Point de vue / L'enjeu des binationaux dans l'élection présidentielle française de 2027

22/03/2025 mis à jour: 22:40
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Tous les prétendants sont en ordre de bataille pour l'élection présidentielle de 2027, mais sans l'avouer, et concentrent toutes leurs énergies avec leurs états-majors officiels et officieux pour se lancer dans la bataille avec tous les moyens disponibles. 

Les précédentes élections présidentielles nous enseignent que la marge entre le vainqueur et le vaincu tourne autour de 1 à 2% des voix exprimées (sauf celle de J. Chirac et J. M. Le Pen). Un simple calcul rudimentaire nous permet d'évaluer qu'avec 69 millions d'habitants et quelque 30 millions de votants potentiels, entre 3 à 4 millions de voix peuvent faire basculer l'élection présidentielle en faveur de l'un ou l'autre des candidats arrivés au second tour ! Retenons bien ce chiffre indicatif, car la réalité est certainement plus complexe (courants politiques, abstentions, atavismes, situation économique, âge des votants...).

Homogénéité du vote des binationaux d'origine algérienne

Evalués entre 5 et 6 millions, les binationaux d'origine algérienne, en France, représenteraient quelque 3 à 4 millions de votants potentiels à l'élection présidentielle de 2027, ce qui peut faire la différence et mener à la victoire le candidat qui pourrait capter cet électorat ! 

C'est tout l'enjeu de la prochaine élection présidentielle et celles à venir, ce qui explique, en partie, la politisation à outrance du dossier des flux migratoires et en particulier du cas spécifique des Algériens et pas des autres. Tous les états-majors politiques sont parfaitement conscients de cette réalité politico-démographique et de son impact sur les élections en général et celle présidentielle en particulier. 

Certes, l'homogénéité du vote des binationaux n'est pas assurée et certains voteront pour la droite et même pour l'extrême droite, mais en général, comme pour toutes les minorités de par le monde, ces catégories votent pour des candidats porteurs d'idées de gauche. En fait, il semblerait que, pour les élections de 2027, le candidat qui aura le plus de chance de l'emporter se situerait au centre droit, même s’il ne jouit pas d'un appareil politique (parti) solide et financièrement robuste.

Derrière la campagne haineuse contre l'Algérie, il y a les futures présidentielles

Les relations algéro-françaises ont de tout temps évolué en dents de scie, avec des périodes de coopération, de confiance, voire de fraternité, suivies de périodes de crispation, de suspicion et de conflits, et celle actuelle n'est ni plus ni moins inédite. Par contre, les futures élections présidentielles différent des autres par le poids des voix des binationaux et X. 

Driencourt, sur le journal de droite Le Figaro, confirme ce que nous avons pressenti dès la parution de son premier ouvrage intitulé L’Enigme algérienne, à savoir que «les relations avec l’Algérie sont, à la fois, un problème de politique extérieure et intérieure de la France». 

Peut-on être plus explicite que cela ? Il a été le fondateur de la «diplomatie du visa» (Lire notre édito, dans ce sens, sur le journal électronique «reveildalgerie.dz»), qui a fait que la France ait décidé unilatéralement de diminuer de 50% les visas délivrés aux Algériens sous prétexte que notre pays «rechigne» à accepter le rapatriement de nos ressortissants, lorsqu’ils ont été condamnés pour divers délits. Il avait donc la main sur le robinet des visas, à la hausse ou à la baisse, pour négocier, comme le font les maquignons un jour de marché à bestiaux, et propose aux autorités françaises actuelles d’user et abuser de cet instrument pour infléchir la position algérienne et notamment pour la renégociation des accords historiques de 1968 (trois fois renégociés), avantageux, selon lui, aux ressortissants algériens par rapport aux autres pays du Maghreb. 

Il va monter en puissance, alimentant le ministre de l’Intérieur, B. Retailleau, en proposant la saisie de nos avoirs immobiliers et financiers et l’interdiction pour Air Algérie de desservir la France, oubliant au passage Air France. C'est à travers ce prisme qu'il faut analyser les dérapages de la crise actuelle et la violence, à peine voilée, des prises de position d'hommes politiques et des médias contrôlés par des magnats de la finance d’extrême droite. 

Il faut donc s'attendre à une montée en puissance des discours haineux et des attaques tous azimuts contre notre pays et ses intérêts, biens compris, jusqu'en 2027. La droite dure et l'extrême droite auront une chance historique d'emporter la présidentielle à condition de maintenir ce discours de peur et de haine et de le durcir pour arriver à leurs fins politiques. Le centre et la gauche ne peuvent prétendre à la victoire que dans la mesure où ils s'unissent sur un programme minimum, ce qui n'est pas évident. Durant cette période, l'Algérie comptera les points !


Vision à moyen et long terme contre celle à court terme

Les relations algéro-françaises ne peuvent se concevoir que dans la mesure où elles s'inscrivent dans le moyen et long terme, de manière à transcender les vicissitudes diverses et variées que nous impose le court terme. Libérée des besoins de financement et de sa dette extérieure, notre pays dispose d'immenses opportunités d'investissement dans tous les domaines, notamment dans les mines, les infrastructures, l'industrie, l'agriculture, le tourisme... et autres filières technologiques. 

La France peut profiter de ces opportunités, dans le cadre de la concurrence, de manière à tisser des relations fécondes, en dehors de toutes enchères xénophobes et d'attitudes paternalistes que dicte le narratif du moment. Si la France se laisse déborder par les faits divers, d'autres pays n'hésiteront pas à prendre sa place. Elle ne pourra s'en prendre qu'à elle-même. 

Par Mourad Goumiri
 

 

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