Parce que le génocide et les crimes de guerre sous toutes leurs formes, commis à Ghaza, sont documentés à travers des photos et des enregistrements vidéo largement partagés sur les réseaux sociaux par leurs auteurs, des milliers de soldats israéliens risquent d’être arrêtés, une fois hors de leur pays.
Dans de nombreux pays, les soldats israéliens sont obligés de prouver qu’ils ne se sont pas impliqués dans des crimes de guerre à Ghaza ou au Liban sous peine d’être arrêtés et poursuivis en justice. En début de cette semaine, un militaire a dû être exfiltré (par Israël), en urgence, après le dépôt, par une ONG pro-palestinienne Hind Rajab, pour crimes de guerre et contre l’humanité à Ghaza.
L’armée israélienne renvoie désormais l’image de contingents de criminels de guerre, depuis l’émission par la Cour pénale internationale (CPI) des mandats d’arrêt contre le Premier ministre, Benyamin Netanyahu, et son ex-ministre de la Défense, Yoav Gallant pour leur guerre génocidaire qu’ils mènent depuis 15 mois, tuant plus de 45 000 Palestiniens, majoritairement des femmes et des enfants, et blessant plus de 100 000 autres, alors qu’autant de personnes sont toujours sous les décombres.
Basée en Belgique, et soutenue par les familles des Palestiniens qui lui ont donné procuration pour les représenter, Hind Rajab Fondation traque, depuis novembre 2023, les militaires israéliens pour la plupart des binationaux, qui prennent part au génocide des Palestiniens dans l’enclave.
C’est la panique dans les rangs de l’armée israélienne, qui a mis en garde les militaires réservistes et carriéristes qui ont servi à Ghaza et au Liban, contre le risque d’une interpellation et une poursuite à l’étranger en cas de déplacement, et exigé qu’ils ne peuvent quitter l’Etat hébreu sans autorisation préalable de leur responsable.
C’est ce qu’a annoncé, dimanche dernier, la télévision israélienne, en affirmant qu’une «cellule interministérielle composée de responsables du Mossad et du ministère des Affaires étrangères a été mise en place pour prévoir des mesures à prendre contre les procédures engagées par Hind Rajab Fondation, contre les euro-israéliens». Les mêmes sources ont révélé la mise en place d’une nouvelle cellule opérationnelle du parquet militaire, des affaires étrangères et du service de sécurité Shin Bet, ayant pour mission de venir en aide (y compris par l’exfiltration) aux militaires visés par des plaintes pour «crimes de guerre» à l’étranger.
De leur côté, les autorités militaires ont sommé les soldats qui ont servi à Ghaza et au Liban d’effacer toute trace de leur participation à la guerre génocidaire, en supprimant des réseaux sociaux leurs publications qui documentent leurs actions. Cette panique dans les rouages de l’Etat s’explique par le fait que de nombreux soldats hébreux en vacance à l’étranger se soient retrouvés dans l’obligation de fournir des explications sur leurs activités militaires.
Selon la presse israélienne, cela s’est passé en Afrique du Sud, au Sri Lanka, en Belgique, en France, au Brésil et depuis deux jours en Argentine, où des plaintes ont été déposées par l’ONG Hind Rajab Fondation, contre des Israéliens pour crimes de guerre à Ghaza. En Australie, les autorités soumettent les Israéliens à la signature d’un document attestant qu’ils n’ont participé ou assisté à aucun crime de guerre dans l’enclave ou au Liban. L’inquiétude gagne de plus en plus du terrain, au fur et à mesure que le nombre de plaintes de l’ONG palestinienne augmente.
Après l’exfiltration d’un soldat du Brésil, où la justice a ordonné une enquête sur des «soupçonnés de crimes de guerre à Ghaza», c’est au tour d’un autre militaire, le lieutenant Amit Nechmya, commandant du peloton Latak du bataillon Rotem de la sinistre brigade Givati, d’être visé par une plainte déposée le 2 janvier dernier par la même ONG, devant la justice de Buenos Aires, en Argentine, pour «crimes de guerre, crimes contre l’humanité et de génocide à Ghaza».
Parmi les preuves présentées par l’ONG, des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux par des membres du peloton Latak qui montrent des soldats, sous le commandement de Nechmya, posant avec un Palestinien aux yeux bandés utilisé comme bouclier humain, ainsi que des images qui montrent des Palestiniens aux yeux bandés sommés de se mettre dans des positions dégradantes et humiliantes, en violation flagrante du droit international.
Une cellule du Mossad pour contrer «Hind Fondation»
Pour l’ONG internationale, les faits sont suffisamment documentés et constituent une violation caractérisée du droit international. Elle a appelé les autorités argentines «à émettre un mandat d’arrêt contre le lieutenant Amit Nechmiya, d’ouvrir une enquête approfondie sur ses activités de destruction de preuves et de coopérer avec les organismes internationaux, notamment Interpol, pour empêcher toute nouvelle évasion et garantir sa poursuite».
La crainte de l’ONG s’explique par l’exfiltration (par Israël) du Brésil, il y a une semaine, d’un autre soldat israélien, ciblé par la même plainte, pour avoir participé à «des démolitions massives d’habitations civiles à Ghaza lors d’une campagne systématique de destruction. Ces actes font partie d’un effort plus vaste visant à imposer des conditions de vie insupportables aux civils palestiniens, constituant un génocide et des crimes contre l’humanité au regard du droit international».
Des séquences vidéo, des données de géolocalisation et des photographies montrant le suspect en train de poser personnellement des explosifs et de participer à la destruction de quartiers entiers ont été présentées comme preuves. Soutenue par des familles palestiniennes, pour agir en leur nom, l’ONG avait lancé sa première plainte le 31 décembre 2023, contre le soldat israélien Omri Nir, du bataillon 601 du génie de combat israélien qui faisait exploser les maison de Ghaza. La plainte a été engagée en Thaïlande où il passait les fêtes de fin d’année.
Des procédures similaires ont ciblé tous les membres du bataillon de génie de combat, le soldat Saar Hirshoren en Argentine et au Chili, mais aussi tous les membres du bataillon du génie de combat, poursuivis quant à eux devant la CPI, au même titre que le criminel de guerre israélien Lidor Kandalker, en exigeant leur arrestation et leur comparution immédiate.
D’autres plaintes ont été déposées au Sri Lanka contre les membres de la sinistre brigade Golani, auteurs des pires crimes contre les Palestiniens, documentés par des photos et vidéos présentées (par leurs auteurs), comme «trophées de guerre».
La traque des criminels de guerre israéliens a suscité la panique chez les responsables de l’Etat hébreu. Hier, les médias locaux ont annoncé l’installation d’une cellule interministérielle composée des responsables du Mossad et du ministère des Affaires étrangères, afin de discuter des actions à mener contre l’ONG Hind Fondation, qui traque les soldats euro-israéliens à travers le monde. Une traque qui part du principe qu’à Ghaza, les preuves sont très nombreuses parce que le génocide des Palestiniens se fait en direct sur les chaînes de télévision et les smartphones.
Génocide à Ghaza : Le rapport interne accablant que l’UE veut enterrer
Bien plus, aussi bien les conclusions de la Cour internationale de justice (CIJ) que la CPI, ainsi que tous les experts de l’Onu qualifient la guerre menée par Israël à Ghaza, de génocide, voire de nettoyage ethnique, à l’exception de certains alliés de l’Etat hébreu qui continuent à lui fournir le soutien militaire, politique et diplomatique.
C’est le cas de l’Union européenne, qui malgré un rapport accablant, rédigé par des experts qu’elle a elle-même désignés qualifiant les actes d’Israël à Ghaza de potentiellement des crimes de guerre et de génocide, a refusé, il y a deux mois, l’embargo sur les ventes d’armes à Israël. En effet, les conclusions du rapport interne, fuité, il y a quelques jours, et publié par le site américain d’investigation The Intercept, pourraient, selon les avocats consultés par ce média, «influencer les futurs procès pour crimes de guerre de politiciens européens pour complicité dans le génocide à Ghaza».
Selon la même source, le rapport a été rédigé par le représentant spécial de l’UE pour les droits de l’homme, Olof Skoog, et envoyé aux ministres des Affaires étrangères de l’UE avant la réunion du Conseil du 18 novembre dernier, dans le cadre d’une proposition du chef de la politique étrangère de l’UE visant à suspendre le dialogue politique avec Israël. La proposition a été rejetée par le Conseil des ministres des Affaires étrangères des Etats membres de l’UE.
Pourtant, l’expertise de Skoog fait état «de preuves provenant de sources des Nations unies» concernant des «crimes de guerre» commis par Israël. «Bien que l’évaluation n’ait pas épargné le Hamas et le Hezbollah, une grande partie de ses propos les plus virulents ont été réservés à l’armée israélienne», a écrit le média américain.
«La guerre a ses règles, étant donné le nombre élevé de victimes civiles et de souffrances humaines, les allégations portent principalement sur la façon dont les responsables, notamment les Forces de défense israéliennes semblent avoir échoué à faire la distinction entre civils et combattants et à prendre toutes les précautions possibles pour protéger les civils et les biens civils contre les effets des attaques, en violation des principes fondamentaux du droit humanitaire international , lit-on dans le rapport fuité.
Son rédacteur, Skoog a cité «l’utilisation accrue d’un langage déshumanisant par les dirigeants politiques et militaires israéliens, ce qui peut, selon lui, contribuer à prouver l’intention» de commettre un génocide. «L’incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence – telle que celle formulée dans les déclarations des responsables israéliens – constitue une grave violation du droit international des droits de l’homme et peut être assimilée au crime international d’incitation au génocide», souligne le document. S. T.