L’opposition en mode survie

12/01/2022 mis à jour: 01:59
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Manifestement, une nouvelle pratique politique est en train de s’installer dans le pays, à contre-courant de  celle qui s’observe depuis l’entrée en vigueur des dispositions du multipartisme, il y a de cela plus de trente ans.

Sa principale caractéristique est la réduction du nombre et des activités des partis politiques, soit directement par décision administrative, soit à travers la justice sur saisine de l’Exécutif.

Le concept d’opposition politique est en train d’évoluer dans un sens restrictif, quant bien même les lois fondamentales en vigueur l’autorisent à entreprendre toute action susceptible de la mener vers l’intégration ou la prise de contrôle des principaux leviers de la décision politique dans le pays, évidemment de manière légale et pacifique et dans le respect des textes réglementaires.

Le seul élément qui autorise l’administration à s’en prendre à une formation politique légale, c’est le recours, par cette dernière, à la violence. L’Etat serait, à ce moment-là, dans son rôle et ce fut le sort réservé à l’ex-FIS dissous par décision de justice au motif qu’il s’était rendu coupable de troubles graves à l’ordre public et prônait l’insurrection armée.

C’est le seul cas flagrant depuis la décennie 1990. Depuis, les pouvoirs publics ont tenté de s’accommoder de l’existence de l’opposition politique, tout en s’évertuant bien sûr à limiter le nombre de partis et à canaliser leurs activités.

Aussi, nombre de demandes d’agrément ont été rejetées, émanant pourtant de personnalités de premier plan. Bouteflika développa une autre stratégie, celle du «ralliement» : séduites par son approche, nombre de formations politiques ont intégré ce qui était appelé «l’alliance présidentielle», en contrepartie de quelques postes ministériels et de sièges dans les assemblées élues.

Même une partie de l’opposition démocratique a été attirée par le chant des sirènes du palais d’El Mouradia, avant de se rendre compte, à partir du 3e mandat présidentiel, qu’elle faisait fausse route : Bouteflika est apparu sous son vrai visage, un autocrate lié à la corruption et à la gabegie. Depuis l’année 2019 qui sonna le glas du règne de Bouteflika, alors que les autorités s’attelaient surtout à combler le déficit en institutions, l’opposition était, elle, divisée entre l’adhésion à cette politique de «continuité» et la rupture totale avec le système politique.

Le camp démocratique était plutôt largement favorable à la mise en place d’une période de «transition politique» visant à revoir, de fond en comble, toute la pratique politique dans le pays en vigueur depuis l’indépendance.

Quant aux résidus de «l’alliance présidentielle», plus spécialement le FLN, le RND ainsi que des partis islamistes, ils préférèrent, eux, suivre les nouvelles autorités politiques dans leur projet de «refondation» des institutions, notamment à travers des élections générales.

Tout cela se fit dans le sillage de la disparition du hirak qui ne put aller au bout de ses revendications.Le pouvoir politique misa, depuis, essentiellement sur les indépendants et la société civile, mais sans rejeter le soutien de ses alliés traditionnels qui continuent de l’épauler sans être pleinement dans ses bonnes grâces.

Leur souci est de récupérer leur statut perdu ou, du moins, s’accrocher pour ne pas disparaître. Ce ne fut pas le cas de l’opposition démocratique. Après la bataille perdue de la «transition politique», elle s’est trouvée réduite à lutter essentiellement pour sa survie.

Les autorités ont contourné les textes fondamentaux sur l’exercice du multipartisme par la mise en place d’une batterie de lois restrictives du champ d’action des partis politiques et des associations. Le plus abouti est l’article 87 du nouveau code pénal et c’est sur cette base que nombre de leaders de formations politiques et de personnalités ont été poursuivis, parfois condamnés sévèrement par la justice.

Le champ politique n’est occupé désormais que par le discours et les activités des dirigeants en poste et accessoirement par quelques activités de partis alliés ou marginaux. Peut-être que la parenthèse du multipartisme est en train de se fermer définitivement…

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