Selon le dernier rapport annuel de la Banque d’Algérie, cela représente environ 8 273 milliards DA sur un total de 24 330 milliards DA en circulation. Une telle somme, hors du contrôle des institutions bancaires, alimente une économie informelle qui rivalise en ampleur avec l’économie formelle.
Cette situation qui inquiète toujours les experts économiques, continue de poser des défis majeurs à la gestion macroéconomique du pays et au développement durable. « Cette masse qui échappe au contrôle de l’état alimente pour une part l’économie informelle et pour une autre part la thésaurisation » estime l’économiste Ali Settah Hocine.
Par ailleurs, cette situation complique la gestion des politiques monétaires : les outils traditionnels de régulation, comme les ajustements des taux d’intérêt ou des réserves obligatoires, se révèlent inefficaces face à une économie où une part importante des flux financiers échappe au contrôle de la Banque centrale.
Le rapport souligne également l’impact direct de cette économie informelle sur les recettes fiscales. Près d’un tiers de la TVA potentielle et une part importante de l’impôt sur le revenu échappent chaque année aux coffres de l’État, aggravant les tensions budgétaires et limitant les capacités d’investissement public.
De plus, le marché parallèle des devises, soutenu par ces flux monétaires informels, contribue à la dépréciation continue du dinar, avec des écarts de plus de 50 % entre le taux officiel et le taux du marché parallèle. Les causes de cette situation trouvent leurs racines dans l’histoire économique du pays. « Les banques algériennes, longtemps centrées sur les besoins des grandes entreprises publiques et de l’administration, n’ont pas su s’ouvrir aux petits opérateurs économiques.
À cela s’ajoute une méfiance généralisée envers les institutions bancaires, perçues comme bureaucratiques et peu réactives » analyse M. Ali Settah. De nombreuses transactions, notamment dans le commerce et l’artisanat, continuent de se faire exclusivement en espèces, ce qui alimente des comportements de thésaurisation.
Pourtant, cette situation n’est pas une fatalité. La Banque d’Algérie, dans son rapport, plaide pour des réformes structurelles visant à réduire la masse monétaire hors circuit bancaire. La digitalisation des paiements, par exemple, apparaît comme une solution incontournable.
Actuellement, moins de 20 % des transactions financières dans le pays sont effectuées via des moyens électroniques. Le développement des infrastructures numériques, associé à des incitations fiscales pour encourager les paiements dématérialisés, pourrait progressivement réduire la dépendance aux paiements en espèces.
Par ailleurs, le rapport met en avant l’importance de simplifier les démarches administratives. Aujourd’hui, la création ou la régularisation d’une petite entreprise peut prendre plusieurs mois, décourageant ainsi de nombreux acteurs économiques.
Proposer des solutions adaptées aux spécificités locales, comme des microcrédits sans intérêts conformes aux principes islamiques, pourrait également séduire une frange de la population encore réticente à utiliser les banques. Cependant, pour réussir cette transition, il faudra également rétablir la confiance des citoyens envers les institutions financières. « La transparence dans la gestion des dépôts, la réduction des coûts bancaires et une campagne massive de sensibilisation à la bancarisation sont des étapes essentielles » plaide-t-on.
Une collaboration étroite entre les autorités publiques, les banques et les représentants de la société civile sera cruciale pour instaurer un climat favorable à cette transformation. En intégrant cette masse monétaire au circuit formel, l’Algérie pourrait élargir son assiette fiscale, stabiliser sa monnaie et renforcer les capacités d’investissement dans les infrastructures et les services publics.
La normalisation des pratiques économiques, bien que complexe et nécessitant une approche progressive, représente une opportunité stratégique pour bâtir une économie plus transparente et résiliente. Le rapport de la Banque d’Algérie est clair : si des réformes ambitieuses ne sont pas engagées rapidement, la part informelle de l’économie continuera de croître, exacerbant les déséquilibres structurels.