Mémoires tatouées, mémoires blessées

14/01/2023 mis à jour: 07:14
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Blessures de la colonisation», «guerre mémorielle», «repentance française», «traumatismes historiques», telles sont les questions qui reviennent souvent et occupent l’actualité politique des deux côtés de la rive méditerranéenne depuis quelques années. Exactement depuis la promulgation de la loi du 23 février 2005, précisant dans un très controversé article 4, qui reconnaît le rôle positif de la présence française, outre-mer et en Afrique du Nord. L’adoption de ce texte a donné lieu à une large réprobation en Algérie, suivie d’une polémique, puis de déclarations françaises tellement controversées qu’elles entretenaient le doute sur leur sincérité. Nouveau round cette semaine. Le président français a déclaré, mercredi, qu’il n’a «pas à demander pardon» à l’Algérie pour la colonisation. Dans un entretien au Point, Macron espère cependant accueillir son homologue Abdelmadjid Tebboune, en France en 2023, pour poursuivre le travail de mémoire et de réconciliation entre les deux pays. «Le pire serait de conclure : ''On s’excuse et chacun reprend son chemin''», a-t-il dit. «Le travail de mémoire et d’histoire n’est pas un solde de tout compte», a-t-il poursuivi. «C’est bien, au contraire, soutenir que dedans, il y a de l’inqualifiable, de l’incompris, de l’indécidable, peut-être de l’impardonnable.» Interrogé sur la possibilité d’une cérémonie de recueillement du Président algérien sur les sépultures des membres de la suite de l’Emir Abdelkader, héros de la résistance à la colonisation française, enterrés à Amboise, Macron a estimé que ce serait un très beau et très fort moment et qu’il le souhaitait. «Je crois que cela fera sens dans l’histoire du peuple algérien. Pour le peuple français, ce sera l’occasion de comprendre des vérités, souvent cachées.» Réagissant à ces propos, Ramtane Lamamra, ministre des Affaires étrangères, a estimé que «contrairement aux déclarations à l’origine de la crise, celles faites, mardi par l’Elysée, sont raisonnables et comportent des idées, montrant du respect, pour l’Algérie, son histoire, son passé, son présent et aussi pour la souveraineté algérienne». Ce qui est sûr, c’est que la question de la colonisation n’est pas et ne peut être perçue de la même manière des deux côtés de la rive méditerranéenne. Un historien, près du dossier, l’a bien notifié dans son analyse : «En France, il est moins question, en effet, de s’interroger sur le passé colonial, dans le but de produire et de diffuser des connaissances historiques que de faire de la colonisation un analyseur de la situation sociale et politique actuelle.» Les questions récurrentes, qui plaçaient chaque partie au milieu du gué et interpellaient les historiens sont nombreuses, parmi lesquelles : comment des mémoires coloniales concurrentes s’affrontent-elles, tout en se recomposant ? Que peut être le rôle du politique en matière de gestion des mémoires ? Et celui des historiens ? Comment se fait la sélection de souvenirs aptes à figurer dans l’histoire officielle ? Le temps des amnésies étant révolu, les deux parties avaient opté pour une redynamisation de l’écriture de toute l’histoire sombre du colonialisme qui, faut-il l’avouer, n’est guère une mince affaire. La commission chargée du dossier des deux pays, trop maigre, mise en place, ne semble guère répondre à ces préoccupations et à ces interrogations légitimes, que seuls des historiens, connus et reconnus, peuvent prendre en charge...

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