Opération de désengagement de Paris du Niger : Les derniers militaires français ont quitté le pays

23/12/2023 mis à jour: 05:00
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Les troupes françaises quittent le Niger après dix ans de présence dans le cadre de la lutte antidjihadiste au Sahel

Les derniers militaires français déployés au Niger ont quitté le pays hier matin, a annoncé l’armée nigérienne lors d’une cérémonie à Niamey marquant la fin de leur présence dans cet Etat dirigé par un régime militaire depuis un coup de force en juillet dernier, rapporte l’AFP citant des sources militaires. «La date d’aujourd’hui (...) marque la fin du processus de désengagement des forces françaises au Sahel», a déclaré un lieutenant de l’armée nigérienne, Salim Ibrahim. La cérémonie a eu lieu dans la base aérienne de Niamey, abritant une base aérienne projetée (BAP) où stationnait une partie des 1500 soldats et aviateurs français présents au Niger.

 Les derniers militaires français ont décollé à bord de deux avions ; leur destination n’a pas été renseignée. La cérémonie a été conclue par la «signature» d’un «document conjoint» par le chef d’état-major de l’armée de terre du Niger, le colonel Mamane Sani Kiaou, et le commandant des forces françaises au Sahel, le général Eric Ozanne, a affirmé le lieutenant Salim Ibrahim. La signature du texte s’est faite «en présence du Togo et des Etats-Unis», respectivement «représentés par le chef d’état-major général des armées» et «l’attaché militaire de Défense», a-t-il ajouté. La BAP a été rétrocédée au Niger. Le lieutenant Ibrahim a précisé qu’au cours du processus de désengagement des militaires français, «145 vols ont été effectués, 15 convois terrestres ont eu lieu et environ 1500 militaires ont été désengagés». 

Entamé début octobre, le retrait des troupes françaises met fin à dix ans de lutte antidjihadiste française au Sahel, où le Niger est l’un des derniers alliés de Paris avant le coup d’Etat de juillet. Après un bras de fer de deux mois avec les nouvelles autorités à Niamey, qui ont dénoncé plusieurs accords militaires avec Paris, le président français, Emmanuel Macron, a annoncé le 24 septembre que les troupes françaises seraient parties du Niger «d’ici la fin de l’année». Au Niger, le gros des effectifs français est déployé à Niamey et le reste sur deux postes avancés dans la zone dite des trois frontières entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso, considérée comme un antre de groupes liés à Al Qaïda et l’Etat islamique (EI).L’ambassadeur de France au Niger, Sylvain Itté, expulsé par les autorités, a quitté le pays fin septembre.

 Présente dans la région depuis 2013, la France a déployé jusqu’à 5500 hommes au sein de l’opération antidjihadiste «Barkhane», en coopération avec les armées malienne, burkinabè et nigérienne. Elle a aussi obtenu le déploiement des forces spéciales de partenaires européens, avec le soutien de Washington qui fournit renseignement et appui logistique depuis la base de Niamey.
 

Coupure avec l’Occident

Depuis le coup d’Etat au Niger qui a renversé le président Mohamed Bazoum, les généraux nigériens au  pouvoir ont rompu les liens avec plusieurs partenaires occidentaux tout en se rapprochant de la Russie. Il reste toutefois au Niger des contingents américains et, d’une importance moindre, allemands et italiens. Les Etats-Unis, qui disposent d’une base aérienne dans le nord du pays, ont annoncé mercredi être prêts à reprendre leur coopération avec le Niger, à condition que le régime militaire s’engage notamment à une transition courte. Le même jour, l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) a annoncé la suspension du Niger, avec effet immédiat, à l’exception des programmes «bénéficiant directement aux populations civiles et ceux concourant au rétablissement de la démocratie», selon un communiqué. 

Elle a appelé à la «libération immédiate et sans conditions du président Mohamed Bazoum» et de sa famille, au «rétablissement rapide de l’ordre constitutionnel et de la démocratie au Niger» et à établir «un chronogramme de sortie de transition avec une durée limitée dans le temps». 
Début décembre, Niamey a annoncé mettre fin à deux missions, civile et militaire, de l’Union européenne (UE). 

Le même mois, une délégation russe, conduite par le vice-ministre russe de la Défense, le colonel-général Yunus-Bek Yevkurov, a effectué une visite au Niger, où elle a été reçue par le chef du régime militaire nigérien, le général Abdourahamane Tiani. 

A l’issue de cette rencontre, les deux parties ont procédé «à la signature de documents dans le cadre du renforcement de la coopération militaire» entre le Niger et la Russie, selon Niamey. Entre-temps, ce pays de l’Ouest africain compte tirer profit d’un projet d’oléoduc entrepris en coopération avec la Chine, qui doit être inauguré en janvier et permettra au pays d’exporter pour la première fois son brut, soit environ 90 000 barils/jour, vers le Bénin. La même délégation russe s’est rendue auparavant au Mali. 
 

«Certains partenaires n’ont pas toujours été loyaux»

Les échanges ont notamment concerné des «projets de développement pour le Mali, en matière d’énergie renouvelable et nucléaire», ainsi que des «questions liées à l’approvisionnement du Mali en engrais, en blé et en produits pétroliers», a indiqué Alousséni Sanou, ministre de l’Economie et des Finances du Mali, dans une vidéo publiée par la Présidence. 

Il a également mentionné la réalisation d’un chemin de fer et d’un réseau de tramway, la création d’une compagnie aérienne régionale, ainsi que des projets de recherche et d’exploitation minière. En octobre, le groupe russe nucléaire Rosatom a signé un accord avec le Burkina Faso, à Moscou, pour construire une centrale nucléaire dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, où moins d’un quart de la population a accès à l’électricité. L’accord intervient dans le sillage de la dégradation des relations entre Paris et Ouagadougou. Le Premier ministre burkinabè, Apollinaire Kyelem de Tambela, a émis des doutes, après sa prise de fonction en novembre 2022, sur la contribution de la France dans la lutte contre les djihadistes au Sahel : «Nous pensons, peut-être à tort, que certains partenaires n’ont pas toujours été loyaux. 

Comment comprendre que le terrorisme gangrène notre pays depuis 2015, dans l’indifférence, si ce n’est avec la complicité de certains de nos prétendus partenaires ?» s’est-il interrogé. Après le Mali l’an dernier, le Niger et le Burkina ont annoncé en début décembre leur départ de l’organisation antidjihadiste G5 Sahel, neuf ans après la création de l’organisation dont les membres restants sont la Mauritanie et le Tchad.Dans un communiqué conjoint rendu public en la circonstance, Niamey et Ouagadougou ont déclaré que «l’organisation peine à atteindre ses objectifs». 

«Pire, les ambitions légitimes de nos Etats à faire de l’espace du G5 Sahel une zone de sécurité et de développement sont contrariées par des lourdeurs institutionnelles, des pesanteurs d’un autre âge qui achèvent de nous convaincre que la voie de l’indépendance et de la dignité, sur laquelle nous sommes aujourd’hui engagés, est contraire à la participation au G5 Sahel dans sa forme actuelle», poursuivent-ils. Ils affirment avoir pris une responsabilité historique en quittant une organisation qui servirait «les intérêts étrangers au détriment de ceux des peuples du Sahel, encore moins accepter le diktat de quelle que puissance que ce soit au nom d’un partenariat dévoyé et infantilisant qui nie le droit à la souveraineté de nos peuples et de nos Etats». 

Les trois pays sahéliens les plus touchés par le terrorisme ont créé en septembre l’Alliance des Etats du Sahel (AES), pour renforcer leur coopération. Les chefs de la diplomatie des trois pays ont pour propos la création d’une confédération avec pour ambition de parvenir à terme à une fédération. Les trois ministres ont insisté sur la diplomatie, la défense et le développement «pour consolider l’intégration politique et économique» entre les trois pays. 
 

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