : «Leur avez-vous dit que c’était lui qui était dans la Clio ?» L’accusé : «Je n’ai pas dit que c’est lui qui a brûlé. J’ai dit qu’il était dans la voiture, qui faisait demi-tour. Il y avait la police à côté. Je n’ai rien fait. Les gens m’ont dit de lui enlever les papiers, mais je ne l’ai pas frappé.» Les auditions s’étaient poursuivies en fin de journée et reprendront aujourd’hui avec un autre groupe d’accusés.

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