Les Philippines ont dénoncé hier «l’usage agressif et illégal de la force» par la Chine lors d’un affrontement en mer de Chine méridionale la semaine dernière entre la marine philippine et les garde-côtes chinois. «Nous ne minimisons pas l’incident. Il s’agit d’un usage agressif et illégal de la force», a déclaré le ministre de la Défense philippin, Gilberto Teodoro, lors d’une conférence de presse, selon des propos recueillis par l’AFP.
«Nous ne céderons pas un pouce, pas même un millimètre de notre territoire à une quelconque puissance étrangère», a-t-il ajouté, réitérant la politique du président Ferdinand Marcos sur la mer de Chine méridionale. Il a précisé que Manille continuerait à réapprovisionner son navire de guerre échoué sur le récif Second Thomas sans demander l’autorisation ou le consentement d’un autre Etat. «Nous ne considérons pas le dernier incident survenu à Ayungin (le récif Second Thomas) comme un malentendu ou un accident.
Il s’agit d’un acte délibéré de l’administration chinoise visant à nous empêcher de mener à bien notre mission», a déclaré le ministre philippin.Une garnison de la marine philippine stationne sur ce récif situé à environ 200 kilomètres de l’île de Palawan (Philippines) et plus de 1000 kilomètres de la grande île chinoise la plus proche, Hainan. De son côté, Pékin a relevé que ses garde-côtes se sont comportés de manière «professionnelle et avec retenue» rejetant la responsabilité de l’affrontement sur Manille.
Le président philippin Ferdinand Marcos a affirmé dimanche que son pays ne se laisserait pas «intimider» après cet affrontement. Il a toutefois souligné l’importance de régler les différends de manière pacifique. Un affrontement entre des garde-côtes chinois armés et des membres de la marine philippine s’est produit le 17 juin pendant une mission de ravitaillement pour des soldats philippins stationnés sur un navire militaire échoué sur l’atoll Second Thomas, selon Manille.
Les incidents en mer entre la Chine et les Philippines se sont multipliés ces derniers mois, alors que Pékin redouble d’efforts pour faire valoir ses prétentions territoriales dans cette zone maritime contestée. La Chine y fait patrouiller des centaines de navires des garde-côtes et de la marine et y a transformé plusieurs récifs en îles artificielles militarisées. Les Philippines ont annoncé fin mai avoir ouvert un avant-poste de garde-côtes dans l’extrême nord du pays pour renforcer la sécurité, après avoir constaté «une montée en puissance militaire» de la Chine, au cours des deux dernières années, près de Taïwan que Pékin entend reprendre, si nécessaire par la force.
Revendications irréconciliables
A son arrivée au pouvoir en juin 2022, le président philippin, Ferdinand Marcos Jr, a prévenu qu’il ne laisserait pas la Chine piétiner les droits de son pays en mer, et s’est rapproché des Etats-Unis. Ainsi, il a œuvré à améliorer les relations avec Washington, un allié de longue date des Philippines, mises à mal par son prédécesseur Rodrigo Duterte.Les deux pays sont liés par un accord de coopération militaire qui remonte à 1951. Début avril 2023, Manille a mis à disposition de Washington quatre nouvelles bases militaires, dont une base navale non loin de Taïwan. Le même mois, les deux partenaires en la région du Pacifique ont organisé des manœuvres militaires conjointes de deux semaines. La Chine revendique la souveraineté sur la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale, malgré les prétentions rivales des pays voisins : Philippines, Vietnam, Malaisie, entre autres. En 2016, les Philippines ont obtenu gain de cause quant à leur requête contre la Chine devant la Cour permanente d’arbitrage (CPA) de La Haye. Mais Pékin a ignoré le jugement. L’Empire du Milieu fonde sa légitimité sur ces territoires sur des cartes remontant aux années 1940. Washington prône un règlement multilatéral et pacifique de ces conflits. Pékin est plutôt favorable à des négociations bilatérales.
En 1999, les Philippines ont fait s’échouer sur l’atoll Second Thomas Shoal, un bateau militaire, le BRP Sierra Madre, dans le but d’y installer des troupes et d’affirmer leurs prétentions de souveraineté face à la Chine. Le navire est, depuis, une source de tensions entre Pékin et Manille. Les membres de l’infanterie de marine philippine présents à bord dépendent de missions de ravitaillement pour survivre. Fin septembre 2023, le président Marcos Jr a ordonné une opération spéciale pour démanteler une barrière flottante installée par la Chine, selon Manille, à l’entrée du récif de Scarborough, dont la Chine a pris le contrôle en 2012, aux dépens des Philippines. Ce dispositif empêchait les pêcheurs philippins d’accéder à cette zone riche en ressources halieutiques. La Chine a réagi en «conseillant aux Philippines de ne pas faire de provocations ni de créer des troubles».
Le 11 avril dernier, aux Etats-Unis, s’est tenu un sommet trilatéral entre le président Joe Biden, son homologue philippin, et le Premier ministre japonais, Fumio Kishida, afin notamment de faire face collectivement à la Chine dans la région de l’Asie-Pacifique. A cette occasion, J. Biden a déclaré que «toute attaque contre un avion, un navire ou les forces armées philippines en mer de Chine méridionale déclencherait la mise en œuvre du traité de défense mutuelle» de 1951 qui lie Washington et Manille.
Les trois dirigeants ont exprimé, dans un communiqué commun, leur «vive inquiétude face au comportement dangereux et agressif de la République populaire de Chine en mer de Chine méridionale». Ils se sont dits «préoccupés par la militarisation des territoires gagnés et par les revendications maritimes illégales» dans cette région.