Maroc : Omar Radi et Soulaimane Raissouni retrouvent la liberté

01/08/2024 mis à jour: 10:54
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Le roi Mohammed VI du Maroc a accordé une grâce royale à quatre figures emblématiques de la scène médiatique et intellectuelle marocaine, emprisonnées ou poursuivies depuis des années. Parmi elles, les journalistes Omar Radi, Soulaimane Raissouni, et Taoufik Bouachrine, ainsi que l’intellectuel Maâti Monjib. 

La  décision a été saluée par les organisations des droits de l’homme et de défense de la liberté de la presse. A sa sortie de prison, Omar Radi, arrêté en 2020, a exprimé sa gratitude. «J’ai appris que d’autres détenus dans des cas similaires ont été relâchés, j’en suis plein de gratitude», a-t-il déclaré à l’AFP, espérant que cette décision permette, selon ses mots, «d’apaiser l’espace public marocain». Radi, Raissouni et Bouachrine, tous connus pour leurs critiques à l’égard du pouvoir, avaient toujours nié les accusations d’agressions sexuelles portées contre eux, les considérant comme une «répression» de leurs opinions.

Du côté des autorités marocaines, il est affirmé que ces journalistes ont été jugés pour des crimes de droit commun, sans rapport avec leur profession ni la liberté d’expression. Cependant, pour de nombreuses organisations de défense des droits humains, ces procès n’étaient qu’un prétexte pour étouffer leurs voix. Amnesty International et Human Rights Watch n’ont cessé de dénoncer l’utilisation d’accusations pénales pour faire taire les voix critiques au Maroc.

Ces grâces ont été annoncées à l’occasion de la fête du trône, marquant le 25e anniversaire de l’intronisation de Mohammed VI. Selon Hicham Mellati, directeur des Affaires pénales et des grâces au ministère de la Justice, «la grâce royale se démarque par son caractère humain, et a été accueillie avec profonde gratitude par les familles des graciés». Outre Radi, Raissouni et Bouachrine, d’autres journalistes et militants, comme Imad Stitou, Hicham Mansouri et Saida El Alami, ont également bénéficié de la clémence royale.


«Ravalement de façade»

Omar Radi et Soulaimane Raissouni avaient été condamnés respectivement à six et cinq ans de prison en 2020. Leurs pourvois en cassation avaient été rejetés en juillet 2023, confirmant leurs peines. Taoufik Bouachrine, arrêté en 2018, purgeait une peine de quinze ans pour des accusations de viol, de traite d’êtres humains et d’agressions sexuelles, des accusations qu’il a toujours niées.

Quant à Maâti Monjib, historien et défenseur des droits humains, il avait été condamné en 2021 à un an de prison pour «fraude» et «atteinte à la sécurité de l’Etat», et faisait toujours l’objet d’une enquête pour «blanchiment de capitaux». Monjib, tout comme les autres graciés, a été soutenu par de nombreuses organisations internationales, qui avaient appelé à sa libération.

 Cette grâce royale, bien que saluée par les familles et les proches des détenus, ne manque pas de susciter des interrogations sur le véritable état de la liberté d’expression au Maroc. Tandis que certains voient en ce geste un signe d’ouverture, d’autres craignent qu’il ne soit qu’un écran de fumée destiné à redorer l’image du royaume sur la scène internationale, notamment alors que des négociations diplomatiques cruciales se poursuivent en arrière-plan, et que la question du Sahara occidental reste non-résolue. Il est à signaler, par ailleurs, que la clémence royale ne s’est pas étendue aux révoltés du hirak rifain no aux prisonniers politiques sahraouis. 

Cette grâce est même interprétée, par des observateurs, comme un «ravalement de façade» à l’heure où le président français, Emmanuel Macron, a reconnu la souveraineté marocaine sur les territoires occupés du Sahara occidental. A Rabat, c’est le fait du roi qui décide du sort des détenus d’opinion.

A y regarder de plus près, il apparaît qu’au-delà de ces libérations, la situation des droits humains au Maroc reste précaire. Le pays occupe la 129e place sur 180 dans le dernier classement mondial de la liberté de la presse publié par Reporters sans frontières, un indicateur révélateur du climat oppressif qui règne encore pour les journalistes et les intellectuels marocains.
 

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