Les années passent et rien n’a changé au marché populaire de Souk El Asser situé dans la partie nord du Vieux rocher de la ville de Constantine. La dégradation a atteint un seuil alarmant dans chaque coin de cet espace.
Pour entrer dans ce lieu populaire de la ville, l’un des passages est l’inévitable sabbat (ruelle surmontée d’une voûte) de la rue du 12 mai 1956 (ex-rue Chevalier) dans le quartier de la Casbah. On se retrouve juste devant la façade principale de la mosquée Sidi El Kettani. Cette dernière vient de connaître la reprise des travaux de réhabilitation après dix ans de fermeture.
Programmé dans le cadre d’un plan de réhabilitation des lieux de culte à l’occasion de l’événement de «Constantine, capitale de la culture arabe 2015», cet ouvrage historique devra bénéficier d’une rénovation. L’édifice et l’école qui se trouve juste à côté, construits vers 1789 par Salah bey, ayant gouverné le Beylik de l’Est entre 1771 et 1792, font partie intégrante de tout l’espace s’étendant jusqu’au ravin aux environs du pont suspendu de Sidi M’cid et qui regroupe le célèbre Souk El Asser.
Héritage historique de Salah bey, ce lieu emblématique pour les habitants de la ville de Constantine se trouve dans un état de dégradation regrettable. Depuis l’année 2005, et la publication au Journal officiel du décret classant tout le périmètre de la vieille ville de Constantine se trouvant sur le rocher comme patrimoine national protégé, plusieurs annonces ont été faites sur une éventuelle réhabilitation de Souk El Asser.
Des propositions d’études ont même été avancées, mais rien de concert n’a vu le jour. Dix-neuf ans après, Souk El Asser est un espace en perdition, alors qu’il faisait la fierté des habitants de la ville depuis l’indépendance jusqu’aux années 1990, date à laquelle il est tombé en décrépitude.
«Une bonne partie des habitants de la ville, notamment les personnes âgées, gardent des souvenirs de ce marché qui était leur destination préférée, en raison de ses prix très abordables. Quand j’étais enfant, je venais avec ma mère pour faire des commissions; on était fiers nous les Constantinois d’avoir un marché pareil qui était le plus fréquenté depuis l’époque coloniale et après l’indépendance ; aucun autre marché ne pouvait rivaliser avec lui pour la qualité de ses produits qui provenaient des jardins potagers et des vergers de Hamma Bouziane», a témoigné un habitant de la ville. «Malheureusement, l’image de Souk El Asser s’est complètement dégradée ; le lieu a perdu de son charme ; il a perdu aussi ses clients; même ses anciens commerçants l’ont déserté ; on ne retrouve plus l’âme de ce lieu historique ; c’est vraiment regrettable», se désole-t-il.
Une triste image
Lors d’une tournée effectuée sur les lieux, une triste image de Souk El Asser saute aux yeux. La partie centrale couverte est dans état lamentable. Une bonne partie des étals est vide. Depuis son existence, le marché n’a jamais bénéficié d’un aménagement digne pour séparer les tables et les organiser en carrés, afin de mieux exploiter l’espace et assurer une meilleure circulation. Jusqu’à ce jour, les étals de fortune sont séparés les uns des autres par de simples planches, alors que les toits sont imperméables à la pluie. C’est le point noir de ce marché qui a besoin d’une réfection totale de ses gouttières rongées par les moisissures et bouchées par des dépôts de terre.
L’autre problème est l’absence d’un réseau d’évacuation des eaux pluviales. «En hiver, on ne peut pas circuler tant les lieux sont inondés», réclame un commerçant. Un autre ajoute que le lieu a perdu de son attrait en raison de ces problèmes. «On exerce dans des conditions misérables, on a besoin qu’on donne de l’importance à ce lieu comme on l’a fait pour d’autres marchés ; cela ne coûte rien à la commune d’aménager les lieux pour qu’ils deviennent plus accueillants», indique-t-il.
On ne peut pas parler de Souk El Asser sans évoquer les mauvaises odeurs, mais aussi les saletés qui s’accumulent en face du siège de l’ex-Dar El Imam. Une bâtisse qui remonte à l’époque coloniale et qui relève du secteur des affaires religieuses. On peut même lire une plaque devant son portail indiquant son inauguration le 14 juillet 2003 par le défunt président de la République, Abdelaziz Bouteflika. Une question se pose toujours : pourquoi les campagnes de toilettage et de nettoyage qui ont été menées dans plusieurs quartiers n’ont-elles pas touché cette partie de la ville ?
Pour les nostalgiques fidèles qui continuent de fréquenter Souk El Asser pour faire leurs achats, en dépit de toute cette dégradation, il est urgent que les autorités de la wilaya pensent à rendre à ce marché sa véritable valeur ne serait-ce que par un assainissement des espaces et une réhabilitation devenue nécessaire, car il s’agit d’un lieu qui a une grande importance pour la ville et pour la mémoire collective des Constantinois.