Le Premier ministre chinois, Li Qiang, entame aujourd’hui une visite de quatre jours en Arabie Saoudite et aux Emirats arabes unis, a annoncé hier le ministère des Affaires étrangères chinois. «Du 10 au 13 septembre, le Premier ministre Li Qiang se rendra en Arabie Saoudite pour présider la quatrième réunion du comité mixte sino-saoudien de haut niveau et effectuer une visite en Arabie Saoudite et aux Emirats arabes unis», a précisé Mao Ning, porte-parole du ministère, cité par l’AFP.
Pékin a renforcé, ces dernières années, ses relations commerciales et diplomatiques avec le Moyen-Orient, dont une grande partie est traditionnellement sous influence américaine. L’Empire du Milieu soutient la cause palestinienne. C’est à Pékin que le Hamas a annoncé, fin juillet, avoir signé un accord d’ «unité nationale» avec d’autres organisations palestiniennes, dont son rival le Fatah. Pékin entretient toutefois de bonnes relations avec Israël. Client énergétique du royaume wahhabite, la Chine est devenue, durant les années 2000, un acteur clé dans le paysage géopolitique du Golfe et mise sur le Moyen-Orient dans le cadre des Nouvelles routes de la soie, un vaste projet d’infrastructures lancé en 2013 sous l’impulsion du président Xi Jinping.
Les relations sino-saoudiennes se sont approfondies après la visite du roi Abdallah en Chine, en 2006, et les visites du président Hu Jintao à Riyad en 2006 et 2009. Aujourd’hui, les relations entre la Chine et cet allié traditionnel des Etats-Unis se sont développées au-delà de l’énergie pour s’étendre à de nouveaux secteurs. Pékin a su profiter de la conjoncture internationale pour se rapprocher d’un pays clé de la région, suscitant une fêlure dans l’alliance entre Riyad et Washington marquée par la rencontre sur le navire américain le Quincy en 1945 entre le fondateur de l’Arabie Saoudite, le roi Abdelaziz Ben Saoud, et le président américain Franklin D. Roosevelt. Rencontre qui a forgé des liens durables entre les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite.
Les attentats du 11 septembre 2001 ont généré des frictions entre Washington et Riyad : 15 terroristes sur les 19 ayant pris part à ces actes sont des citoyens saoudiens ; la réaction des Etats-Unis face aux révoltes arabes en 2011, notamment le choix des Etats-Unis de ne pas voler au secours du régime de Moubarak en Egypte, est mal perçu par les monarchies du Golfe qui se sont interrogées sur la réaction de leur allié en cas de crise les menaçant. En 2015, à Vienne est signé l’accord sur le nucléaire iranien entre la République islamique et le Groupe 5+1 (Etats-Unis, Russie Chine, Royaume-Uni, France ainsi que l’Allemagne). Accord désapprouvé par l’Arabie Saoudite qui opte en parallèle en faveur de la diversification de ses partenariats avec d’autres puissances, notamment la Chine.
«Paix froide» et «pivot» asiatique
En janvier 2016, Xi Jinping s’est rendu en visite officielle en Egypte, en Arabie Saoudite et en Iran. Il y a conclu de nombreux accords et a intégré ces pays à son projet des investissements internationaux des «Nouvelles routes de la soie». L’Arabie Saoudite est devenue alors un «partenaire stratégique intégral» de la Chine, qualificatif réservé jusque-là, dans la région, à l’Iran et aux Emirats arabes unis.
En mars de la même année, dans ses déclarations publiées par le magazine The Atlantic, le président Obama a reproché à Riyad d’avoir cherché à influencer d’autres pays musulmans, dont l’Indonésie, en exportant l’idéologie wahhabite, et l’a appelé à «partager» sa présence au Moyen-Orient avec son rival iranien. La «concurrence» entre les Saoudiens et les Iraniens, qui a contribué à alimenter des guerres par procuration en Syrie, en Irak et au Yémen, «nous commande de demander à nos amis (saoudiens) aussi bien qu’aux Iraniens de trouver un moyen efficace pour cohabiter et instaurer une sorte de paix froide». En fait, l’administration d’Obama a lancé la politique du «pivot» vers l’Asie pour contrer les ambitions de la Chine. Pour les monarchies du Golfe, le Moyen-Orient n’est plus important pour Washington, alors qu’elles ont besoin des Etats-Unis pour leur sécurité militaire, comme l’a prouvé la guerre du Koweït de 1990-1991.
Successeur de Donald Trump, le président Joe Biden s’est engagé durant sa campagne électorale à renouer les liens avec l’Iran et à traiter l’Arabie Saoudite comme un Etat paria. Alternative qui fait suite à l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi au consulat saoudien d’Istanbul en octobre 2018. Toutefois, le locataire de la Maison-Blanche s’est déplacé en juillet 2022 à Riyad pour demander au prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salmane, d’augmenter la production de pétrole dans le contexte de la guerre en Ukraine.
En décembre de la même année, le président chinois est accueilli une nouvelle fois à Riyad, suscitant les critiques de Washington. En mars 2023, sous l’égide de la Chine, Téhéran et Riyad rétablissent leurs relations diplomatiques. Ce processus de rapprochement a débuté en 2021 en Irak, après cinq années de rupture. L’Arabie Saoudite et l’Iran ont mis un terme à tout lien en 2016 quand des missions diplomatiques saoudiennes ont été attaquées en Iran, en réponse à l’exécution par Riyad d’un célèbre chef religieux chiite.
Dans le cadre de la dixième conférence économique arabo-chinoise qui s’est tenue pour deux jours à Riyad, les deux pays ont annoncé, en juin 2023, quelque 10 milliards de dollars d’accords d’investissements. Fin mars 2023, l’Arabie Saoudite a annoncé sa décision de s’associer en tant qu’Etat «partenaire du dialogue» à l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), chapeautée par Pékin et Moscou.
Créée en 2001 pour favoriser la coopération politique, économique et sécuritaire, l’OCS comprend huit pays : la Chine, l’Inde, le Pakistan et la Russie, ainsi que quatre Etats d’Asie centrale (Kazakhstan, Kirghizstan, Ouzbékistan et Tadjikistan). En janvier dernier, l’Arabie Saoudite a intégré officiellement les Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud).