Maroc-Espagne : Les enjeux de la visite de Pedro Sanchez à Rabat

10/04/2022 mis à jour: 00:50
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Photo : D. R.

Le chef du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, est reçu ce jeudi 7 avril à Rabat par le roi du Maroc Mohammed VI. Une visite officielle destinée à rétablir les relations bilatérales suspendues, après un revirement en faveur de Rabat sur la question du Sahara occidental. Cette visite qui doit tourner la page de la discorde, est loin de faire l’unanimité.

Espagne
De notre correspondant

La presse espagnole a largement commenté la visite effectuée par le chef du gouvernement, Pedro Sanchez, au Maroc, à l’invitation du roi Mohammed V.  Ce geste est supposé mettre fin à une crise diplomatique majeure causée qui a duré 483 jours.

Cette discorde avait entraîné l'arrivée mi-mai de plus de 10.000 migrants dans l'enclave espagnole de Ceuta, à la faveur d'un relâchement des contrôles côté marocain. Rappelée alors par Rabat, l'ambassadrice marocaine en Espagne a fait son retour le 20 mars.

L'Espagne a opéré le 18 mars un changement de position radical sur son ex-colonie en se prononçant pour la première fois publiquement en faveur de la proposition d'autonomie du Maroc, alors qu'elle avait toujours prôné la neutralité. Ce virage diplomatique de Pedro Sanchez a été attaqué de toutes parts en Espagne et en particulier par la gauche radicale de Podemos, alliée des socialistes au sein de la coalition au pouvoir et de ciuddadanos, favorables à l'autodétermination des Sahraouis.

En contrepartie de son virage sur le Sahara, Madrid assure pouvoir compter sur une "coopération totale" de Rabat dans "la gestion des flux migratoires", motif central de cet accord. Le gouvernement espagnol estime aussi que l'accord avec Rabat permettra de garantir son "intégrité territoriale". Une référence implicite aux enclaves de Ceuta et Melilla, revendiquées par le Maroc qui pourrait donc mettre un temps en sourdine ses prétentions.

Le nouveau président du parti populaire, Alberto Núñez Feijóo, a critiqué la position du gouvernement de Pedro Sánchez en matière de politique étrangère. "Nous ne savons pas ce qui a été convenu avec le Maroc pour améliorer les intérêts de l’Espagne", a-t-il dit. Faisant allusion au tournant sur le territoire sahraoui réalisé par l’Exécutif, reconnaissant son autonomie du royaume alaouite, Feijóo a exprimé son indignation devant la "rupture" de la manière de procéder de l’Espagne dans cette affaire. 

Yolanda Diaz, vice-présidente de Unidos podemos, a par ailleurs réaffirmé son attachement à la "défense du peuple sahraoui" et aux résolutions adoptées par les Nations unies. Jusqu’à présent, telle était la position défendue par l’ensemble du gouvernement de coalition. Ils affirment que la seule solution pour mettre fin au conflit passe par un référendum d’autodétermination qui permettra au peuple sahraoui de décider librement de son avenir.

Vox a déposé au Congrès une proposition de loi demandant au gouvernement de maintenir les frontières avec le Maroc fermées jusqu’à ce qu’il y ait une déclaration explicite du royaume alaouite sur l’intégrité de Ceuta, Melilla et les îles Canaries. À cet égard, le député de Nueva Canarias, Pedro Quevedo, a regretté la réponse de Sánchez à l’acte "illégal" du Maroc de tenter de s’approprier des eaux canariennes. Le secrétaire général de la Coalition des Canaries, Fernando Clavijo, a convenu que le chef de l’exécutif est allé "négocier" l’intégrité des eaux canariennes avec "totale opacité" et sans savoir "en échange de quoi".

Ali Ait Mouhoub

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