S'il est utile de revoir tout le dispositif législatif qui régit la presse, et bien sûr de l'améliorer, il est contre-productif de restreindre les espaces permettant aux médias d’exercer sereinement leur métier. Au moment où le gouvernement finalise plusieurs textes importants, un journaliste d’Echorouk, Belkacem Houam, est mis sous mandat de dépôt pour un article sur les déboires d’exportation de la datte algérienne.
’usage voudrait que les pouvoirs publics en charge de la question contestent l’information par le biais d’une mise au point adressée au quotidien, contraint par la loi de la publier dans un format semblable à l’article incriminé. L’emprisonnement du journaliste ne se justifie nullement comme l’interdiction de tirage du journal qui l’emploie au sein de l’entreprise d’impression publique.
De l’arsenal juridique existant (loi sur l'information et code pénal), seuls les articles durs ont été privilégiés, au détriment de ceux qui protègent les productions journalistiques. Il reste à espérer que la justice évitera ce travers et prononcera un non-lieu, au demeurant bien utile, car plusieurs autres journalistes subissent le même sort et attendent la fin de leur calvaire.
La corporation attend beaucoup de la justice, en dernière instance seule habilitée à trancher, encore faut-il que le gouvernement et le législateur la dotent de bons textes, ancrés dans la Constitution qui protège avant toute chose la liberté d’expression et son corollaire la liberté d’exercice du métier de journaliste.
L’urgence aujourd'hui est de mettre fin à la précarité ambiante et de fixer des règles du jeu claires aux supports médiatiques écrits, audiovisuels ou électroniques. S'il n’est pas normal qu'un journaliste soit emprisonné pour sa production, il n’est pas tolérable d’un autre côté que la publicité étatique, nécessaire pour la survie des médias, soit utilisée pour contrôler des contenus éditoriaux.
Cette histoire de publicité est le plus grand scandale de la presse ces dernières décennies. Elle a brisé tant de médias, contraints soit de se soumettre ou de se démettre, favorisé l'éclosion d’un semblant de presse, sans lecteurs ni audience, et ouvert la voie à l'intrusion de faux patrons de presse enrichis par la rente publicitaire. Les quelques journaux, sites ou télévisions qui ont fait de la résistance disparaissent un à un ou se voient contraints de faire des concessions, souvent élevées, sur leur contenu éditorial. Insatisfait ou choqué, le lectorat déserte cette presse et se tourne vers les médias étrangers et les réseaux sociaux, subissant leur contenu, la plupart du temps loin de ses attentes et souvent à travers des angles éditoriaux qui ne correspondent pas à ses préoccupations citoyennes et patriotiques.
Réalité d’aujourd'hui, la guerre médiatique mondiale frappe l'Algérie de plein fouet. Du fait de la faiblesse et de la perversion de ses médias, la riposte interne est extrêmement faible et ce n’est pas faute de bons professionnels qui foisonnent mais ne peuvent travailler – et s'épanouir – dans les conditions actuelles.
C’est donc aussi un problème de sécurité nationale qui est posé. Si la Russie piétine dans sa guerre avec l’Ukraine, c’est en raison des coups portés, minute par minute, contre elle par la force de frappe médiatique occidentale.
C’est une leçon pour nos dirigeants qui n’ignorent pas que l'Algérie est la cible de forces politiques déstabilisatrices, mais qui ne peut compter que sur son armée et sa diplomatie pour se défendre. Il lui manque une force, celle de ses médias, bien entendu sans missions propagandistes, libres dans leur contenu, protégés par la loi et leurs organisations éthiques souveraines.