Lutte contre la mafia du foncier et constructions illicites : Les infractions commises sur les terres de l’Etat criminalisées

04/10/2023 mis à jour: 19:53
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Le ministre de la Justice Abderrachid Tabi - Photo : D. R.

Le projet de loi criminalise «toutes les formes d’infractions commises sur les terres de l’Etat» et prévoit à l’encontre des contrevenants des peines pouvant aller jusqu’à l’emprisonnement pour une durée de 15 ans.

Le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Abderrachid Tabi, a présenté hier, devant les sénateurs, le projet de loi relatif à la préservation et la protection des terres de l’Etat. Pour la troisième fois consécutive, l’on se dirige vers la convocation d’une commission paritaire du Parlement en vue de rétablir une disposition de ce texte de loi que les députés ont fait sauter lors de son adoption à la mi-juin à l’Assemblée populaire nationale (APN).

Il s’agit du paragraphe 4 de l’article 2 qui dispose que sont désignées «terres de l’Etat» : «Les terres relevant du domaine national, comportant le domaine public et privé de l’Etat et les domaines publics et privés des collectivités locales, telles que déterminées par la législation en vigueur.» Un député a proposé de ne pas inclure les terres «Arch» dans ce dispositif. L’amendement a été adopté par les députés.

Chose que contestent aujourd’hui les membres de la commission des affaires juridiques du Sénat, des sénateurs et également le ministre estimant que la suppression de ce point est en contradiction avec l’esprit du projet. Ainsi, ils réclament la reformulation de l’article en réintroduisant le passage supprimé, ce qui nécessite la convocation par le Premier ministre d’une commission paritaire composée des deux Chambres du Parlement.

Pour M. Tabi, «les terres Arch» sont des propriétés foncières faisant partie des propriétés privées de l’Etat et que leur exploitation est réalisée dans le cadre de contrats de concession. «Ce projet englobe leur préservation et la protection de leur propriétaire et non le contraire», rassure le ministre.

Lors des débats, des sénateurs ont dénoncé la «mafia du foncier», la prolifération des bidonvilles et la multiplication des constructions illicites à travers le territoire national, et ce, avec parfois la «complicité» de certains hauts responsables, comme ils se sont interrogés sur l’absence d’une police urbaine. Le sénateur Mehenni Haddadou du FFS s’en est pris aux «investisseurs fictifs» et à la «mafia du foncier». Il cite à cet effet deux exemples.

Il relate qu’un investisseur à Béjaïa a bénéficié «d’un terrain de l’Etat a raison de 80 millions de centimes» qu’il a revendu à une entreprise publique, Naftal, «au prix de 24 milliards». Par ailleurs, un investisseur «sérieux» a frappé à toutes les portes à la recherche d’un terrain pour construire un hôtel, il n’en a pas trouvé. Il a été alors contraint d’acheter un ancien hôtel pour 80 milliards de centimes. Sa réhabilitation lui a coûté 60 milliards de centimes.

Création d’une police de l’urbanisme

«En tout, il a dépensé 140 milliards de centimes pour construire un hôtel alors qu’il y a des centaines d’hectares dans les zones touristiques. Il faut s’attaquer à ces pratiques, Monsieur le ministre. Nous espérons que ce texte sauvera ce qui reste des terres de l’Etat», note M. Haddadou.

Pour le ministre, le projet de loi vient à point pour combattre ce phénomène et mettre fin au désordre urbanistique. Selon le garde des Sceaux, ce texte propose «un nouveau cadre juridique qui réglemente les mécanismes de protection et de préservation des terres domaniales» et «renforce le système juridique en vigueur dans ce domaine», notamment les règles applicables aux constructions illicites sur les terres de l’Etat, un projet à même de mettre fin aux constructions anarchiques. D’autant que les frais résultant de la démolition seront, dit-il, à la charge du contrevenant, même si les décisions de démolition peuvent faire l’objet d’un recours auprès de l’instance judiciaire compétente.

En réponse à une question relative à la police de l’urbanisme, le représentant du gouvernement a déclaré que ce «service sera bientôt créé», d’autant que son cadre juridique est prévu dans le projet de loi sur les procédures pénales actuellement à l’APN. «Le texte réglementaire concernant la police de l’urbanisme est en cours de préparation, et ce, en coordination entre le ministère de l’Habitat et le ministère de l’Intérieur», a-t-il révélé, en précisant que les missions de la police de l’urbanisme sont définies.

Il s’agit essentiellement du contrôle rigoureux des documents, des pièces et de leur conformité, aussi bien pour les nouvelles constructions dans les quartiers des communes, que pour les extensions urbaines. Cette police doit être placée sous tutelle ministérielle, et ses membres doivent avoir la possibilité d’être assistés par la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN) et la Gendarmerie nationale.

Il évoque, en outre, la création des cellules de veille chargées de détecter les cas de voies de fait et de construction illicite sur les terres de l’Etat et d’en informer les autorités compétentes et d’initier toute proposition visant à protéger et à préserver les terres de l’Etat.

Enfin le projet criminalise «toutes formes d’infractions commises sur les terres de l’Etat» et prévoit à l’encontre des contrevenants des peines pouvant aller jusqu’à l’emprisonnement pour une durée de 15 ans et une amende pouvant atteindre 1 500 000 DA, en fonction de la gravité de l’acte commis et de la personnalité de l’auteur.

 


 


 

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