Mutations mondiales et régionales : Quelles stratégies économiques alternatives en Afrique ?

18/12/2023 mis à jour: 08:22
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Amar Abba, ancien ambassadeur d’Algérie à Londres - Photo : D. R.

Amar Abba, ancien ambassadeur à Londres pendant une décennie, a apporté son éclairage sur la diplomatie africaine. Il a énuméré les priorités à prendre en charge dans le cadre de l’intégration de l’Afrique, considérée «comme notre profondeur stratégique».

A l’ère des mutations que connaît le monde, avec notamment la transformation numérique de l’économie, la transition énergétique et les changements sociaux, où se situe l’Afrique, quelle adaptation au nouveau contexte mondial et quelle prospective ? C’est globalement autour de ces questions qu’a tourné le débat organisé, samedi 16 décembre, à l’Ecole supérieure de commerce (ESC) à l’initiative de son think tank, qui a choisi pour la clôture de l’année 2023 de zoomer sur l’Afrique.

Et ce, à travers des échanges riches sur des thématiques de l’heure avec la participation de professeurs, d’économistes et de diplomates de renom, en présence d’étudiants de l’école et de doctorants venus de plusieurs universités assister à ce débat de haut niveau. «Il s’agit pour les intervenants de restituer leur expérience à la nouvelle génération. La réflexion statique est dogmatique et dangereuse», explique à ce sujet un professeur de finances à Londres, pour qui, il y a nécessité de prendre en considération les facteurs de changement à l’échelle mondiale pour assurer une certaine cohérence dans les stratégies économiques en Afrique.

Justement à ce sujet, Rabah Arezki, ancien chef économiste de la Banque mondiale (BM) pour la région Mena (Moyen-Orient Afrique du Nord), a abordé les stratégies économiques alternatives de l’Afrique. Il a principalement soulevé la problématique de la gouvernance. Il a parlé de la «renaissance de l’économie africaine» et de ce qui reste à faire.

L’ex-vice-président de la Banque africaine de développement (BAD) a souligné dans ce cadre la nécessité de commencer par la restauration de la confiance en interne, en améliorant la gouvernance tant au plan politique qu’économique. Il s’agit, pour cet économiste, d’en finir avec l’instabilité politique pour donner un essor au développement économique.

Mais aussi de numériser le commerce et d’intégrer l’informel dans les circuits officiels, à travers des mécanismes institutionnels. «Au cours de ces 25 dernières années, la croissance économique a été ininterrompue mais peu inclusive et la pauvreté a continué de grimper en Afrique avec des niveaux importants», a résumé M. Arezki. Et de mettre l’accent sur l’augmentation de l’intensité des chocs et la nécessité de s’y préparer.

De son côté, Rachid Sekak, banquier à la réputation avérée, a analysé l’évolution du secteur bancaire en Afrique à travers trois axes. Il a d’emblée noté que le secteur, avec 1000 banques dans 54 pays et un taux de bancarisation «extrêmement bas», à environ 15%, connaît une «hétérogénéité» des situations. «En dehors de l’Algérie et de l’Egypte, où les banques publiques sont dominantes, la banque en Afrique est le plus souvent une affaire privée», relèvera cet ancien directeur général de HSBC Algérie.

Abordant la question des fintechs et des néobanques, il dira : «Sur un continent caractérisé par une population largement sous bancarisée et un réseau d’agences limité, l’inclusion financière a pris la forme de la finance digitale.» Comment ? Avec la monté en puissance d’acteurs non bancaires offrant des services financiers digitaux abordables à partir de la téléphonie mobile.

Cet élément et bien d’autres font que le secteur bancaire en Afrique, même s’il offre un potentiel indéniable de croissance, est complexe «car, il fonctionne selon ses propres règles».

Pour le cas de l’Algérie, M. Sekak estime : «Notre réussite sera lourdement dépendance de notre vision et de la solidité de notre business plan.» Il joutera que le marché africain est risqué. Au sujet de l’implantation des banques en Afrique, il s’interrogera sur la supervision de la Banque d’Algérie. «La dotation en capital est le volet le plus facile. Mais attention à la taille critique et au saupoudrage», avisera-t-il non sans rappeler que les coûts en termes d’implantation initiale sont conséquents.

Amar Abba, ancien ambassadeur à Londres pendant une décennie, a apporté son éclairage sur la diplomatie africaine. Il a énuméré les priorités à prendre en charge dans le cadre de l’intégration de l’Afrique, considérée «comme notre profondeur stratégique». Il a globalement mis en avant l’activisme de l’Algérie dans les mécanismes du multilatéralisme africain.

Saluant l’ouverture de succursales bancaires algériennes en Afrique, il a approuvé le redéploiement de la diplomatie économique de l’Algérie en Afrique. De même qu’il a plaidé pour une véritable politique de migration. En somme, cette rencontre a permis de recentrer la vision africaine de l’Algérie, comme souligné par le professeur Sid Ali Boukrami. Il y a surtout, selon les conférenciers, «la nécessité d’une nouvelle posture imposée par une mondialisation recentrée sur le continent». 


 

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