La guerre a causé une dévastation sans précédent au marché du travail palestinien et à l’économie en général. C’est la principale conclusion des dernières données et analyses de l’Organisation internationale du Travail (OIT) et du Bureau central palestinien des statistiques (BCPS) publiées ce 7 juin.
Des données présentées dans le quatrième d’une série de bulletins décrivant l’impact de la guerre à Ghaza sur le marché du travail et sur les moyens de subsistance dans le Territoire Palestinien Occupé. Ainsi, depuis octobre 2023, le taux de chômage dans la bande de Ghaza a atteint 79,1%. Un taux que l’OIT qualifie de «stupéfiant». En Cisjordanie, qui a également été gravement touchée par la crise, le chômage a atteint 32%.
Ce qui porte le taux de chômage moyen à 50,8% dans les deux zones du Territoire Palestinien Occupé.
Ces chiffres ne reflètent pas complètement la réalité puisqu‘ils ne tiennent pas compte des personnes qui ont quitté le marché du travail parce que les perspectives d’emploi se sont avérées inexistantes. «Le nombre réel de personnes ayant perdu leur emploi est donc encore plus élevé que ce que les chiffres du chômage suggèrent», estime l’OIT et le BCPS à ce sujet.
A ces chiffres alarmants, s’ajoute celui relatif à la forte baisse du PIB. Ce dernier s’est contracté de 83,5% dans la bande de Ghaza et de 22,7% en Cisjordanie au cours des huit derniers mois alors que PIB réel de l’ensemble du Territoire Palestinien Occupé s’est contracté de 32,8% en moyenne. La grave crise économique qui touche actuellement le Territoire Palestinien Occupé a particulièrement affecté le secteur privé, selon le bulletin de l’OIT.
Le secteur privé lourdement affecté
Dans la bande de Ghaza, presque tous les établissements du secteur privé ont soit complètement cessé, soit considérablement réduit leur production. Au total, ce secteur a perdu 85,8 % de sa valeur de production, soit l’équivalant à 810 millions de dollars au cours des quatre premiers mois de la guerre.
En Cisjordanie, le secteur privé a subi une réduction de 27% de sa valeur de production, soit 1,5 milliard de dollars, au cours de la même période. Ce qui s’est traduit par des pertes quotidiennes de production du secteur privé équivalant à 19 millions de dollars dans l’ensemble du Territoire Palestinien Occupé durant cette période.
Concernant les projections pour 2024., l’OIT estime : «Si la guerre devait prendre fin en août 2024 et que les efforts de redressement de l’économie et du marché du travail s’ensuivent, le taux de chômage annuel pour 2024 devrait s’élever en moyenne à 47,1 %.» Les projections suggèrent également que, dans un tel scénario, le PIB réel chuterait de 16,1% et le revenu réel par habitant de 18% en 2024 par rapport à 2023. «Ces chiffres représenteraient la baisse la plus prononcée des taux de croissance pour ces deux indicateurs depuis plus de vingt ans», conclut l’OIT.
A noter par ailleurs qu’une enquête menée par l’OIT en partenariat avec la Fédération générale palestinienne des syndicats (PGFTU) a révélé que, parmi les travailleurs de Cisjordanie encore employés, 51% ont vu leurs heures de travail réduites et 62,8% ont subi une baisse de salaire.
Une deuxième enquête conduite avec la Fédération des chambres palestiniennes de commerce, d’industrie et d’agriculture (FPCCIA) a fait ressortir que 65,3% des entreprises de Cisjordanie ont fait état d’une réduction de leurs effectifs, beaucoup ayant recours à des licenciements permanents ou temporaires.
Cela pour dire que les indicateurs socioéconomiques dans la région se dégradent de plus en plus huit mois après l’éclatement de la guerre. «Notre nouvelle note d’information montre que le sinistre bilan de la guerre dans la bande de Ghaza en termes de vies humaines et la situation humanitaire désespérée qu’elle a provoquée s’accompagnent d’une dévastation généralisée des activités économiques et des moyens de subsistance.
Cela aggrave les souffrances des Palestiniens dans la bande de Ghaza et en Cisjordanie et met encore plus en danger leur sécurité et leur bien-être», a déclaré dans ce cadre Ruba Jaradat, directrice régionale de l’OIT pour les Etats arabes. Et d’appeler à œuvrer pour assurer «le rétablissement des moyens de subsistance et la création d’emplois décents sont essentiels».
Il s’agit «de permettre aux Palestiniens du territoire palestinien occupé de se remettre des horreurs que la guerre leur a infligées», a-t-elle encore souligné. Pour la directrice régionale de l’OIT, ce travail devrait se faire parallèlement à la réponse humanitaire en cours. «L’OIT, ses mandants et ses partenaires mettent en œuvre un plan de réponse d’urgence à cette fin», a-t-elle ajouté.