Lumière d’Allah à l’origine des civilisations

17/03/2025 mis à jour: 19:27
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Photo : D. R.

Par Mohand Tahar Belaroussi
Directeur de recherche (retraité)

«Allah est la lumière des cieux et de la terre. Sa lumière est semblable à une niche où se trouve une lampe. La lampe est dans un verre (cristal) pareil à un astre étincelant qui s’allume grâce à un arbre béni : un olivier qui n’est ni de l’Orient ni de l’Occident et dont l’huile brillerait sans même qu’un feu ne la touche. Lumière sur lumière. Allah guide vers sa lumière qui il veut. Allah propose aux hommes des paraboles. Allah connaît parfaitement toute chose.» Sourate la Lumière 24, verset 35

En ce mois de Ramadhan, un mois béni par excellence, nous revisitons à travers cet article un sujet fondamental déjà évoqué : celui de l’inspiration. Nous visons principalement à démontrer, à travers des exemples de grands scientifiques de renom, que le progrès des connaissances scientifiques et technologiques des sociétés développées industrialisées s’inscrit effectivement dans le prolongement des découvertes fondamentales qui furent le germe de toute civilisation. Ces avancées ne sont pas le fruit de l’intelligence humaine seule, mais procèdent d’une inspiration transcendante, autrefois appelée lumière divine. Cette position peut surprendre les esprits focalisés sur les seules causes matérielles, nous espérons ici en illustrer toute la validité et la pertinence.

Dans ce contexte, l’enjeu majeur pour l’Algérie, au-delà des effets d’annonce vides de sens actuels, est d’adopter une politique de recherche et d’innovation dans une optique prospective ambitieuse fondée sur une stratégie axée sur les technologies dites de pointe ayant de meilleures chances de provoquer un véritable projet de développement national en s’inscrivant activement dans la dynamique du progrès, à l’instar des économies asiatiques, afin de surmonter ses défis économiques, sociaux et environnementaux et de bâtir un avenir prospère. La véritable tragédie des sociétés sous-développées est avant tout d’ordre civilisationnel.

Notre célèbre penseur Malek Bennabi insistait sur le fait que l’Algérie  ne pourra progresser sans percer le mystère ayant engendré la civilisation occidentale1.  La situation actuelle de notre pays en matière de développement social et de croissance économique demeure, en dépit des apparences et de quelques progrès notables dans certains domaines, très fortement dépendante de la rente des hydrocarbures, qui représente la principale source de revenus, sans parvenir à se diversifier ni à mettre en place une industrialisation compétitive au niveau international.

Dans cette perspective, l’Algérie manque-t-elle de scientifiques brillants ? La réponse est non. Le problème n’est pas celui des compétences, mais d’un manque de vision à long terme et de nouvelles idées. Pour y remédier, nous pensons avoir avancé quelques éléments de réponse, lesquels sont contrariés par l’absence d’écoute attentive de la part des gouvernants2,3.

La clé du changement réside dans la prise de conscience de cette nécessité impérieuse, conformément à ce verset coranique : «Allah ne change pas l’Etat d’un peuple tant que celui-ci ne change pas ce qui est en lui-même» (Sourate 13, verset 11). A l’échelle mondiale, la science et la technologie occupent une place de plus en plus centrale dans la vie des sociétés développées et émergentes.

Depuis le milieu du XIVe siècle, l’accélération des connaissances scientifiques et technologiques a propulsé le monde occidental dans une période de transformation profonde, successivement qualifiée de «révolution scientifique et technique», «troisième révolution industrielle», «révolution des technologies de l’information et de la communication» et maintenant «révolution de l’intelligence artificielle et de l’industrie 4.0». Les principaux facteurs à l’origine de cette évolution ont été les grandes découvertes scientifiques et les inventions, notamment celles des temps modernes.

Cependant, il ne fait aucun doute que les grandes découvertes, selon le Prix Nobel de médecine Alexis Carrel, ne sont pas uniquement le fruit de l’intelligence humaine. Les génies, en plus de leur capacité d’observation et de compréhension, possèdent d’autres qualités, comme l’intuition et l’imagination créatrice. Par l’intuition, ils perçoivent ce qui échappe aux autres, établissent des liens entre des phénomènes apparemment isolés et devinent l’existence du trésor ignoré.

Tous les grands hommes sont dotés de cette faculté4. Albert Einstein, par exemple, insistait sur le rôle fondamental de l’intuition et de l’imagination dans le processus scientifique. Il considérait que ses idées ne naissaient pas uniquement d’une réflexion logique, mais bien souvent sous forme d’images intuitives.

Il déclarait ainsi : «L’esprit intuitif est un don sacré et l’esprit rationnel est un serviteur fidèle. Nous avons créé une société qui honore le serviteur et a oublié le don.» Il soulignait également l’importance de l’intuition en affirmant : «La seule vraie chose précieuse est l’intuition.» Enfin, il mettait en avant la puissance créative de l’imagination par rapport au savoir pur, déclarant : «L’imagination est plus importante que le savoir. Car le savoir est limité, tandis que l’imagination embrasse le monde entier.» Niels Bohr, physicien danois et l’un des fondateurs de la mécanique quantique, connu pour son modèle de l’atome appelé «modèle de Bohr», soulignait l›importance de l›intuition dans la compréhension des phénomènes quantiques.

Il affirmait : «Nous ne pouvons pas nous passer de nos formes habituelles d’intuition, qui constituent le cadre de toute notre expérience et qui colorent tout notre langage.» Son principe de complémentarité illustre bien cette nécessité d’aller au-delà des concepts classiques pour appréhender la dualité onde-particule et d’autres aspects paradoxaux du monde quantique. John Bardeen et Walter Brattain, deux des inventeurs du transistor à l’état solide remplaçant le tube à vide, ont également reconnu l’importance de l’intuition expérimentale. Brattain expliquait que «l’expérimentation et l’intuition technique vont de pair : c’est souvent en testant des idées apparemment simples que l’on fait les plus grandes découvertes».

De son côté, Bardeen insistait sur le fait que «même dans la rigueur scientifique, il y a une part d’intuition qui guide les choix, avant même que les résultats ne le confirment», mais bien souvent sous forme d’images intuitives.  Henri Poincaré, grand mathématicien et physicien, soulignait également l’importance de l’inspiration dans la science : «C’est avec la logique que nous prouvons et avec l’intuition que nous trouvons.» De son côté, Nikola Tesla attribuait une grande partie de ses inventions à des éclairs de génie soudains : «Mon cerveau n’est qu’un récepteur.

Dans l’Univers, il y a un noyau à partir duquel nous obtenons la connaissance, la force et l’inspiration.» Un autre exemple frappant illustrant la simplicité et la persévérance est celui de Thomas Edison, l’inventeur de l’ampoule électrique. Classé «instable» par son professeur, il a dû abandonner l’école après seulement trois mois de cours. Pourtant, son esprit créatif et sa détermination lui ont permis de révolutionner l’éclairage et de déposer plus d’un millier de brevets. Edison incarne ainsi l’exemple du génie qui, malgré une éducation formelle limitée, a su transformer son intuition et sa persévérance en découvertes majeures.

Il disait lui-même : «Le génie est fait d’un pour cent d’inspiration et de quatre-vingt-dix-neuf pour cent de transpiration.» C’est ce phénomène que l’on appelait autrefois «l’inspiration». Dans la vie ordinaire comme dans la science, selon Alexis Carrel, l’intuition est un moyen de connaissance puissant, mais dangereux. Il est parfois difficile de la distinguer de l’illusion. Ceux qui se laissent guider par elle sont exposés à se tromper. Elle n’est pas toujours fidèle. Seuls, les grands hommes ou les simples au cœur pur peuvent être portés par elle sur les hauts sommets de la vie mentale et spirituelle.

C’est une faculté étrange. Saisir la réalité, sans l’aide du raisonnement.  Ce phénomène d’inspiration, jadis nommé révélation, illustre l’influence de la lumière divine dans le progrès humain. L’imam Al Ghazali, il y a plus de huit siècles, dans son livre Revitalisation des sciences de la religion, évoquait déjà cette réalité en citant le Coran  «dont l’huile brillerait sans même qu’un feu la touche.

Lumière sur lumière» (Sourate 24, verset 35). Il écrivait : «Des vérités surgissent dans l’âme sans apprentissage, et cela est similaire aux prophètes, à qui sont révélées des choses obscures sans avoir appris ni écouté, ce qui est désigné par l’inspiration.» Tout comme aux temps des prophètes passés, pour le croyant, une pareille affirmation ne représente rien d’autre que l’interprétation historique, l’illustration concrète de cette parole de l’écriture «Au commencement, était le verbe».

En Arabie, par exemple, il n’y avait rien à la veille du Coran. Mais dès l’instant où l’esprit descendit au Ghar Hira, comme jadis sur le Mont de Sinaï et sur les eaux du Jourdain, une civilisation était née comme si elle avait été toute contenue dans le premier du mot du Coran, ce «Lis» impératif qui bouleversa l’analphabète de la Mecque, et par lui, le destin du monde entier. Dès cet instant, en effet, l’obscur peuple d’Arabie devait faire un bond prodigieux sur la scène de l’histoire, au premier plan de laquelle il demeura des siècles durant, démontrant ainsi que l’évolution des sociétés repose avant tout sur l’élévation intellectuelle et spirituelle.

Il est remarquable que ce bond n’ait pas été le fait de savants émérites ou de virtuoses politiciens, mais celui des gens simples, un berger comme Moussa, un ouvrier charpentier comme Aïssa, un petit caravanier illettré, comme Mohammed, venus apporter un message à des milliers d’hommes simples, dans leur langage, à leur niveau de compréhension et capable de bouleverser la vie des hommes5.

En conclusion, dans un monde en perpétuelle mutation, marqué aujourd’hui par la montée en puissance des économies asiatiques en plein essor industriel (Chine, Singapour, Corée, Taïwan, Inde, Malaisie et Vietnam), l’enjeu majeur pour un pays comme le nôtre n’est plus simplement de combler un retard, mais de s’inscrire activement dans la dynamique du progrès.

Ces nations ont su tirer parti des technologies dites de pointe ou universelles, telles que les matériaux avancés, la microélectronique, la biotechnologie et les sources nouvelles d’énergie, en les exploitant comme moteurs stratégiques de développement. L’histoire nous enseigne que les grandes découvertes ne sont pas seulement le fruit de la raison, mais bien souvent le produit d’une inspiration transcendante et d’une intuition visionnaire. Cette combinaison a toujours été le catalyseur de l’innovation et le moteur essentiel du progrès personnel, professionnel, entrepreneurial et social. L’Algérie, à l’instar de ces nations, doit embrasser cette dynamique et exploiter pleinement son potentiel humain et intellectuel aussi bien local qu’expatrié.

En s’investissant dans ces technologies, en s’intégrant stratégiquement aux chaînes de valeur mondiales et en saisissant les opportunités en matière de partenariats, d’alliances stratégiques et d’accès à ces nouvelles technologies, on verrait ainsi qu’un processus dynamique et autonome de développement industriel, et plus particulièrement les PME et les start-up, peut être mis en route dans certains créneaux essentiels, et que ce processus devrait ultérieurement avoir des effets multiplicateurs et d’entraînement dans des domaines plus larges.

Elle pourrait non seulement moderniser son économie, mais aussi s’imposer comme un acteur-clé sur la scène internationale. Et cela est tout à fait conforme au souhait exprimé antérieurement par la plus haute instance du continent africain de se forger une capacité dans ces domaines technologiques, qui seront ceux de la civilisation du troisième millénaire6.

Ainsi, la finalité n’est pas une uniformisation, mais un développement harmonieux, où chaque société demeure elle-même, tout en progressant au rythme du monde en conformité avec l’esprit même des deux versets coraniques suivants : «Les gens ne formaient (à l’origine) qu’une seule communauté, puis ils divergèrent. Et si ce n’était une décision préalable de ton Seigneur, les litiges qui les opposaient auraient été tranchés.» (Sourate 10, verset 19) et «Nous avons fait de vous des peuples et des tribus (différents) afin que vous vous connaissiez» (Sourate 49, verset 13).

Références

  1. Les conditions de la renaissance : Problème d’une civilisation, M. Bennabi, édition S.E.C., 1992
  2. Comment relever le défi du développement national, El Watan, 3-4 février 2025
  3. Politique de recherche et d’innovation 2024-2029, les challenges qui nous attendent, l’Expression, 16 novembre 2024
  4. L’homme cet inconnu, A. Carrel, Paris Librairie Phon, 1935
  5. L’Islam vivant, R. Garaudy, La maison des livres, 1986
  6. Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’OUA, Addis-Abeba, 1985
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