Manifestations des agriculteurs en France : Bruxelles dans le viseur

01/02/2024 mis à jour: 09:37
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Photo : D. R.

La grogne, qui a également gagné l’Espagne et l’Italie, est particulièrement forte en France où, depuis lundi, des agriculteurs bloquent avec leurs tracteurs plusieurs axes autoroutiers menant vers Paris, provoquant une nouvelle crise sociale un an après la très contestée réforme des retraites.

Hier matin, les tracteurs se déployaient également autour de Lyon (centre-est) pour tenter d’encercler la troisième ville de France. La tension monte par ailleurs dans la banlieue sud de Paris autour du marché de produits frais de Rungis, le plus grand au monde, que des agriculteurs menacent d’investir. Dix-huit d’entre eux ont été interpellés aux abords de ce site crucial pour l’approvisionnement de la région parisienne.

Politique européenne trop complexe, revenus trop bas, inflation, concurrence étrangère, notamment des produits ukrainiens, flambée des prix du carburant : les revendications en France se retrouvent dans la plupart des pays européens confrontés au mécontentement agricole.

Malgré des mesures de soutien, dont l’abandon de la taxe sur le gazole non-routier et une aide de 80 millions d’euros pour les viticulteurs, le gouvernement n’a pour l’heure pas réussi à éteindre l’incendie et se mobilise sur le front européen.

Le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, a été dépêché hier à Bruxelles pour évoquer des «urgences européennes» avec ses partenaires, alors que la colère se cristallise autour de la politique agricole commune (PAC) des Vingt-Sept, jugée par certains déconnectée des réalités.

Face à la grogne, la Commission européenne a fait des concessions hier sur deux sujets de mécontentement : elle propose d’accorder pour 2024 une dérogation «partielle» aux obligations de jachères imposées par la PAC, et envisage un mécanisme limitant les importations d’Ukraine, notamment de volaille.

Un autre sujet de friction reste en revanche en suspens à Bruxelles : en charge de la politique commerciale des Vingt-Sept, la Commission négocie actuellement un accord de libre-échange avec les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay), qui inquiète le secteur agricole et dont Paris déclare ne pas vouloir.

Ce traité avec d’importants pays agricoles «n’est pas bon pour nos éleveurs et peut pas, ne doit pas être signé en l’état», a déclaré hier le ministre de l’Economie français, Bruno Le Maire, se disant prêt à un «bras de fer» avec la Commission. Le président Emmanuel Macron, qui se refuse à «tout mettre sur le dos de l’Europe», doit s’entretenir aujourd’hui avec la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, en marge d’un sommet européen.

Le patron du puissant syndicat agricole français FNSEA a toutefois appelé ses troupes «au calme et à la raison». «L’attente est énorme» face au «cumul de normes et de règles», a déclaré Arnaud Rousseau. Mais «il y a aussi beaucoup de sujets européens qui ne sont pas des sujets qui se règlent en trois jours».

Le mouvement de colère ne se limite pas à la France : après des manifestations en Allemagne, en Pologne, en Roumanie et en Belgique ces dernières semaines, les trois principaux syndicats agricoles espagnols ont annoncé des «mobilisations» dans l’ensemble du pays au cours des «prochaines semaines».

Des manifestations improvisées se sont aussi déroulées ces dernières semaines en Italie, où des dizaines d’agriculteurs se disant «trahis par l’Europe» ont protesté mardi avec leurs tracteurs près de Milan (nord).

La nouvelle PAC, qui renforce depuis 2023 les obligations environnementales et les législations du Pacte vert européen (ou Green Deal), même si elles ne sont pas encore en vigueur, cristallisent la colère. La France est la première bénéficiaire des subventions agricoles européennes, avec plus de 9 milliards d’euros par an.
 

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