Outrances sémantiques, crimes de guerre

22/11/2023 mis à jour: 03:53
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Hamas-Daech». C’est par cette association que Benyamin Netanyahu, ses ministres et l’état-major de son armée se font le devoir de désigner le mouvement de résistance palestinien. Et c’est ainsi qu’ils exigent du monde qu’il le présente depuis les attaques de sa branche armée, les Brigades Al Qassam, le 7 octobre dernier. 

On savait le mouvement classé «organisation terroriste» depuis de nombreuses années par Tel-Aviv, Washington et l’Union européenne, soit ceux-là mêmes qui prennent partie pour l’occupant dans le conflit actuel. Mais un autre cran est enclenché concernant la sémantique de guerre déployée par Israël. 

Une fameuse séquence, mettant face-à-face une journaliste française et un porte-parole de l’armée israélienne, lors d’une interview télévisée, le 10 octobre dernier, démontre le caractère central de l’édit conceptuel israélien dans sa stratégie de communication pour mener la riposte. L’officier s’est vite emporté d’entendre la journaliste parler de «combattants du Hamas» et use de l’impératif pour l’enjoindre de corriger immédiatement en employant l’appellation «terroristes». 

D’autres apostrophes du même genre ont concerné d’autres médias occidentaux, et ceux-ci, à de rares exceptions, se sont exécutés depuis sans trop se faire prier. 

On connaît les misères faites à la BBC et à l’AFP, depuis le début du conflit, pour leur refus éthique de céder aux pressions politiques et gouvernementales leur dictant d’adopter systématiquement le qualificatif de «terroriste» à chaque fois qu’est évoqué le mouvement Hamas. 

Le premier responsable de l’agence de presse, accusé, entre autres, de promouvoir une ligne «pro-palestinienne» dans le propos du conflit en cours, voire d’antisémitisme, a été entendu par le Sénat français le 14 novembre dans le cadre d’une audition consacrée au sujet. 

Nommer le Hamas comme mouvement terroriste dans les médias et les déclarations politiques, d’une part, et insister à l’usure sur ce leitmotiv du «droit d’Israël à se défendre», de l’autre, s’affirme comme les deux axes du plan de communication de guerre dicté par Tel-Aviv et adopté avec zèle par ses parrains et alliés. Et bien entendu, se «défendre» contre des terroristes, c’est leur dénier toute légitimité et motivation politiques et physiquement les éliminer, quelles que soient les méthodes employées. Netanyahu, qui a décrété que la mémoire juive a enregistré, le 7 octobre 2023, un trauma comparable à la shoah, tient en la circonstance son 11-septembre, soit l’habilitation historique et morale pour les ripostes les plus disproportionnées, concrètement les crimes les plus abominables, dans le camp d’en face. 

Et on a vu dans le sillage se dérouler le plan d’extermination, depuis plus d’un mois et demi maintenant, contre la population de Ghaza, ses femmes et ses enfants, sous les yeux d’une opinion mondiale dont on a tenté d’inhiber l’indignation par le martelage du récit maison des «massacres» du 7 octobre. 

Tel-Aviv et ses alliés se sont évertués, depuis le début du conflit, à isoler le mouvement Hamas et l’opération de son aile armée de la problématique de l’occupation et à les couper de la généalogie de la résistance du peuple palestinien depuis plusieurs décennies. Israël a, depuis longtemps, annulé dans les faits les quelques engagements pris dans les accords d’Oslo, accentué ouvertement sa politique de colonisation et de spoliation dans les territoires occupés, resserré le joug sur la jeunesse palestinienne, discriminée et interdite d’horizons sociaux et de toute velléité de rébellion, sous peine d’accusation de terrorisme. 

En déclarant la guerre totale au Hamas et au terreau populaire dont il se nourrit, Netanyahu et son gouvernement mènent une opération de liquidation de tout le potentiel de la résistance armée en terre palestinienne. 
 

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