Nouveaux usages et modernisation de l’économie : L’Algérie face au virage numérique

11/05/2023 mis à jour: 02:33
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Le ministre de la Poste et des Télécommunications, Bibi Triki, mardi, lors de la sa visite au CTO au CIC - Photo : D. R.

L’Algérie a franchi une nouvelle étape dans le processus de numérisation des documents administratifs et de lutte contre la bureaucratie.

La numérisation fait partie du plan d’action du gouvernement qui ambitionne de moderniser l’administration publique et de la rapprocher des citoyens, en leur offrant des services publics de qualité et accessibles à tous. Un processus important, dont il faut comprendre les enjeux.

Pour Djaouad Allal, expert en numérisation et directeur général de l’entreprise AdexTechnology, il faut définir les concepts : «Ce n’est pas scanner un document et l’envoyer par e-mail. La numérisation évite l’intervention humaine pour pouvoir donner un service, analyser une data, l’exploiter et mieux gouverner.»

Certains analystes, comme Abderrahmane Hadef, expert en économie, ont tendance à parler de «transformation numérique, car on évoque plutôt la transformation socioculturelle que technologique, c’est-à-dire mettre l’humain au centre de cette transformation». C’est un impératif et non un choix pour l’Algérie. Les premières expériences de numérisation remontent à 2003-2004 au ministère de la Justice, un précurseur dans le domaine, une digitalisation qui a réussi en termes de services aux justiciables sur la partie de délivrance de documents. Il y a eu ensuite le ministère de l’Intérieur qui est passé au passeport biométrique en 2015.

Le processus s’est poursuivi par petites touches successives, essentiellement par la création au niveau de chaque ministère de chefs de projets pour concrétiser sur le terrain les opérations de digitalisation. Aujourd’hui, certains organismes sont cités comme référence, à titre d’exemple, la Cnas et la Casnos qui ont réussi «l’interconnectivité» sur tout le territoire national. L’objectif est d’éliminer la bureaucratie, améliorer le service public pour répondre aux préoccupations des citoyens dans les meilleurs délais.

Le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale dispose de plusieurs plateformes électroniques qui offrent des services en ligne. «El Hanaa» permet à l’assuré de bénéficier des prestations à distance, consistant notamment en le retrait de l’attestation d’affiliation et du certificat d’éligibilité aux prestations. Le constat actuel fait ressortir des avancées dans plusieurs secteurs, mais il faut préciser que c’était des initiatives sectorielles. Le défi consiste à avoir une vision globale et une stratégie nationale de la numérisation en Algérie en allant vers «l’interopérabilité des systèmes d’information».

Résistance aux changements et zone de confort

L’Algérie a franchi une nouvelle étape dans le processus de numérisation des documents administratifs et de lutte contre la bureaucratie. Désormais, pour la première fois dans le pays, les documents de citoyenneté peuvent être collectés via une plateforme numérique dédiée à cet effet. Dans ce sens, le secteur du commerce, par exemple, a lancé plusieurs projets comme un système informatique pour le contrôle des marchandises importées, tandis que le secteur financier a lancé une opération de numérisation des trésoreries de 58 wilayas et un système informatique permettant aux contribuables de s’acquitter de leurs obligations fiscales à distance. A travers toutes ces actions, le gouvernement est désireux de réussir la transformation numérique à travers une stratégie structurée, inclusive et systémique.

«L’année 2021 fut le point de départ de la construction d’une économie numérique, soutenue par des systèmes d’information gouvernementaux pour aider à la prise de décision», met en exergue le site legal-doctrine.com.

Cependant, il y a des freins. La résistance aux changements et l’adoption de la technologie. «L’attachement à notre zone de confort est directement liée à notre résistance au changement», confirme Ali Kahlane, consultant en transformation et maturation numériques.

Un autre facteur a son importance : la fracture numérique, car certains citoyens n’arrivent pas à accéder ou à maîtriser ces technologies. Il faut comprendre que le paradigme a changé : aujourd’hui, on ne va plus à l’administration, au guichet ou au commerce, c’est ces services qui viennent vers nous. Il y a aussi des conditions à mettre en place : le renforcement des capacités technologiques (infrastructures, connectivité, solutions), car on ne peut parler de numérisation avec un réseau non fiable et des capacités de stockage et d’hébergement à l’international.

Dans ce cadre, le groupe Algérie Télécom procède à l’accélération de la couverture du territoire en accès à haut et très haut débits fixes et mobiles et le renforcement de la sécurisation du réseau national des télécommunications. Le taux de raccordement des foyers au réseau Internet fixe est passé de 3,7 millions de foyers en 2020 à 4,5 millions de foyers en 2022, soit une hausse de 20% sans oublier l’amélioration du flux qui est passé de 2 mégabits en 2020 à 10 mégabits en 2022, tout en maintenant la même tarification.

Dans son plan d’action, il est question d’accroître sensiblement l’accès des ménages et des très petites entreprises aux équipements et aux réseaux haut débit. Le ministère de la Numérisation et des Statistiques, créé en 2020, a identifié quatre axes prioritaires. Il s’agit de poursuivre les actions permettant d’asseoir un environnement pour soutenir la transformation numérique sur les plans réglementaire, organisationnel, financier et technologique, le développement de l’e-gouvernance et l’accélération de la numérisation de l’administration pour une meilleure gouvernance publique, la mise en place d’un écosystème favorable au développement de l’économie numérique et œuvrer pour une citoyenneté numérique favorable à l’émergence d’une culture numérique garante d’une action publique et d’une conduite citoyenne civique et solidaire.

Par ailleurs, il faut avoir au niveau des administrations «un référentiel d’interopérabilité». Il faut aussi revaloriser le directeur des systèmes d’information (DSI) qui reste, selon Djaouad Allal, «le parent pauvre des institutions. Il n’a pas de budget pour faire des investissements. Il n’arrive pas à faire une simple acquisition d’un ordinateur, le marché est trop régulé, il y a plein d’autorisations pour importer des équipements. Or, les équipements doivent être considérés comme une matière première». Aujourd’hui, la transformation numérique est devenue une question de survie.

 

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