Les négociations autour du renouvellement du méga contrat gazier entre le groupe espagnol Naturgy et le groupe national Sonatrach s’avèrent de plus en plus tendues, selon la presse espagnole qui met en évidence le contexte peu favorable au groupe Naturgy qui aura probablement besoin de débourser près de 1,5 milliard de dollars pour s’acquitter d’un prix plus élevé du gaz, avec effet rétroactif. Le contrat gazier à long terme entre Naturgy et Sonatrach – qui expire en 2032 – prévoit un bilan d’étape et une renégociation des prix pour la période 2022-2024.
Les négociations qui traînent en longueur – et qui sont menées depuis près d’une année, par Francisco Reynés, le patron de Naturgy – font craindre un risque de rupture de l’approvisionnement de l’Espagne en gaz, à partir du Medgaz, au cas où un accord rapide n’est pas trouvé. Ce sont tous les arguments avancés par plusieurs médias espagnols qui font de plus, un parallèle avec l’entente parfaite entre l’Algérie et l’Italie qui a assuré une augmentation de ses approvisionnements en gaz, et le récent rapprochement entre l’Algérie et la France qui espère une augmentation de sa part d’approvisionnement en gaz à l’avenir.
Il est à savoir que la négociation en cours entre Sonatrach et Naturgy, s’inscrit dans le cadre des contrats à long terme, dont les clauses prévoient une révision des prix tous les trois ans, même si le contrat à long terme est signé jusqu’à 2032, comme c’est le cas pour l’Espagne. Le contrat de trois ans qui a expiré en 2021, était indexé sur un indice de référence Brent, au lieu du marché du gaz -ce qui rendait le gaz moins cher, pour les pays partenaires de l’Algérie sur le long terme, or selon le directeur de la compagnie gazière espagnole, «la tendance du marché s’est inversée et l’Algérie veut donc négocier les nouveaux prix, selon une nouvelle référence».
Selon une information Reuters répercutée, il y a quelques mois, «Sonatrach, qui négocie des moyens de bénéficier des importantes hausses du prix mondial du gaz, dans ses contrats à long terme avec des acheteurs européens, envisage plusieurs options, y compris un lien partiel avec les prix du gaz au comptant dans des contrats qui ont toujours été indexés jusqu’à présent sur le prix du brut Brent». Reuters estimait que «le rôle de l’Algérie en tant que fournisseur de gaz pour l’Italie, l’Espagne et d’autres pays d’Europe du Sud a pris une importance accrue en raison du conflit en Ukraine et de l’imposition par l’Europe de sanctions contre Moscou».
Le groupe Naturgy pour sa part avait déjà eu à souligner qu’il avait «une certaine capacité à négocier les prix, mais qu’en aucun cas, il ne pourrait détacher les prix à appliquer de la trajectoire actuelle des cours du gaz sur les marchés mondiaux». Naturgy avait également indiqué selon le site «El periodico de la energia» que l’énergie «va être plus chère qu’elle ne l’était» précisant que «celui qui gagne (...), c’est le producteur, le propriétaire des puits de gaz et de pétrole». Aujourd’hui, une négociation sur les cours applicables aux volumes transitant par le Medgaz doit impérativement être conclue, en vue de permettre la poursuite des acheminements de gaz vers le partenaire espagnol.
Ce dernier, faut-il le rappeler ne s’est pas privé de faire pression sur Sonatrach en 2019, lorsque les prix du gaz avaient fortement chuté, obtenant gain de cause. Il doit actuellement, comme le stipulent les textes paraphés par les deux parties, conclure un nouvel accord dans un contexte où le prix du gaz s’affiche à près de 300 euros sur le marché européen, comme note la presse espagnole.
Le marché gazier favorable à l’Algérie
Selon le site Internet du média La Información, le groupe Naturgy «a commencé à alimenter un coussin de plusieurs millions de dollars pour couvrir rétroactivement le surcoût lié à la révision du méga-contrat de fourniture de gaz avec la société nationale algérienne Sonatrach. Les conditions de l’accord d’approvisionnement par le gazoduc Medgaz ont expiré, et Sonatrach exige une mise à jour du prix à l’exportation de son partenaire espagnol pour l’ajuster à la revalorisation que ce carburant.
Au total, Naturgy réserve 1490 millions d’euros pour faire face à toute éventualité. Le groupe énergétique n’a pas précisé quelle part d’entre eux sera affectée au bouclier contre les modifications du contrat algérien, mais il a confirmé qu’il avait commencé à provisionner à cet effet un montant selon ses projections», écrit le média. «Etant donné que Naturgy devra verser à Sonatrach la différence accumulée, depuis le 1er janvier jusqu’à la clôture des négociations sur le nouveau tarif, tout indique que le poste affecté à ce volet augmentera en fin d’année. Les négociations sont toujours en cours et il n’est pas possible de déterminer quand le nouveau prix sera clôturé», assurent des sources officielles de la compagnie gazière à La Información, poursuit le média espagnol.
Des sources gouvernementales espagnoles, citées par le journal, soulignent qu’un retard dans le démarrage des pourparlers «a conduit la première compagnie gazière espagnole à être surprise, en pleine négociation, par le déclenchement de la guerre en Ukraine et par l’aggravation conséquente de la crise énergétique. Au chaos du marché de l’énergie, il faut ajouter la rupture par l’Algérie du traité d’amitié avec l’Espagne, conséquence du virage de la Moncloa sur le Sahara occidental dû à l’alignement, en mars dernier, du président du gouvernement, Pedro Sánchez, sur la position du Maroc.
Résultat, un dossier brûlant auquel Naturgy et, dans une moindre mesure, d’autres sociétés comme Cepsa sont contraints de faire face, lors de la mise à jour de leurs accords commerciaux». Le média espagnol souligne en outre que le réexamen des prix pourrait coûter plusieurs millions de dollars aux entreprises énergétiques qui finiraient par augmenter les factures à leurs clients, aggravant la crise inflationniste de l’économie espagnole.