Depuis sa condamnation le 11 février, dont il a fait appel, le maire de Van a bénéficié du soutien de milliers de manifestants rassemblés devant le siège de la municipalité, qui ont été délogés à l’aube par la police.
Un neuvième maire du parti pro-Kurde DEM, troisième force au parlement, accusé de «terrorisme», a été suspendu et plus de 120 de ses partisans ont été arrêtés, malgré le dialogue en cours avec le mouvement armé kurde du PKK, a annoncé hier le ministère turc de l’Intérieur, cité par l’AFP.
Cette destitution du maire de Van, grande ville à majorité kurde située dans l’est de la Turquie, est rendue publique le jour du 26e anniversaire de l’arrestation du chef historique du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK)
Abdullah Ocalan, engagé dans un processus initié par Ankara, via des élus DEM, pour mettre fin à la lutte armée. «D’un côté, le dialogue avance, de l’autre, la volonté du peuple est confisquée. Notre lutte continuera, d’Istanbul à Van», a lancé à Ankara l’un des co-présidents du parti DEM, Tuncer Bakirhan, appelant le gouvernement à «faire preuve de sincérité».
«Condamné à trois ans et neuf mois de prison pour aide à une organisation terroriste, le maire de la municipalité de Van, Abdullah Zeydan, a été suspendu de ses fonctions à titre temporaire», a affirmé le ministère de l’Intérieur dans un communiqué, précisant que le gouverneur de la métropole avait été désigné pour le remplacer. Sur son compte X, l’édile a dénoncé «des voleurs sans vergogne (qui) ont usurpé la volonté du peuple».
Il a refusé de signer la «notification» lui annonçant sa suspension et «dénoncé un coup d’Etat contre le peuple», rapporte le site d’information d’opposition Bir Gün. Depuis sa condamnation le 11 février, dont il a fait appel, le maire de Van a bénéficié du soutien de milliers de manifestants rassemblés devant le siège de la municipalité, qui ont été délogés à l’aube par la police. Selon l’agence locale ANKA, 127 personnes ont été arrêtées, dont six journalistes, a précisé le syndicat de la presse TGS.
Le parti DEM a dénoncé un «coup d’Etat contre notre municipalité de Van (et) un coup porté à la volonté du peuple», rappelant que A. Zeydan a recueilli plus de 55% des suffrages en mars et «tous les districts» de cette grande municipalité. «Pas un jour ne passe sans une nouvelle répression.
Quand chacun se demande si l’appel d’Ocalan pourrait être lancé en ce jour symbolique du 15 février, un administrateur est nommé à Van», a relevé l’autre co-présidente du DEM, Tülay Hatimogullar devant la presse, se demandant si «le gouvernement veut dynamiter le processus de dialogue en cours». Elle a également rappelé que ces pratiques ne visaient pas seulement le DEM mais également le CHP, le principal parti d’opposition parlementaire.
Au total, onze maires, neuf du DEM et deux du CHP, maires de districts à Istanbul, ont été destitués depuis les élections locales de mars 2024. Cette pratique a déjà eu cours avant le dernier scrutin: des dizaines de maires de localités kurdes avaient été ainsi démis de leurs fonctions et remplacés par des administrateurs désignés par les autorités à partir de 2016.
«La longue marche»
Par ailleurs, plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées à Strasbourg, hier, jour du 26e anniversaire de l’arrestation du fondateur du PKK Abdullah Ocalan, dont ils ont réclamé la libération. Le départ de la grande marche a été donné dans les rues du centre-ville de la cité alsacienne.
Elle s’est terminée dans le calme, avec un rassemblement place de l’Etoile. Un important dispositif policier était aussi déployé. «En la personne d’Ocalan, c’est la volonté du peuple kurde qui a été kidnappée», a déclaré Berivan Firat, porte-parole des relations extérieures du Conseil démocratique kurde de France (CDK-F). «Nous espérons qu’il y aura un appel, que les Kurdes et les peuples du Moyen-Orient attendent, et qu’une solution démocratique sera trouvée», a-t-elle ajouté.
Pour Hélène Dersim, l’une des coordinatrices de la manifestation, «tous les droits fondamentaux d’Abdullah Ocalan sont piétinés alors qu’il est un philosophe majeur en faveur de l’écologie, de l’égalité hommes/femmes et de la paix». «Il propose une alternative à la misère sociale et au capitalisme», affirme-t-elle. «Ses idées peuvent donner de l’espoir à beaucoup de peuples opprimés, y compris celui de la Turquie».
Le chef historique du PKK Abdullah Ocalan, en détention depuis le 15 février 1999, doit lancer «un appel historique» en faveur d’une solution démocratique à la «question kurde», selon ses soutiens. La mobilisation strasbourgeoise vient clôturer «la longue marche des kurdes», entamée à Lanester en Bretagne il y a 26 jours. Le PKK est considéré comme une organisation terroriste par Ankara et par l’Union européenne.