Non-respect de la chaîne du froid : Ces négligences qui tuent

14/05/2023 mis à jour: 02:18
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Photo : D. R.

La commercialisation des produits alimentaires n’obéit pas toujours à l’obligation de respect de la chaîne du froid. Les risques sur la santé deviennent encore plus importants surtout à l’approche de la saison des grandes chaleurs.

Le phénomène a pris une ampleur inquiétante : la vente de thon rouge aux abords des marchés couverts et sur les trottoirs des quartiers. Des poissonniers d’occasion découpent des tranches de ce poisson exposé sur des étals de fortune, à l’air libre, et à toute heure de la journée et parfois même en début de soirée. L’hygiène douteuse dans ces points de vente informelle ne dissuade par les consommateurs de jouer des coudes pour acheter ce produit.

Dans un post publié jeudi sur sa page Facebook, l’Association de protection et d'orientation du consommateur (Apoce) a alerté sur les conditions de vente de cette marchandise et les dangers sur la santé publique. «La vente informelle de ce produit nous expose aux intoxications», met en garde l’organisation. La commercialisation de ce produit «à bon prix» incite les consommateurs à l’acheter sans se soucier de la menace de la rupture de la chaîne du froid sur leur santé.

«Certes, avoir du thon à profusion et à bon prix est une très bonne chose, mais il faut tout d’abord que les bonnes conditions de sa vente soient réunies. Les poissons étant des aliments dont la qualité se dégrade très rapidement à la moindre hausse de température. Ils doivent être conservés à une température proche de 0°C, et cela depuis leur capture jusqu’à la vente au consommateur, avec obligation de mettre de la glace fondante une fois sur les étals», souligne le Dr Salim Kebbab, vétérinaire hygiéniste (voir entretien).

La commercialisation des produits alimentaires n’obéit pas toujours à l’obligation de respect de la chaîne du froid. Les risques sur la santé deviennent encore plus importants à l’approche de la saison des grandes chaleurs. Les bilans des toxi-infections alimentaires collectives (TIAC) rendus publics par le ministère du Commerce font état de hausses régulières des cas d’intoxications : «Le nombre des cas de TIAC enregistrés au cours des six premiers mois de l’année en cours (2022, ndlr) s’est élevé à 259 cas, contre 126 enregistrés au cours de la même période de l’année précédente, soit une hausse de 105%, tandis que le nombre de personnes touchées par l’intoxication a atteint 3160 contre 1512 personnes, connaissant la même courbe ascendante de 109%.» Durant les premiers jours du mois de Ramadhan dernier, les services de contrôle du ministère du Commerce ont relevé que le non-respect de la chaîne du froid représentait 9% du total des infractions.

Former les commerçants ?

Ce ministère publie à l’approche de l’été un guide des «bonnes pratiques» pour alerter sur les intoxications alimentaires dues souvent au non-respect de la chaîne du froid. Des associations de consommateurs sensibilisent de leur côté au respect des recommandations afin de maintenir la chaîne frigorifique (transport, manutention, stockage...). «C’est une grande problématique. Malheureusement, à part les interpellations sur le terrain, on ne voit pas grand-chose. Nous en tant qu’association, nous avons demandé à ce que les services de sécurité dans des barrages fixes soient dotés de matériel (thermomètres) pour vérifier les températures dans les camions frigorifiques, surtout en été.

Cela atteint parfois les 50 degrés sans que personne ne contrôle la température du camion. J’ai constaté moi-même quand je suis parti à Bordj Badji Mokhtar, In Guezzam ou Tindouf que des produits congelés qui proviennent de l’importation (par bateau) se vendent dans ces wilayas et les camions frigos mettent trois jours pour y arriver. En trois jours, le camionneur s’arrête pour se reposer, mais sur le chemin, je n’ai pas trouvé d’aire de repos, surtout à El Ménéa, où le camionneur peut brancher son frigo au réseau de Sonelgaz.

Et quand il dort, le routier ne laisse pas son camion tourner. Et comme ces véhicules ne sont pas dotés de groupe autonome pour le froid, on peut supposer qu’il peut y avoir décongélation et recongélation du produit chez le commerçant. Et ça c’est très dangereux, surtout quand ce sont des produits carnés ou des dérivés de viandes», souligne Hacène Menouar, président de l’association El Aman.

Ce dernier regrette aussi que des commerçants éteignent leurs frigos et présentoirs la nuit, «parce que l’électricité commencent à leur coûter cher, sans se soucier de la sécurité sanitaire des aliments». «Là on a demandé à ce que tous les commerçants soient obligés de poser un thermomètre électronique sur les frigos, ce qui ne coûte pas grand-chose et qui pourrait aider le consommateur à connaître la température et permettre aux contrôleurs de faire un contrôle régulier», recommande M. Menouar.

L’association El Aman a également demandé que les commerçants suivent une «légère formation». «Ce n’est pas n’importe qui qui pourrait vendre, commercialiser des produits alimentaires. Des formations portées sur l’hygiène des mains, des lieux, de l’habit, surtout pour ceux qui manipulent les aliments dans les restaurants, les fast-foods, les cafés et aussi dans les commerces des produits alimentaires», suggère-t-il, regrettant des «résistances aux bonnes idées». 

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