Pr Abdellatif Benmati : «Les enfants victimes du monoxyde de carbone sont susceptibles d’avoir des séquelles neurologiques»

13/02/2022 mis à jour: 16:01
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Le Pr Abdellatif Benmati / Photo : D. R.
  • Comment décrivez-vous l’état des victimes du CO évacuées vers le CHU de Constantine ?

Je commence d’abord par vous dire que les trois quarts des cas ne sont pas comateux, quand ils arrivent au CHU. C’est-à-dire, la plupart ne sont pas d’une extrême gravité. Les personnes examinées qui ne présentent pratiquement aucun signe sont autorisées à rentrer chez elles. Pour les cas hospitalisés, ils présentent des signes banals, notamment des maux de tête, des nausées, des vomissements, sans arriver aux troubles de conscience. Ils restent quelques heures sous oxygène, puis on les autorise à rentrer chez eux. Pour les cas graves, ils sont gardés durant plusieurs jours au service, parce qu’ils ont une atteinte cérébrale.

Pour bien expliquer, je dirai que le cerveau et le cœur sont deux organes qui ne peuvent se passer d’oxygène plus de quelques minutes, soit 3 minutes. Ces personnes ayant respiré dans une atmosphère en manque d’oxygène pendant plusieurs heures, leur cerveau est affecté. A ce moment-là, elles présentent des troubles de la conscience à différents degrés. Elles nécessitent une ventilation artificielle qui permet de remplacer le fonctionnement normal des poumons et aussi de ramener une concentration élevée d’oxygène. Au début, nous ne savons pas si ce cas grave comateux va évoluer ou pas.

C’est le cas d’un malade habitant à El Khroub, qui est resté ici longtemps, malheureusement il est décédé. Nous ne pouvons pas déterminer la durée de l’hospitalisation, tout dépend de l’organisme du patient. Même ceux qui sortent et rentrent chez eux, on peut les diviser en deux catégories. Il y a ceux qui n’auront aucun problème et retourneront à la vie normale, et ceux, qui après un intervalle plus ou moins long, auront des symptômes.

Ce qu’on appelle le syndrome intervallaire, qui est l’apparition au bout de quelques jours de signes neurologiques. Progressivement, ils vont sombrer dans le coma, on va de nouveau les intuber et les ventiler. Malheureusement, l’issue est fatale.

D’autres peuvent avoir des symptômes qui peuvent durer, comme des céphalées, des troubles visuels ou des vertiges. Concernant les symptômes qui peuvent se produire, il n’y a pas d’indications fixes, tout dépend de la personne. Tout ce que je peux vous dire c’est que cela est proportionnel à la durée de l’exposition au CO. Plus on reste exposé aux inhalations au monoxyde de carbone plus mauvais sera le pronostic.

  • Certaines victimes ont souffert de problèmes neurologiques, dont des convulsions. Qu’en pensez-vous ?

Très souvent, on signale ce genre d’intoxications, on dit alors aux personnes qui ont survécu que c’est un problème de congestion, et on leur demande de vérifier leurs appareils. Pour ce qui est des crises, elles peuvent être convulsives, tout dépend de la durée de l’exposition. Le principal symptôme qui se manifeste est l’hypoxie. C’est-à-dire que la concentration d’oxygène dans le sang baisse.

Et comme je l’ai déjà dit, les deux organes que sont le cœur et le cerveau ne peuvent pas résister sans oxygène. En général, les patients ont des symptômes du système nerveux central. Et parfois, il arrive qu’ils fassent un infarctus, car cet organe n’a pas supporté l’hypoxémie. Et quand le cerveau souffre de cette hypoxémie, il est possible qu’avec le temps des convulsions puissent apparaître.

  • Qu’en est-il des séquelles du CO sur les enfants ?

Les enfants sont plus sensibles. Leur organisme est encore jeune et moins endurant. Leur cerveau ne supporte pas beaucoup l’absence d’oxygène. Le problème avec le CO est qu’il tend à occuper tout l’espace, en chassant l’oxygène. Quand le CO est inhalé, même au niveau de l’organisme, il a une affinité plus grande pour l’hémoglobine que l’oxygène. C’est-à-dire, même à ce  moment-là, l’hémoglobine qui transporte l’oxygène va le perdre au profit du CO.

Donc, tout l’organisme même à l’échelle cellulaire souffre de certaines intoxications. Ça va très loin. C’est pour cela que les enfants sont susceptibles d’avoir des séquelles plus tard neurologiques, dont certaines banales, à l’instar des céphalées et vertiges, ou plus graves, dont les convulsions. Et s’ils sont très jeunes, cela peut provoquer des retards cérébraux. Si cette exposition au manque d’oxygène dure longtemps, au départ, les cellules ne vont pas beaucoup souffrir, mais à la fin cela entraînera leur destruction. Et tout dépendra du nombre des cellules détruites. 

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