Dimanche prochain, ce sera une autre France qui surgira et pas seulement au niveau des équilibres politiques. Toute la société pourrait être affectée profondément par la montée en puissance de l’extrême droite dont on ne sait, à l’heure actuelle, si elle régnera en maître absolu au niveau du Parlement et de l’Exécutif avec le poste de Premier ministre ou si elle se contentera d’une majorité relative qui lui conférera, en tout état de cause, une forte emprise sur le Parlement aidée en cela par une frange de la droite alliée.
Arrivé en tête avec 33% des suffrages, le Rassemblement national (RN) devance largement le Nouveau Front populaire (NFP) et la majorité présidentielle. A l’origine de la dissolution fortement décriée du Parlement, Emmanuel Macron a appelé à un «large rassemblement clairement démocrate et républicain» face au parti d’extrême droite.
Si donc celle-ci triomphe encore le 8 juillet prochain, il y a risque que la France entre dans une ère déstabilisatrice sans précédent, s’aggravant au fur et à mesure des décisions que prendrait Bardella, probable Premier ministre, si les tactiques d’endiguement prônées par ses adversaires ne suffisent pas. De nouvelles lois seront votées, d’autres annulées par le nouveau Parlement d’extrême droite. Nombre d’acquis démocratiques arrachés par les Français au fil de l’histoire pourraient ainsi être compromis.
Les relations avec les partenaires étrangers connaîtront de graves détériorations, notamment avec l’Algérie, éternelle ennemie de l’extrême droite française, qui a comme fondateur Jean-Marie Le Pen impliqué dans l’assassinat et la torture de bon nombre d’Algériens pendant la Guerre de Libération nationale.
Au sein de ce parti fasciste, figurent aujourd’hui de nombreux rescapés de l’organisation terroriste OAS. Au pouvoir probablement à Matignon, mais en force au Parlement, sa première cible sera l’immigration sous toutes ses facettes. Il a comme projet d’annuler le droit du sol et de faire prévaloir la «préférence nationale» dans le travail et le logement, notamment, ainsi que l’exclusion des binationaux des postes dits sensibles. Vis-à-vis de l’Algérie, il chercherait à remettre en cause les clauses de l’Accord de 1968 qui accordent aux Algériens un statut particulier en matière de déplacement, de résidence et de travail.
Une lourde inquiétude s’est déjà emparée de l’immigration en France. Sur la question sensible de la mémoire, il s’efforcera de remettre en cause les quelques pas franchis jusque-là. Le président français avait déclaré que la colonisation française est «un crime contre l’humanité», tout en rendant hommage aux victimes de la répression par la police française de la marche pacifique des Algériens à Paris en Octobre 1961.
Il a aussi reconnu l’assassinat de l’avocat Ali Boumendjel par les autorités françaises de l’époque. Mais quelque temps après, dans un interview au journal Le Point, il avait estimé qu’il «n’a pas à demander pardon» après avoir émis «des doutes sur l’existence d’une Nation algérienne construite», à ses yeux sur «une rente mémorielle», ce qui avait provoqué, à ce moment-là, une crise diplomatique entre Alger et Paris.
Le fameux rapport de l’historien Benjamin Stora a été, depuis, jugé incomplet par l’Algérie et la relève a été prise depuis une année par une commission d’historiens français et algériens qui travaillent actuellement sur l'échange d'archives numériques et la restitution des biens algériens, comme les épées et les objets personnels de l’Emir Abdelkader.
Le sort de cette commission est incertain avec la perspective de l’arrivée du Rassemblement national au pouvoir exécutif et législatif, tout comme est incertaine la visite du président Tebboune en France programmée pour l’automne prochain. A l’évidence, le voyage ne pourrait avoir lieu dans un climat de forte hostilité des nouveaux décideurs d’extrême droite au rapprochement algéro-français, bien que ce sera le président Macron qui aura le dernier mot. Encore faut-il qu’il ait encore les coudées franches présidentielles ou qu’il ne quitte pas son poste présidentiel.
L’Algérie ne voudra pas que la relation algéro-française soit prise en otage des guerres de pouvoir, soumise au chantage et devenue un motif de règlement de comptes entre les partis français. Pour cela, elle peut encore compter sur un Macron toujours actif, compte tenu de ses engagements passé et des bonnes relations entretenues entre lui et le président Tebboune.
L’Algérie pourrait aussi avoir à ses côtés le «Nouveau Front Populaire», notamment sa composante sincère et progressiste qui n’accepte aucune diabolisation de l’immigration et qui rejett toutes les formes d’islamophobie et de racisme, comme le fait le Rassemblement national et une partie de la droite.
C’est avec de nouveaux partenaires sincères et engagés que l’Algérie peut envisager une refondation saine et forte des relations algéro-françaises et partager les mêmes valeurs sur les grands conflits régionaux, notamment l’agression israélienne de Ghaza et l’occupation coloniale marocaine du Sahara occidental.