Le Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) a enquêté sur six attaques «emblématiques» qui éclairent sur le modus operandi de l’armée israélienne à Ghaza. Ces attaques «ont entraîné un nombre élevé de morts parmi les civils et une destruction généralisée de biens civils, soulevant de sérieuses inquiétudes au regard du droit de la guerre, aux principes de distinction, de proportionnalité et de précaution», relève le HCDH.
L’obligation de choisir des moyens et des méthodes de guerre qui évitent ou, à tout le moins, minimisent dans toute la mesure du possible les dommages causés aux civils semble avoir été systématiquement violée lors de la campagne de bombardements d’Israël». Le constat est de Volker Türk, le haut commissaire des Nations unies aux droits de l’homme.
Cette déclaration est le fruit d’une expertise rigoureuse des équipes du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH). Celles-ci ont «examiné six attaques israéliennes à Ghaza ayant fait de nombreuses victimes», selon un document de l’ONU. Elles sont arrivées à la conclusion que «les lois de la guerre étaient constamment violées» par l’armée israélienne à chacune de ces opérations.
Les attaques qui ont fait l’objet de cette enquête «ont entraîné un nombre élevé de morts parmi les civils et une destruction généralisée de biens civils, soulevant de sérieuses inquiétudes au regard du droit de la guerre, aux principes de distinction, de proportionnalité et de précaution», affirme le HCDH.
Des bombes sur des zones densément peuplées
L’instance onusienne estime que les six attaques examinées sont «emblématiques» des «tactiques israéliennes» dans cette guerre. Elle fait état de «l’utilisation présumée de bombes pesant jusqu’à 920 kg sur des bâtiments résidentiels, une école, des camps de réfugiés et un marché».
«Ces armes mesurant plus de trois mètres ainsi que des versions plus petites ont été déployées du 9 octobre au 2 décembre 2023, causant 218 décès confirmés», ajoute la même source. Le rapport du HCDH cite un document de l’armée israélienne recensant les opérations militaires menées jusqu’au 11 novembre 2023.
Il montre que l’armée de l’air avait bombardé «plus de 5000 cibles» au cours de cette période. «Les méthodes et moyens choisis par Israël pour mener les hostilités à Ghaza depuis le 7 octobre, notamment l’utilisation massive d’armes explosives à large rayon d’action dans des zones densément peuplées, n’ont pas permis de faire une distinction effective entre les civils et les combattants», relève le rapport.
L’expertise évoque une série de raids ayant ciblé le secteur d’Al Shujaîya, dans la ville de Ghaza où le périmètre de la zone de destruction «mesurait environ 130 mètres de large» et où les forces d’occupation ont «détruit 15 bâtiments». Cette opération a fait au moins 60 morts. Les dommages causés aux immeubles et l’étendue des cratères «indique qu’environ neuf bombes GBU-31 ont été utilisées», soutient le HCDH.
Et de préciser : «Les bombes GBU-31, 32 et 39 sont principalement utilisées pour traverser plusieurs étages de béton et peuvent faire s’effondrer complètement de grandes structures». «Les effets de ces armes dans ces zones ne peuvent pas être limités, comme l’exige le droit international. Ce qui fait que des objets militaires, des civils et des infrastructures civiles sont frappées sans distinction», fait observer l’organisme onusien.
«La destruction est inimaginable»
Ajith Sunghay, chef du bureau du Haut-Comissariat aux droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés, témoigne à son retour d’une mission d’évaluation à Rafah, Khan Younis et Deir-Al-Balah, selon un compte-rendu de l’ONU : «Les hôpitaux sont pleins à craquer et l’odeur est insupportable. Les eaux usées se déversent dans les tentes, il n’y a pas d’eau potable. Si les bombes ne tuent pas, la maladie le fera». Il poursuit : «Le bruit des bombes, des fusils et des drones est constant.
Le boucan de la guerre est ininterrompu jour et nuit. En 22 ans de travail aux Nations unies, y compris dans de nombreuses situations de conflit et d’après-conflit, je n’ai jamais vu de tels défis pour les Nations unies, les droits de l’homme et les partenaires de l’aide humanitaire. La destruction est inimaginable». En écho à ce rapport du HCDH, une Commission d’enquête du Conseil des droits de l’homme de l’ONU a dénoncé «le mépris flagrant du droit international dans l’ensemble du territoire palestinien occupé».
Cette commission d’enquête s’est appesantie sur l’épouvantable tragédie que vivent les enfants palestiniens. «À Ghaza, les forces de sécurité israéliennes ont tué et mutilé des dizaines de milliers d’enfants, et des milliers d’autres restent probablement sous les décombres.
Les attaques israéliennes ont également gravement affecté les infrastructures essentielles au bien-être des enfants, notamment les hôpitaux, les écoles et les services de base», fustige Navi Pillay, juriste sud-africaine et présidente de la Commission d’enquête sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés. Mme Pillay a présenté le rapport de la Commission à l’occasion de la 56e session du Conseil des droits de l’homme des Nations unies qui s’est ouverte hier à Genève.
«L’attaque du 7 octobre en Israël et l’opération militaire israélienne qui s’en est suivie à Ghaza, ne sont pas venues de nulle part. Elles ont été précédées par des décennies de violence et de représailles, de spoliation, d’occupation illégale et de déni du droit des Palestiniens à l’autodétermination», a insisté Mme Pillay.
39 millions de tonnes de débris
«En ce qui concerne les opérations militaires et les attaques d’Israël à Ghaza, nous concluons que les autorités israéliennes sont responsables de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme», martèle la juge sud-africaine.
Ces crimes comprennent «l’extermination, le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des civils et des biens à caractère civil, le meurtre ou l’homicide volontaire, l’utilisation de la famine comme arme de guerre, le transfert forcé, la persécution sexiste visant les hommes et les garçons palestiniens, la violence sexuelle et sexiste assimilable à la torture, et les traitements cruels ou inhumains».
Le dernier bilan de la guerre contre Ghaza rendu public hier par les autorités sanitaires locales fait état de 37 396 morts et 85 523 blessés. La même source précise que l’occupant sioniste a commis 3 massacres en 24 heures, entre mardi et mercredi, qui ont fait 24 morts et 71 blessés.
Au cours de la journée d’hier, au moins 18 Palestiniens ont été tués suite aux bombardements qui ont continué à cibler plusieurs secteurs de la bande de Ghaza, rapporte l’agence Wafa. Parmi ces victimes, 7 personnes ont été tuées à Rafah et plusieurs autres ont été blessées lors de l’attaque d’un camp de déplacés au camp d’Al Mawasi, au nord ouest de la ville de Rafah.
Des raids ont été également menés contre le quartier saoudien, à l’ouest de Rafah, accompagnés de tirs d’artillerie. Ces frappes ont ciblé des zones d’habitation ainsi que le périmètre de l’hôpital émirati. Des médecins ont alerté sur la situation sanitaire catastrophique qui prévaut à Rafah du fait du ciblage des hôpitaux, affirmant que des patients perdaient la vie faute de médicaments.
Dans la ville de Ghaza, 6 Palestiniens ont péri et d’autres ont été blessés suite au pilonnage d’une habitation appartenant à la famille Abou Safiya, à Cheikh Radhwan, selon l’agence de presse palestinienne. A Ghaza-ville toujours, des unités d’artillerie ont lancé des obus sur Haï Al Zaytoun accompagné de tirs nourris tandis que la marine de guerre israélienne a pilonné des maisons tout au long de la bande côtière près du camp Al Chati, à l’ouest de la ville de Ghaza.
Au centre de la bande de Ghaza, la situation est toujours aussi critique au camp de Nusseirat où l’armée israélienne poursuit son opération. Les équipes de secours ont retiré les dépouilles de trois personnes de sous les décombres après le bombardement de la zone nord-ouest du camp. En outre, des drones de type «Quadcopter» ont ouvert le feu sur des maisons appartenant à des civils à l’est de Deir El Balah. D’après l’UNEP, le programme des Nations unies pour l’environnement, les bombardements israéliens incessants sur Ghaza depuis plus de huit mois ont généré 39 millions de tonnes de débris.