L’intermédiaire turc

08/03/2022 mis à jour: 17:55
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Depuis le début de l’offensive russe sur l’Ukraine, la Turquie a mobilisé sa diplomatie pour servir d’intermédiaire entre les belligérants afin de mettre fin au conflit. Ankara cherche à garder son partenariat économique avec Moscou, grand pourvoyeur de gaz à travers les gazoducs Turk Stream et Blue Stream. Ses rapports avec l’ex-République soviétique sont en plein essor : Kiev a acquis récemment des drones de combat turcs Bayraktar TB2, lesquels devaient être en partie produits sur le sol ukrainien.
 

La Turquie est un pays riverain de la mer Noire. D’où la rivalité historique entre la «Sublime porte» et l’Empire tsariste, marquée par au moins une douzaine de conflits entre les deux pays, dont le plus connu est la guerre de Crimée de 1853-1856. 
 

Moscou et Ankara s’opposent sur de nombreuses crises : en Syrie, en Libye, au Moyen-Orient en général, Méditerranée orientale, le Caucase et l'Asie centrale. Les relations entre les deux pays ont connu des frictions : en 2015, un avion russe est abattu par deux chasseurs turcs à la frontière turco-syrienne. En 2019, la Turquie s’est dotée de missiles russes S-400 contre l’avis de  l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan), dont elle est membre.
Lors d’un déplacement en Albanie le 18 janvier dernier, dans le cadre d’une tournée dans les Balkans, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, s’est prononcé contre toute intention de Moscou d’intervenir en Ukraine. Il a déclaré «inacceptable» la reconnaissance des régions séparatistes de l’Ukraine par la Russie. Mais en parallèle, il a aussi indiqué que «la Turquie ne peut renoncer ni à la Russie ni à l’Ukraine». Le 24 février, lors d’un conseil de défense, le président turc a qualifié d’«inacceptables» les offensives menées par la Russie en Ukraine. Il a demandé à la Russie de mettre fin à son intervention «injuste et illégale». 

Contrairement à ses alliés de l’Otan, la Turquie n’a pas cessé ses échanges commerciaux avec la Russie et n’a pas interdit son espace aérien aux avions russes. Le 27 février, le chef de la diplomatie turque a qualifié les opérations russes en Ukraine de «guerre», évoquant l’exception prévue par la Convention de Montreux (1936), qui régit les voies navigables turques entre la mer Egée et la mer Noire (détroits du Bosphore et des Dardanelles) en temps de paix et de guerre. En temps de guerre, la libre circulation reste assurée pour les pays avec lesquels la Turquie n’est pas en guerre. Mais la libre circulation peut être suspendue si la Turquie est partie à un conflit, ou si elle s’estime menacée. Ainsi, selon la Convention, si la Turquie devait prendre parti pour l’Ukraine, elle pourrait bloquer l’accès de ses détroits aux navires russes. 

L’article 19 de la Convention prévoit en son alinéa 2 qu’en temps de guerre «il sera interdit aux bâtiments de guerre de toute puissance belligérante de passer à travers les détroits», et en son alinéa 4 : «Malgré l’interdiction de passage édictée dans l’alinéa 2, les bâtiments de guerre des puissances belligérantes riveraines ou non de la mer Noire, séparés de leurs ports d’attache, sont autorisés à rallier ces ports.» 

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