Numérisation, développement de la recherche et enseignement de l'anglais : Les ambitions de Baddari pour l'université

18/05/2023 mis à jour: 01:14
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Kamel Baddari, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique - Photo : B. Souhil

Le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique estime que l’université doit rapidement camper le rôle de moteur social et économique. Il expose, dans l’entretien qui suit, la vision de son département et du gouvernement, et annonce des chantiers de réformes à mettre en œuvre dès la rentrée prochaine.

  • L’université affiche de plus en plus l’ambition de s’impliquer ouvertement dans l’économie et le développement, et multiplie les initiatives pour faire du diplômé un entrepreneur. Peut-on avoir une idée de ce qui se réalise actuellement ?

Le président de la République a placé l’université au centre des préoccupations de l’Algérie nouvelle. En ce 67e anniversaire du 19 mai, Journée nationale de l’étudiant, il est important de souligner que le nombre d’étudiants a été multiplié par 3400 depuis l’indépendance. L’université forme aujourd’hui près de 1 700 000 étudiants. Notre conviction est que la base du bien-être de la société algérienne ne sera réalisée qu’à travers une université performante et directement impliquée dans le développement du pays.

Aujourd’hui, en plus de sa vocation d’assurer l’enseignement et la recherche scientifique, elle doit activement contribuer à créer des entreprises, et donc créer de l’emploi. Le diplômé ne doit plus être un simple demandeur d’emploi mais un créateur d’emploi, soit un créateur de richesse. Nous avons donc orienté les futurs diplômés, comme première expérience cette année, vers des projets de fin d’études en adéquation avec les conditions de création de start-up et de micro-entreprises.

En application des instructions du président de la République, nous avons travaillé, de concert avec le ministère de l’Economie de la connaissance, des Start-up et des Micro-entreprises, à mettre en œuvre environ 10 000 projets d’innovation sur l’ensemble des projets présentés par les étudiants. Nous pensons que la logique de l’offre doit suppléer aujourd’hui la logique de la demande à l’université. C’est aux étudiants, encadrés par l’institution, de proposer leurs idées et projets, dans le domaine économique et autres, à la société. C’est notre philosophie.

  • La numérisation est un axe principal de l’action du gouvernement, l’université se propose d’en être la locomotive. Qu’en est-il des chantiers ouverts et quelles sont les perspectives dans le secteur ?

Dans le cadre du système directeur du numérique dans l’enseignement supérieur, nous avons mis en place une stratégie qui répond à 12 défis, 7 axes stratégiques et 102 programmes opérationnels. Nous projetons de mettre en place 42 plateformes numériques dédiées à l’établissement universitaire, et 4 autres aux œuvres universitaires. 35 sont opérationnelles au moment où je vous parle. L’objectif est que, à partir de la rentrée prochaine, une étudiante de Tamanrasset puisse s’inscrire à l’université de Bab Ezzouar, suivre son cursus à Tamanrasset, être évaluée à Tamanrasset… sans forcément avoir à se déplacer à Bab Ezzouar.

Cela a été déjà réalisé sur le plan théorique et des moyens techniques et il sera mis en application dès la rentrée prochaine. Nous allons exploiter toutes les possibilités qu’offre la numérisation pour permettre à des bacheliers du Grand Sud de s’inscrire dans des établissements du Nord. Sur le plan pédagogique toujours, les étudiants n’ont plus à se déplacer pour consulter des affichages. De son smartphone, un étudiant peut consulter son emploi du temps, imprimer son relevé de notes après délibérations.

L’objectif «zéro papier» est en train de se réaliser : plus de feuilles affichées ou scotchées sur les murs. Nous sommes le seul secteur pour le moment qui utilise la signature numérique, en vigueur désormais dans les échanges et procédures intra-universitaires. Pour le volet des œuvres universitaires, plusieurs plateformes numériques, nouvellement créées, vont permettre une amélioration certaine des prestations, pour une plus grande efficacité dans le fonctionnement et pour le confort des bénéficiaires.

Il y a donc cet axe stratégique qui concerne la gouvernance, la pédagogie, la recherche scientifique et les œuvres universitaires. Notre objectif est de former un étudiant citoyen, qui connaît ses devoirs et ses droits, qui maîtrise les outils de communication. A partir de l’année prochaine, nous allons introduire, dès la première année de formation, et pour toutes les spécialités, l’intelligence artificielle et l’innovation comme matière d’enseignement. Un des objectifs essentiels de la numérisation, c’est d’augmenter les taux de réussite des étudiants. C’est une priorité nationale, pédagogique, économique et sociale. La numérisation doit accompagner l’étudiant à la réussite, en lui permettant d’acquérir plus de connaissances.

  • Vous avez lancé une plateforme dédiée à la demande étrangère en matière de formation, sous le label  «Study in Algeria» («J’étudie en Algérie»). Quelles sont les nationalités que vous ciblez et avons-nous des arguments en matière d’offres pédagogiques et de conditions d’accueil pour ce faire ?

Les moyens existent. Nous avons 112 institutions universitaires, dont 54 universités et 39 Ecoles supérieures. Le niveau de ces écoles est aux standards internationaux, à l’exemple de l’Ecole supérieure des mathématiques et l’Ecole supérieure de l’intelligence artificielle, qui en sont à leur deuxième année de formation. Pour donner plus de visibilité et d’attractivité au système de formation, nous avons lancé, en effet, le label «Study in Algeria».

Notre démarche s’inscrit dans le sens de la politique suivie par les hautes autorités du pays. Elle s’adresse donc en priorité à la demande en Afrique et dans le Monde arabe. Si vous me parlez des conditions de formation, je vous dirai donc qu’elles sont excellentes. Pour les conditions d’hébergement et d’accueil, la démarche se conçoit comme un challenge pour l’amélioration de la gouvernance de ce segment.

Nous avons des cités qui garantissent de bonnes conditions d’accueil et d’autres qui nécessitent des améliorations. Le label va tirer vers le haut la gestion de ces institutions et nous allons travailler à préparer quelques-unes d’entre elles pour servir de locomotive à la démarche globale. Nous continuons à œuvrer, en collaboration avec le ministère des Affaires étrangères, à mettre en place un cadre qui facilite l’accès de la demande étrangère pour des formations dans nos universités.

Ouvrir les portes de nos institutions universitaires aux étudiants étrangers, c’est investir sur l’image de notre pays. Les futurs diplômés étrangers seront autant d’ambassadeurs dans leurs pays d’origine, pour une plus grande visibilité de notre système d’enseignement, de notre riche culture, de notre société.

  • La langue anglaise est promue progressivement comme langue d’enseignement à l’université. Comment cela se passe concrètement sur le terrain ?

La langue anglaise est aujourd’hui la langue de la technologie. Nos enseignants et nos étudiants doivent suivre ces évolutions et acquérir les niveaux de maîtrise requis. Pour assurer des formations de qualité, il faut bien entendu prendre en charge la ressource humaine pédagogique. Aussi, avons-nous mis en place un vaste programme de formation à distance, à travers la plateforme EDX, et lancé des formations intensives au niveau des centres spécialisées dans les universités.

Sur 64 000 enseignants universitaires, 34 000 sont actuellement en cours de formation. D’ici juillet prochain, et même durant les vacances d’été, nous allons recourir à la plateforme EDX pour un programme supplémentaire de formation à distance. Notre objectif et de faire acquérir à chaque enseignant le niveau B2 ou C1 qui peut lui permettre de communiquer et assurer l’enseignement en langue anglaise.

Nous comptons, par ailleurs, former les nouveaux étudiants, soit les bacheliers 2023, pour le niveau B2 au moins, à distance. Le programme est prévu entre le 20 juillet et le 20 septembre prochains. Nos prévisions tablent sur la formation de près de 300 000 nouveaux arrivants à l’université.

Dès l’année prochaine, nous allons tout mettre en œuvre pour enseigner le plus grand nombre de spécialités en anglais. Notre philosophie est d’enseigner cette langue et cette autre langue, et non pas cette langue ou cette autre. Si vous voulez une image, c’est un peu la maison de Ghandi et ses nombreuses fenêtres : chaque fenêtre est ouverte sur une culture différente. Nous voulons former un étudiant ouvert sur les langues et les cultures étrangères.

  • Vous avez annoncé de grandes assises sur l’université devant aboutir à des réformes à tous les niveaux. Quels en sont les grands axes de travail et quelles nouvelles missions pour l’université ?

L’Algérie a connu, on peut dire, 3+1 réformes. La première en 1971, intervenue dans un contexte d’industrialisation. La deuxième opérée en 1984 a dû prendre en compte la démographie galopante et la mission de garantir une place pédagogique pour chaque bachelier. La troisième, en 2004, a été celle du LMD, parce que l’Algérie ne pouvait pas se permettre de rester à la marge de ce qui se faisait dans le monde. D’une manière générale, en ne peut pas parler d’une réforme une fois pour toutes, les reformes s’ajustent selon les contextes. Aussi, l’Etat et les acteurs universitaires se doivent d’intervenir à chaque fois que le besoin de revoir les choses s’impose.

Nous allons avoir des assises sur la modernisation de l’université, avec trois volets : le nombre de domaines, la double diplomation et le nombre des années par cursus. Les chantiers seront lancés à partir de la rentrée universitaire prochaine, mais des rencontres s’organisent localement au niveau des départements, les facultés et les conseils scientifiques autour de ces thèmes de travail.

Nous prévoyons, également, des assises sur les sciences médicales, à tenir durant la même période. Un chantier sera également ouvert, en 2024, sur la recherche scientifique. Enfin, des assises seront consacrées aux œuvres universitaires avant juillet prochain. L’objectif étant de fournir de meilleures prestations aux étudiants. Améliorer la numérisation du transport et de la restauration par exemple. Pour la restauration, à partir de la rentrée prochaine, il est prévu que le ministère soit dans la mesure d’avoir une idée standardisée sur le près de un million de repas servis dans les resto U, grâce au système progress. On aura aussi une idée sur la réelle tarification des repas servis.

Le dernier Conseil des ministres a approuvé vos propositions sur le programme de recrutement, concernant notamment les détenteurs de doctorats et de magister. Il est question également d’une revalorisation des salaires et d’une révision du statut de l’enseignant… quatre modalités sont retenues : le recrutement dans le grade de maître-assistant B, le recrutement au poste de chercheur dans un centre de recherche, le recrutement au poste d’administrateur conseiller, soit au niveau de l’administration du secteur ou dans les autres secteurs. Il y a enfin la formule d’engagement par contrat, qu’il ne faut pas confondre avec les vacations.

C’est un contrat d’enseignement et le titulaire de doctorat ou de magister aura droit à un salaire convenable. La priorité est donnée à cette catégorie. Plus de 60% seront recrutés comme maîtres-assistants B, en chercheurs et dans l’administration. Dans la recherche, les recrutements se feront pour trois ans renouvelables. Ceux qui sont éligibles au recrutement en tant que maîtres-assistants B, auront fort probablement leurs postes avant septembre prochain. Nous comptabilisons 5960 titulaires de doctorat, 1507 de magister, ce qui fait en tout 7467 postulants. Le secteur dispose déjà de 3500 postes permanents à pourvoir. Les autres seront ventilés sur les formules qui viennent d’être proposées.

Concernant le statut de l’enseignant, le président de la République tient beaucoup à l’amélioration de la situation des enseignants universitaires. Il a été proposé un statut pour l’enseignant chercheur, des décrets exécutifs concernent les indemnités et les primes, et un autre statut pour les hospitalo-universitaires. Les nouvelles missions dévolues à l’université, et donc à l’enseignant, imposent de revoir cet aspect.

Sur le plan salarial, nous sommes intervenus sur les primes et les indemnités en améliorant les valeurs et les taux. De 5 primes, on passe à 15 désormais. Des améliorations substantielles sur le plan salarial seront apportées rapidement, et nous espérons que cela va stabiliser et motiver le corps enseignant. Tout cela doit concourir à mobiliser les forces de l’université pour lui permettre de réaliser ce saut qualitatif que nous recherchons tous.

Aussi, par un appel à toute la famille de l’université, étudiant, enseignant, gestionnaire, ou simple fonctionnaire, à s’inscrire dans cet élan qui vise à faire de l’institution une locomotive de développement au service du pays et de la société, comme stipulé dans l’engagement 41 du président de la République. Travailler ensemble pour que l’université soit la base du développement et du bien-être des Algériens  

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