La chambre d’accusation près la cour d’Alger a renvoyé l’examen de l’affaire des anciens cadres du parti dissous et dirigeants d’organisations terroristes qui avaient bénéficié de la loi portant réconciliation nationale, à mercredi prochain, pour «remise de documents». Le sort des 18 accusés en détention et de deux autres en fuite n’a donc pas été tranché.
L’instruction judiciaire du pôle pénal de Sidi M’hamed (Alger), relative à l’affaire des anciens dirigeants du parti dissous et de la sinistre organisation terroriste, s’est achevée et l’examen par la chambre d’accusation près la cour d’Alger, devant laquelle le collectif de la défense a plaidé contre les griefs retenus par le juge d’instruction, a été renvoyé mercredi dernier au 18 du mois en cours pour «transmission de documents» manquants au dossier.
L’affaire, pour laquelle 20 cadres du parti dissous et d’anciens dirigeants de la sinistre organisation le GIA (Groupe islamiste armé), qui a à son actif des milliers d’assassinats, d’attentats à l’explosif et de massacres de civils, avait fait tache d’huile en cette fin de septembre 2023, lorsque l’ancien émir du GIA pour la région de Médéa, Ali Benhadjar, dont il s’est détaché vers la fin de 1996 pour créer une autre organisation, la Ligue islamique, regroupant les rescapés du Front islamique du djihad armé (FIDA), redoutable organisation terroriste spécialisée dans les assassinats des intellectuels, est apparu dans une vidéo diffusée sur la Toile, lisant une lettre au nom des «anciens cadres du fis dissous».
Benhadjar, s’était rendu aux forces de sécurité en 2001, après avoir été pris en étau entre les attaques de ses anciens acolytes du GIA et les opérations militaires des unités de l’ANP, et ce, dans le cadre du dispositif de la charte pour la concorde civile, qui lui interdit, tout comme à tous les autres bénéficiaires de cette loi, tout acte politique.
Son retour sur la scène médiatique, à travers les réseaux sociaux, a suscité de nombreuses réactions mais aussi l’intérêt des services de sécurité. Ses sorties coïncidaient avec celles d’Ahmed Zaoui, également ancien membre du parti dissous, qui avait fuit le pays, vers la Belgique, en 1993, après avoir été condamné par contumace à une peine de mort.
En 1997, il a rejoint illégalement la Suisse, où il a demandé un statut de «réfugié politique», comme l’ont fait ses anciens compagnons qui s’y sont installés avant lui. Assigné à résidence, il a gardé des liens avec les réseaux de son parti, qu’il a réorganisé pour en faire une plaque tournante du mouvement intégriste, mettant les autorités dans l’embarras. En 1995, il est poursuivi par la justice helvétique, dans le cadre du démantèlement d’un groupe du GIA, qui a tissé sa toile sur le territoire helvétique.
Confrontée au refus des Belges de son renvoi vers leur territoire et à l’impossibilité de lui trouver un pays tiers pour l’accueillir, la justice helvétique l’a soumis à une interdiction de quitter le territoire de la commune de Sion, et a proscrit à «toute personne agissant pour son compte de créer des organisations, ou d’y participer, qui, par leur propagande, justifient, prônent, encouragent ou soutiennent matériellement des actes terroristes ou extrémistes à caractère violent, ou toutes autres violences».
«Activités subversives»
En 1998, il est expulsé, via la France, vers le Burkina Faso, avant de se retrouver en Nouvelle-Zélande, avec le statut de réfugié, puis détenteur de la nationalité new-zélandaise. Fin 2014, il rentre en Algérie et rejoint, avec sa famille, Médéa, sa ville natale, sans toutefois et durant toute cette période d’exil rompre ses liens et ses activités avec les réseaux du parti dissous.
D’autres anciens cadres de ce parti, comme Kamel Kanoune, Badreddine Karfa, Mohamed Boutchiche, Mohamed Benaissa, Mohamed Chahid, Mabrouk Saadi, Hafid Rahmani, Mouloud Hamzi, Merzouki Khencha, Hachmaoui Benyamina Nasreddine Berrahal, connu sous le pseudonyme de Chemsou, et Youcef Bouberas, ont été cités durant l’enquête pour leur présumée implication dans cette «organisation», connue sous le nom des «Anciens cadres du parti dissous authentique».
Selon toujours l’enquête judiciaire, les mis en causse ont «tenu des réunions à but politique» et «pris part à la rédaction de la déclaration» signée par Ali Benhadjar et à sa diffusion, en leur nom, sur la Toile le 30 septembre 2023. Pour l’enquête, les conditions dans lesquelles cette déclaration a été faite et diffusée «ont permis de mettre en lumière des activités subversives» auxquelles «s’adonnaient les mis en cause sous la casquette d’un parti dissous et interdit de retour».
Après plusieurs heures de présentation, les suspects ont été déférés devant le juge d’instruction près le pôle pénal, près le tribunal de Sidi M’hamed, à Alger, puis transférés dans la soirée vers la prison d’El Harrach. Selon leurs avocats, les 18 accusés placés sous mandat de dépôt doivent répondre de quatre chefs d’accusation.
Certains sont liés à l’article 87 bis alinéa 3 qui punit «quiconque crée, fonde, organise ou dirige toute association, corps, groupe ou organisation dont le but ou les activités tombent sous le coup des dispositions de l’article 87 bis (…). Toute adhésion ou participation, sous quelque forme que ce soit, aux associations, corps, groupes ou organisations visés à l’alinéa ci-dessus, avec connaissance de leur but ou activités» et l’article 87 bis alinéa 5 qui stipule : «Quiconque reproduit ou diffuse sciemment des documents, imprimés ou renseignements faisant l’apologie des actes visés à la présente section.»
Ils sont également poursuivis pour l’article 46 de l’ordonnance relative à la charte nationale de la réconciliation, qui réprime «quiconque qui, par ses déclarations, écrits ou tout autre acte, utilise ou instrumentalise les blessures de la tragédie nationale, pour porter atteinte aux institutions de la République algérienne (…)».
Toutes les demandes de mise en liberté plaidées par le collectif de la défense devant la chambre d’accusation ont été rejetées alors que l’enquête judiciaire se poursuivait et ne s’est achevée qu’il y a quelques semaines. Les avocats ont fait appel des conclusions du juge d’instruction, et l’affaire a été programmée mercredi dernier, avant d’être renvoyée, pour une semaine, pour «transmission de documents».