Présidentielle en Tunisie : 61 postulants déjà pour concurrencer le président Kaïs Saïed

17/07/2024 mis à jour: 05:48
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La Tunisie se trouve face à de nouveaux défis politiques et socioéconomiques

Le calendrier électoral constitutionnel tunisien a été respecté. Le président Kaïs Saïed a appelé le 2 juillet 2024 les électeurs à un scrutin présidentiel le 6 octobre 2024, soit durant le dernier trimestre de sa législature, comme le stipule l’article 90 de la Constitution du 17 août 2022.

 L’Instance supérieure indépendante des élections (ISIE) a pris illico le relais et annoncé, lors d’une conférence de presse tenue le 4 juillet, un calendrier électoral fixant les dates et les conditions de candidature. Et il a suffi que les annonces officielles aient été faites pour que des dizaines de demandes de retraits de parrainages auprès de l’ISIE soient déposées. 

Déjà, hier vers 10 heures, 61 potentiels candidats ont retiré les formulaires de parrainages, selon le porte-parole de l’ISIE, Mohamed Tlili Mansri, dans une déclaration au site Business-news. La tendance est à une participation massive, émanant même de candidats traînant des affaires en justice, voire aux arrêts. Mansri a par ailleurs expliqué que la condition d’un mandat explicite de la part du candidat pour les élections, existe déjà pour les élections de 2014 et 2019. L’ISIE ne veut freiner aucun possible candidat, même s’il est détenu, a affirmé Mansri. 

Côté candidatures, trois profils différents se distinguent. Il y a d’abord les personnalités rodées à la politique comme Mondher Zenaïdi, qui a chapeauté plusieurs départements ministériels avant 2011 ou Néji Jalloul, ministre de l’Education de février 2015 à avril 2017. Jalloul a par ailleurs appartenu au parti républicain, Nidaa Tounes, et flirté avec les patriotes démocrates unifiés du martyr Chokri Belaïd. 

L’islamiste Abdellatif Mekki est également candidat, lui qui a été ministre de la Santé dans les deux gouvernements d’Ennahdha de janvier 2011 à janvier 2014. Dans cette catégorie, il y a également Abir Moussi, la présidente du Parti destourien libre, aux arrêts en ce moment dans des affaires d’atteinte à l’ordre public et des plaintes portées contre elle par l’ISIE. Le candidat Issam Chebbi, secrétaire général du parti républicain, est lui aussi poursuivi dans une affaire de complot contre la sûreté de l’Etat. 

Le secrétaire général d’Ettayar, Ghazi Chaouachi, se trouve dans la même situation. La deuxième catégorie de potentiels candidats comporte des personnalités sécuritaires ayant appartenu soit à la police ou à l’armée à l’instar du contre-amiral Kamel Akrout, ancien membre du cabinet du défunt président Béji Caïd Essebsi, de l’ancien porte-parole du ministère de l’Intérieur, Hichem Meddeb et du colonel Adel Daou. 

Après le casque sécuritaire, c’est désormais la tentation du palais présidentiel. La troisième catégorie réunit des personnalités ayant brillé dans leurs secteurs respectifs et qui veulent rééditer la percée de l’actuel président Kais Saïed. Ils sont désormais plusieurs dizaines entre hommes de communication, de théâtre, médecins, etc. 
 

Enjeux

La Tunisie est sortie de l’ère Ben Ali en janvier 2011 avec des ratios honnêtes sur le plan macro-économique. Les maux de la Tunisie étaient ailleurs. Le taux d’endettement extérieur était inférieur à 40% du PIB. L’euro s’échangeait à moins de deux dinars tunisiens. Lors du renforcement du pouvoir de Kais Saïed le 25 juillet 2021, le taux d’endettement extérieur est parvenu autour de 75% et la communauté internationale ne voulait plus endetter la Tunisie. L’euro s’échangeait à 3,4 TND. C’est dire combien la situation s’est détériorée en termes de ratios macro-économiques. 

Le pouvoir d’achat du Tunisien lambda s’est détérioré durant la dernière décennie et il n’y a pas eu d’amélioration du taux de chômage. Un coup de délabrement a frappé les secteurs publics, notamment la santé et le transport. Une opération mains-propres est en cours en Tunisie depuis 2023, pour assainir la gouvernance du pays. Toutefois, nul n’est sûr des résultats tellement c’est compliqué. 

La tâche du prochain président de la Tunisie, qu’il soit Saïed ou un autre, c’est de relever ces défis. Le président Saïed a certes édifié une nouvelle Constitution en changeant les normes de gouvernance vers un régime présidentiel fort depuis 2022. La Tunisie dispose aussi d’un nouveau parlement et d’une 2e chambre, le Conseil national des régions et des districts, en charge du développement régional. Les édifices sont là mais le peuple attend le redressement économique. 

Le président Kaïs Saïed n’a pas encore officialisé sa candidature pour rempiler. Néanmoins, tout le monde la sent venir. Saïed a multiplié ces dernières semaines les déplacements à l’intérieur de la République. Il a écouté le 12 juillet les doléances des citoyens de Hammam-Lif, proche banlieue au Sud de Tunis, concernant la pollution. Il a également rendu visite le même jour à Jebaniana, au nord de Sfax, pour écouter les citoyens concernant leurs problèmes avec les Subsahariens, déplacés dans la région par les forces de l’ordre. Quelques jours auparavant, Kaïs Saïed a fait le déplacement à Gabes, 400 kilomètres au sud, où il a inauguré le 7 juillet la station de dessalement d’eau de mer à Zarat. 

Le président tunisien n’a cessé d’affirmer durant ces divers déplacements que l’Etat est là pour protéger et servir ses citoyens. «Le fait de dire aux habitants de Hammam-Lif que l’Etat est conscient de leur problème environnemental, ou d’affirmer à Gabes la fin du problème d’approvisionnement en eau douce dans la région ou, encore, de faire le déplacement à Jebaniana pour écouter les doléances des riverains, suite à des incidents avec des Subsahariens, pareils bains de foules valent beaucoup mieux que des slogans électoraux», assure le politologue Mohamed Bououd. La Tunisie attend ce scrutin présidentiel pour espérer décoller.
 

Tunis
De notre correspondant  Mourad Sellami
 

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