Poursuivis pour mauvaise gestion : Trois DG de CNAN-Nord sous mandat de dépôt et 17 cadres sous contrôle judiciaire

23/03/2023 mis à jour: 08:02
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La compagnie CNAN-Nord a subi d'importants dommages financiers

Après plus de quatre mois d’investigations sur la gestion du transport maritime de marchandises, menée par les services de la Sécurité intérieure de la wilaya d’Alger, 24 personnes, essentiellement de la compagnie publique, CNAN-Nord, dont l’actuel Directeur général et deux de ses prédécesseurs, ont été présentés devant le pôle pénal national économique et financier, siégeant au tribunal de Sidi M’hamed, près la cour d’Alger. 

Leur présentation s’est faite sur la base des conclusions du rapport d’enquête préliminaire, qui a fait état, selon un communiqué du parquet, de «passation de marchés en violation de la réglementation, dépassements en matière de gestion, connivence dans la dilapidation de deniers publics à travers la responsabilité dans l’arrêt technique et la non exploitation des navires de l’entreprise, leur immobilisation dans les ports nationaux et étrangers et en conclusion, impacter l’activité et les relations de l’entreprise ainsi que l’état de sa trésorerie, en dépit des subventions de l’Etat.

Ce qui a suscité d’importants dommages financiers à la compagnie, au groupe et au Trésor public». Sur les 24 personnes présentées devant le parquet, 17 ont été déférés devant le juge d’instruction. Après une longue audition, ce dernier a ordonné la mise sous mandat de dépôt des trois Directeurs généraux qui se sont succédé à la tête de la compagnie, à savoir Smain Ghomri, Abdelmalek Smain et Lakhdar Djari, et la mise sous contrôle judiciaire des 14 mis en cause restants, principalement des cadres des services technique, commercial et administratif. 

Cette affaire, faut-il le rappeler, remonte à septembre 2022, à la suite d’une instruction du Président ordonnant l’ouverture d’une enquête sur la gestion de la flotte maritime de transport de marchandises, dont les navires presque totalement à l’arrêt, pour beaucoup, immobilisés dans des ports étrangers pour non-respect de la réglementation internationale de navigation et de protection du personnel navigant. Une situation dénoncée depuis des années, par le syndicat de CNAN-Nord, et la dernière a été justement au mois de septembre 2022. 

Dans une déclaration à El Watan, le secrétaire général, Khiri Bensouna, a appelé à une enquête sur le constat qu’il avait fait sur la gestion de la flotte maritime de transport maritime, assurée par deux filiales du groupe, GTMA, dont dépendent les deux filiales CNAN-Nord et CNAN-Med.

 Dans un courrier, adressé à la tutelle et aux plus hautes autorités du pays, la veille d’un sit-in de protestation du personnel navigant et sédentaire, devant le siège du groupe Gatma (Groupe algérien de transport maritime), à Alger, mais annulé à la dernière minute a réclamé «en urgence» une «bouée de sauvetage» à CNAN-Nord, dont la flotte composée de sept navires est immobilisée à ce jour. 


«Situation alarmante»

Dans cette lettre, le représentant des travailleurs a rappelé les «nombreux appels et rappels» de courriers «d’interpellation» sur la situation «alarmante dans laquelle est en train d’agoniser la compagnie faute d’une stratégie globale suffisante managériale accentuée par un très faible encadrement dépourvu de la compétence nécessaire pour la gestion et la mise à niveau d’un secteur hautement stratégique».

 Il a évoqué «l’absence d’un plan d’action élaboré, le faible déploiement des fonctions de soutien indispensables à l’accompagnement des filiales», puis a fait le constat : «Des filiales du groupe lourdement endettées et complètement déficitaires qui nécessitent une action urgente en raison de leur santé financière sous pression significative. Il y a des doutes sur les capacités des filiales à poursuivre leurs opérations sans aides de l’Etat.» 

Le secrétaire général du syndicat de CNAN-Nord a attiré l’attention des autorités sur «les facteurs exogènes et endogènes» qui ont participé au «déclin» de l’entreprise et mis en garde contre une «trésorerie qui ne garantit pas sa solvabilité et par conséquence son incapacité d’assurer le versement des salaires de ses travailleurs». 

M. Bensouna a, par ailleurs, plaidé pour «une réflexion globale approfondie pour entreprendre dans les plus brefs délais les démarches nécessaires, faute de quoi les filiales du groupe se retrouvent face au plan d’ajustement structurel dont la conséquence directe est la fermeture des entreprises et le licenciement des travailleurs. 

Une situation qui fait le bonheur de nombreux concurrents et menace sérieusement la pérennité du pavillon national». Le syndicat a constaté «avec regret» que la flotte de CNAN-Nord, avec ses sept navires, soit totalement immobilisée dans des ports algériens et étrangers, «pour des causes multiples, mais dont les conséquences sont négatives sur la souveraineté économique du pays». 

Il a mis l’accent sur «l’urgence d’une intervention devant les graves dérives que connaît le secteur et particulièrement CNAN-Nord depuis trois années et qui la précipitent de plus en plus dans un irréversible chaos». Khiri Bensouna a conclu son courrier en qualifiant sa lettre de «cri du cœur pour alerter la tutelle et les pouvoirs publics sur les dangers qui risquent d’être très dommageables pour le secteur maritime et par conséquence pour l’économie nationale». 

C’est «une action ultime», a-t-il déclaré pour «trouver une sortie de crise». Dans le cas contraire, a-t-il souligné, «il faut s’attendre à des réactions imprévisibles des centaines de travailleurs, excédés par des mois sans salaires et un avenir sombre pour eux et leurs familles». 

Le courrier a fait tache d’huile et a suscité la réaction des plus hautes autorités, lesquelles ont demandé l’ouverture d’une enquête et c’est aux services de la Sécurité intérieure que celle-ci a été confiée. 

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