Spontanées ou produits de la manipulation, les polémiques sociales soulevées en ce Ramadhan semblent servir des desseins politiques inavoués. Une guerre tranquille avec des armes silencieuses : la diversion ou la reconfiguration d’un bloc, c’est selon la nature de l’objectif et l’identité de ses commanditaires.
L’échec de l’équipe nationale de football à se qualifier au Mondial ne manque pas de priver les partisans du statu quo d’un puissant anesthésiant que l’illusion pathétique d’une possibilité de rejouer le match Algérie-Cameroun n’a pu entretenir.
On enchaîne vite alors avec les vieilles bonnes recettes de la division : conservateur/progressiste, kabyle/arabe, etc. La polémique soulevée à cause du concert de M’chedallah ou encore le feuilleton Babour Ellouh, font partie de cette stratégie. Et ça prend comme une allumette lancée sur un tas de foin. Le déversoir de haine que peut être le réseau social Facebook se charge du reste en amplifiant exponentiellement le faux débat et en accentuant dangereusement les clivages.
Une fois n’est pas coutume, c’est la sphère islamiste qui vole au secours des marionnettistes. La réaction aux stimuli est pavlovienne. Des leaders politiques tombent aussi dans le piège. Très peu visible depuis les dernières élections, le chef du MSP, Abderrazak Makri, s’est réveillé à l’occasion de l’épisode M’chedallah pour fustiger, sans aucune nuance, la population d’un village qui a osé danser soi-disant pendant le mois sacré et devant une mosquée.
Les petites phrases de Makri, publiées sur son compte Facebook, ne formulent qu’un jugement moral. L’ex-candidat à la présidence ne s’embarrasse d’aucune analyse, aucun recul politique, aucune prudence devant l’éventualité d’une manipulation. Pourtant, seul un novice politique écarte la possibilité d’une diversion pour détourner l’attention des citoyens de leurs véritables problèmes, ou celle d’une démarche obscure, par population interposée, visant à faire tomber un responsable, voire le gouvernement Benabderrahmane.
D’un fait divers provincial, on a fait de l’incident de M’chedallah un point de crispation nationale, un sujet d’actualité qui éclipse la crise politique et la crise économique aiguës qui tourmentent les Algériens. En matière de faits divers, celui de la famille qui a failli crever de faim à Tébessa, pourtant simultané, a été étouffé. Selon les gains politiques, la manipulation décide de ce qui est prioritaire en matière d’indignation et d’émotion. Des obstacles sont dressés pour empêcher les espaces publics, notamment ces réseaux sociaux, de devenir des lieux de débats et des catalyseurs pour une prise de conscience des citoyens.
A défaut de les fermer, on les pollue par la propagande, la désinformation, et toutes les stratégies de manipulation des masses qui visent à polariser l’opinion publique et empêcher l’émancipation de la citoyenneté numérique.