Malgré le oui de la majorité des membres du Conseil de sécurité : Washington fait avorter l’adhésion de la Palestine à l’Onu

20/04/2024 mis à jour: 03:03
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Même si la majorité des membres du Conseil de sécurité de l’Onu savait que Washington, fervent défenseur d’Israël, allait s’opposer à la pleine adhésion de la Palestine à l’Onu, il restait une toute petite lueur d’espoir chez quelques-uns, qui ont tenté, vainement, durant les débats, de convaincre de la justesse de cette demande émanant de la Palestine et présentée par l’Algérie au Conseil de sécurité. 

Certains, comme le représentant de d’Algérie, ont même averti que le rejet de cette résolution sera «une honte éternelle» pour le Conseil de sécurité, après avoir présenté le projet de résolution comme «une chance de réparation d’une injustice historique faite au peuple palestinien». 

Mais, en voyant la main du délégué américain levée bien haut, lors du décompte des voix contre le projet de résolution, leur déception était bien visible sur leur visage. Pourtant, le projet a obtenu 12 voix en sa faveur et deux abstentions, et ce, malgré le fait que le Comité d’admission de nouveaux membres de l’Onu, vers lequel le Conseil de sécurité onusien a renvoyé l’examen la demande, n’a pu aboutir à une recommandation unanime. 

Washington a utilisé cet argument pour justifier son veto, affirmant que «le Hamas a élargi son pouvoir et son influence, ce qui contrevient aux critères d’adhésion. C’est pourquoi les Etats-Unis ont voté non», avant de tenter d’arrondir les angles en précisant «ce vote n’est pas une opposition au statut d’Etat, mais une affirmation que cela ne pourra provenir que d’une négociation entre les parties». 

Toute honte bue, le délégué israélien a remercie les USA «et plus particulièrement le président Biden d’être en faveur de la morale et de la vérité face à l’hypocrisie et au jeu politique». 

Pour le Royaume-Uni, «il faut d’abord régler la crise à Ghaza et s’assurer que le Hamas n’y gouverne plus et ne soit plus en mesure de lancer des attaques» contre Israël. Le délégué a expliqué que son pays s’est abstenu de voter parce que «nous devons rester concentrés sur la trêve humanitaire et la libération des otages». 

Abondant dans le même sens, la Suisse a estimé, elle aussi, qu’«à l’heure actuelle, cette étape n’est pas propice à la détente et à une solution pacifique au vu de la grande instabilité qui persiste sur le terrain», avant de justifier son abstention en affirmant que cette position «ne change rien à la solution négociée à deux Etats». 

Les pays en faveur de la pleine adhésion de la Palestine à l’Onu, se sont tous offusqués du veto américain. 
 

«Droit éternel»

L’Algérie en premier. Le visage défait, son ambassadeur permanent, Rabah Bendjama, a déclaré : «Au nom de mon pays, du groupe arabe, de l’OCI (Organisation de la conférence islamique) et du MNA (Mouvement des pays non alignés), nous reviendrons plus forts avec le soutien de l’Assemblée générale en faveur de l’adhésion à part entière de l’Etat Palestinien à l’Onu. Aujourd’hui, ce n’était qu’une étape dans le cheminement vers l’adhésion à part entière de la Palestine.» 

Pour ceux qui se sont opposés à cette adhésion – faisant allusion aux USA –, «je les appelle à le faire la prochaine fois. Le soutien écrasant à l’admission de la Palestine à l’Onu, à une place légitime parmi les membres des Nations unies». L’ambassadeur a rappelé la promesse du président de la République : «Les efforts de l’Algérie ne cesseront pas jusqu’à ce que l’Etat de Palestine devienne membre à part entière des Nations unies.» Et exprimé sa gratitude, au nom du groupe arabe, de l’OCI et du MNA, «à tous ceux qui ont voté en faveur de la résolution présentée par l’Algérie». 

L’intervention du représentant de la Palestine a été marquée par des moments poignants. «Notre droit à l’autodétermination a encore une fois fait l’objet de négociations. C’est un droit inaliénable. Il n’est lié ni à une époque ni à un calendrier. Il est imprescriptible et non soumis aux manipulations, négociations et sournoiseries et surtout pas par Israël, la puissance coloniale génocidaire. Le peuple de Palestine ne sera pas enterré.

 C’est un fait historique. Quelle que soit la tyrannie, il restera sur sa terre, malgré sa mise en esclavage, le siège, les expulsions opérés par Israël qui ne se gêne pas de se revendiquer de cette politique coloniale, et nous éloigne des solutions négociées.

 Ceci doit nous alerter sur les dangers d’une paix injuste dans notre région sans règlement de la question palestinienne, avant d’appeler à une conférence internationale pour la paix.» Très ému, l’ambassadeur a estimé être «venu au Conseil de sécurité à un moment historique pour sauver ce qui peut l’être et faire revivre les espoirs de notre peuple», parce que, a-t-il souligné, «le droit des Palestiniens à disposer d’un Etat est éternel». 

Il a pointé du doigt l’entité sioniste, qui «fait tout pour s’opposer à un Etat palestinien, pourtant inévitable, et à la solution à deux Etats. Qui aime la paix et qui est un ennemi de la paix ?» Le délégué de la Palestine a posé beaucoup de questions.

 Il a demandé aux membres du Conseil : «Qui veut perpétuer le génocide ? Comment Israël peut-il être un partenaire de la paix alors qu’il insiste sur le maintien de l’occupation, des colonies, des meurtres, de la violence ? Il a annoncé l’annexion des terres et a même revendiqué un territoire étendu du fleuve à la mer à l’Assemblée générale de l’Onu. Il veut se débarrasser du peuple palestinien. Il veut expulser la population et annexer les terres.» Un moment très fort d’émotion. Le délègue a la gorge nouée. Des larmes et un long silence... avant qu’il ne reprenne son intervention. 
 

«Notre peuple s’accrochera à la vie»

«Pour nous, bientôt nous aurons notre place. A la fin de cette séance, rappelez-vous qu’en Palestine, il y a des personnes qui paient de leur vie le prix de cette injustice. Ce peuple n’abandonnera pas son droit d’avoir une patrie. Il n’a jamais perdu son humanité. Il n’aspire qu’à vivre.» Un autre moment de silence, avant de reprendre en larmes : «Notre peuple s’accroche à la vie comme tous les autres peuples du monde. Il ne cessera pas d’exister.» 

La Chine et la Russie n’y ont pas été avec le dos de la cuillère. Le représentant de la Russie a exprimé son regret du fait que la journée ne soit pas entrée dans l’histoire «pour corriger une injustice historique faite à la Palestine en répondant aux aspirations légitimes de son peuple héroïque». 

Il a déclaré : «Pour la cinquième fois depuis le début de la crise à Ghaza, les USA ont démontré leur véritable égard pour les Palestiniens qui ne sont qu’un obstacle sur la voie de la réalisation des intérêts d’Israël. Ils sont prêts à faire fi des aspirations du peuple palestinien pour le soumettre à Israël et le chasser de ses terres.» 

Abondant dans le même sens, le représentant de la Chine a parlé d’«une journée sombre» pour ce «rêve de longue date foulé aux pieds». Il a rappelé «la demande d’adhésion déposée en 2011 devant l’Onu et, 13 ans après, certains pays continuent à estimer que la Palestine n’a pas rempli les critères d’adhésion. Pendant ce temps, les colonies se sont multipliées et la possibilité de solution à deux Etats commence à nous échapper. Ils disent que la Palestine ne peut pas gouverner. 

Ce n’est pas vrai et c’est injuste de sous-entendre que la Palestine ne remplit pas les critères. C’est comme verser du sel sur une plaie à vif (…)». Il est important de préciser qu’avant la séance de vote, le Conseil de sécurité a entendu les délégués de nombreux pays et organisations régionales sur la question de l’adhésion, qui ont exprimé leur soutien à une telle décision. Vu le nombre important des intervenants, la séance a été écourtée pour reprendre cette semaine. 

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