Mardi 31 mars 2020, Samia Allad, une poétesse de Kabylie, enfant des Aït Lhacene, un village perché dans les montagnes de Illoula Oumalou, à une soixantaine de kilomètres au sud-est de Tizi Ouzou, a rendu son dernier souffle à l’hôpital Belloua (Redjaouna), dans la capitale du Djurdjura, après avoir été terrassée, pendant de nombreuses années, par une dure et longue maladie.
Samia Allad, tout enfant encore, adorait composer des poèmes à sa manière alors qu’elle suivait tant bien que mal sa scolarité à l’école primaire de sa région natale. Avant même d’entrer dans l’adolescence, la poétesse en herbe est frappée, malheureusement, par une terrible myopathie, paralysant quasi totalement ses membres inférieurs.
Son défunt père, Larbi Allad, bouleversé par le mal «anéantissant» son petit ange, alors moins de 19 ans, l’accompagna à un hôpital en France où elle séjourna près d’une année (2000-2001), mais sans grand résultat. Sur place, elle y avait pourtant suscité, selon Malika, sa sœur aînée de trois ans et son ange-gardienne durant tout le restant de la courte vie de sa cadette poétesse, une sympathie particulière avec le personnel de cet établissement.
«Le phénomène qui habitait Samia est qu’elle suscitait de l’empathie, de l’amour et de la sympathie partout où elle mettait pied», se rappelle Malika. A son retour au bled, Samia, prise de la nostalgie de revoir les siens, les montagnes de son village et surtout de re-goûter aux tendres câlins de sa maman (Nna Dahbia) ou de ses autres aînés, Milya, Rezki, Voussad…
Trois ans plus tard, Samia connaîtra tout de même, en dépit des aléas engendrés par sa maladie, un des rares bonheurs avec la naissance, chez son frère Rezki, de son bambin de neveu, Zidane, qui, pour elle, suscitera dès lors, au fil des mois et d’années, «beaucoup de moments de joie», disait-elle de son vivant.
Ces instants d’oubli lui permettront de continuer à composer de belles strophes en kabyle qu’elle transcrivait dans des cahiers et qu’elle mettait alors entre les mains de Malika, sa confidente. Celle-ci restera d’ailleurs célibataire, «rien que pour Samia, pour pouvoir l’entretenir», nous confie-t-elle. Et comme «un malheur ne vient jamais seul», disait l’adage, Samia est encore atteinte d’un cancer du sein pour lequel elle subira une ablation au CHU Nedir Mohamed.
C’est ainsi qu’avec une résistance inouïe, Samia, trentenaire, édita successivement deux recueils de poésie, intitulés respectivement Ad inigh (Je vais dire), distribué en 2018, puis un autre Chqarrewegh-kem (Je te défie, s’adressant à sa maladie). Ce dernier voit le jour aux tout débuts de 2020. Pendant que ses maladies s’acharnaient sur la frêle silhouette de notre charmante poétesse, on lui détecta encore, de surcroît, une tumeur de cerveau.
Comme qui dirait qu’il n’y a jamais deux sans trois… Ainsi, malgré tout, Samia ne se décourageait pas, composant et versifiant jour et nuit des rimes d’adoucissement d’esprit, une façon pour elle de défier ses terribles et handicapantes maladies.
Celles-ci ne voulant plus s’estomper, malgré des séries de chimio et de radiothérapie, finiront par avoir raison d’elle en cette ultime journée de mars 2020 à l’hôpital de Sidi Balloua (Redjaouna), bouleversant par là sa famille et ses innombrables amis(es) du secteur sanitaire et des médias divers qui suivaient son évolution.
«Un réel ciment»
Outre ses deux recueils de poésie, Samia a laissé, selon sa confidente sœur, une riche documentation de ses divers manuscrits (poèmes et autres écrits). «J’espère ne pas tarder à les éditer, pour peu que je trouve un peu de soutien, en les adjoignant aux deux précédents recueils ou en éditant un troisième ouvrage, à titre posthume, en hommage à la mémoire de Samia, partie si prématurément…
39 ans», évoque Malika, émue. Notre interlocutrice nous rappelle en ce douloureux 5e anniversaire du rappel à Dieu de son inénarrable cadette que «Samia était vraiment un réel ciment» liant l’ensemble de la famille particulièrement et les villageois en général à Aït Lhacene, tant elle était très adorée dans la région.
J’aimerais bien qu’un jour les autorités compétentes dans le domaine de la culture donne, comme hommage, le nom de cette poétesse à quelque édifice dans le village ou ailleurs afin d’immortaliser en quelque sorte cette enfant battante, poétesse d’une grande estime dans la localité», souhaite encore Malika, rappelant que le 8 mars dernier de nombreuses femmes et de jeunes filles du village ont consacré cette journée internationale de la femme, spécialement à Samia, au niveau de la maison de jeunes locale.
Elles y ont notamment clamé, après une minute de silence à sa mémoire, de nombreux poèmes pour elle dont certains furent tirés de ses propres recueils. Paix éternelle à ton âme pure, Samia !
S. Yermeche
(Correspondance spéciale)