Négociations sur le programme nucléaire iranien : Les Européens sceptiques sur «l’engagement» de Téhéran

11/09/2022 mis à jour: 04:42
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Berlin, Paris et Londres ont exprimé hier leurs «sérieux doutes» sur «l’engagement» de Téhéran à parvenir à un «résultat positif» dans les négociations en cours pour sauver l’accord de 2015 sur le nucléaire iranien, rapporte l’AFP, citant les trois chancelleries. «Début août, après un an et demi de négociations, le coordinateur» de l'accord «a présenté un ensemble de textes finaux devant permettre à l’Iran de remplir à nouveau ses obligations au titre du pacte» et «aux États-Unis de revenir à l’accord», ont rappelé les gouvernements des trois pays dans un communiqué commun. 

«Dans ce paquet final, le coordinateur a apporté des modifications supplémentaires qui nous ont poussés aux limites de notre flexibilité», ont-ils relevé. «Malheureusement, l’Iran a décidé de ne pas saisir cette opportunité diplomatique décisive» et «poursuit l’escalade de son programme nucléaire bien au-delà de ce qui pourrait être justifié de manière plausible pour des raisons civiles», selon Londres, Paris et Berlin. 
Téhéran a ainsi récemment demandé une nouvelle fois la clôture d’une enquête de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) concernant des traces d’uranium enrichi retrouvées sur trois sites non déclarés, ce que le patron de l’Agence, Rafael Grossi, refuse. «Cette dernière demande soulève de sérieux doutes quant aux intentions de l’Iran et à son engagement en faveur d’un résultat positif le concernant», ont indiqué les trois pays. 

Selon ces derniers, «la position de l’Iran n’est pas conforme à ses obligations juridiquement contraignantes et compromet les perspectives de rétablissement» de l’accord, conclu en 2015 à Vienne entre la République islamique et le Groupe 5+1 (Etats-Unis, Russie, Chine, Royaume-Uni, France ainsi que l’Allemagne). «Notre position reste claire et inchangée. L’Iran doit coopérer pleinement et immédiatement avec l’AIEA, en toute bonne foi», ont-ils ajouté. «Compte tenu du fait que l’Iran ne conclut pas l’accord sur la table, nous discuterons avec nos partenaires internationaux de la meilleure façon de gérer l’escalade nucléaire continue de l’Iran et son manque de coopération avec l’AIEA», ont prévenu ces pays. 
 

Vendredi à Bruxelles, le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, a soutenu que les Etats-Unis «ne signeront un accord que s’il est bon pour notre sécurité nationale». 
 

Inquiétude
 

Mercredi, l’AIEA a prévenu dans son rapport «ne pas être en position de garantir que le programme nucléaire iranien est exclusivement pacifique». Elle avance comme raison «l’absence de progrès» sur la question de trois sites non déclarés, où des traces d’uranium ont été découvertes par le passé. Dans ce rapport présenté en interne avant le Conseil des gouverneurs de la semaine prochaine, le directeur général de l'AIEA s’est dit «de plus en plus inquiet de la non-coopération de l’Iran». 

Il a appelé ainsi Téhéran «à répondre à ses obligations légales» et à fournir des «explications techniquement crédibles». L’AIEA a déploré la décision iranienne de retirer 27 caméras de surveillance de divers sites, évoquant «des conséquences préjudiciables pour la capacité» à vérifier le caractère civil du programme nucléaire. Constat récusé par Téhéran. En effet, jeudi, le porte-parole de l’Organisation iranienne de l’énergie atomique (OIEA), Behrouz Kamalvandi, a jugé que le rapport de l’AIEA est «sans fondement». «Le récent rapport (...) est une répétition à des fins politiques d’affaires antérieures sans fondement», a-t-il observé dans un communiqué. 

Et de poursuivre : «Pour rétablir l’ancien système de vérification (de l’AIEA), les parties ayant adopté l’accord (de 2015 sur le nucléaire) doivent se conformer à leurs obligations.» Signé à Vienne en juillet 2015 entre la République islamique et le Groupe 5+1, l’accord nucléaire iranien promettait à Téhéran un allégement des sanctions paralysantes en échange de garanties qu’il n’obtiendrait pas d’arme nucléaire, objectif que l’Iran a toujours nié poursuivre. Le président américain à l’époque, Donald Trump, a retiré les Etats-Unis de l’accord en 2018 et rétabli de lourdes sanctions économiques à l’Iran, incitant la République islamique à revenir sur ses engagements.  

Depuis avril 2021, l’Iran est engagé dans des pourparlers sous la médiation de l’Union européenne (UE) pour relancer l’accord avec la Grande-Bretagne, la Chine, la France, l’Allemagne et la Russie directement et les Etats-Unis indirectement. L’UE a présenté le 8 août ce qu’elle a appelé un texte définitif pour rétablir l’accord, et Téhéran et Washington ont ensuite publié leurs réponses et propositions. Le 1er septembre, Washington a qualifié la dernière réponse de Téhéran de «non constructive», ajoutant qu’elle publierait sa propre réponse par l’intermédiaire de Bruxelles. L’Iran a indiqué lundi n’avoir pas encore reçu de réponse officielle des Etats-Unis à sa proposition. 

Le même jour, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, s’est dit «moins confiant» sur une conclusion rapide des négociations pour sauver l’accord de 2015 sur le nucléaire iranien. «(…) Je suis moins confiant qu’il y a 28 heures sur la convergence des points de vue (...) et sur la perspective de conclure l’accord maintenant», a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse à Bruxelles, sans expliquer à quel événement spécifique il fait référence. «C’est très inquiétant, si le processus (de négociations) ne converge pas, l’ensemble du processus est en danger», a-t-il dit. 

Pourtant, le 31 août, le diplomate européen a exprimé son espoir de voir les pourparlers aboutir à un accord «dans les jours à venir».

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