Paris a franchi hier un pas de plus vers la reconnaissance du fait colonial au Sahara occidental. La lettre adressée par le président français, Emmanuel Macron, au roi Mohammed VI, à l’occasion de l’anniversaire des 25 ans de son règne, constitue en effet un soutien clair et sans équivoque au plan d’autonomie marocain dans les territoires occupées.
Dans cette lettre, rendue publique hier par l’Elysée, Macron dit considérer que «le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine».
«Pour la France, l’autonomie sous souveraineté marocaine est le cadre dans lequel cette question doit être résolue. Notre soutien au plan d’autonomie proposé par le Maroc en 2007 est clair et constant», a-t-il ajouté, affirmant que le plan marocain «constitue désormais la seule base pour aboutir à une solution politique juste, durable et négociée conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies».
Après la brouille diplomatique entre Paris et Rabat, en 2021, qui n’a pas réellement impacté les fondamentaux des relations franco-marocaines, le rapprochement s’est d’abord opéré sur le champ sémantique avant de déboucher sur un alignement assumé sur les thèses marocaines. Comme l’avait suggéré Le Monde dans son édition du 26 juillet dernier, le glissement sémantique a débuté depuis neuf mois. La percée sémantique sur le sujet est désormais faite. On est passé, s’agissant du plan marocain, de «une base sérieuse» à «la base sérieuse», pour finir par «est le cadre dans lequel cette question doit être résolue».
Dans sa missive, Macron a aussi souligné «l’intangibilité de la position française sur cet enjeu de sécurité nationale pour (le) Royaume». «Il est temps d’avancer», a-t-il écrit, ajoutant : «J’encourage donc toutes les parties à se réunir en vue d’un règlement politique, qui est à portée de main.» La lettre de Macron marque, indubitablement, un recalibrage du discours officiel français par rapport à la question sahraouie et indique que des lignes ont bougé au plus haut sommet de l’Etat français en ce qui concerne un dossier qui a tout son poids dans la région du Maghreb. Un recalibrage qui traduit un repositionnement pour des considérations de politique interne ? Mais aussi pourquoi un soutien aussi franc en ce moment précis – désapprouvé il y a quelques jours par les autorités algériennes –, à la veille d’une échéance présidentielle en Algérie où la question sahraouie est un élément central dans le discours officiel ? Côté réactions, les autorités marocaines ont vite applaudi la position française formulée dans la lettre de Macron, notant une «évolution importante et significative».
«La France soutient une occupation violente et illégale»
«Cette annonce de la République française, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, constitue une évolution importante et significative en soutien à la souveraineté marocaine sur le Sahara», a indiqué le cabinet royal dans un communiqué. Le chef de la diplomatie sahraouie, Mohamed Sidati, a, pour sa part, fustigé l’inflexion française. «Le gouvernement français ne s’en cache plus : en déclarant officiellement ces jours-ci soutenir le plan d’autonomie marocain, c’est l’occupation violente et illégale du Sahara occidental que la France soutient», a-t-il affirmé. Jeudi, l’Algérie avait qualifié la décision française d’«inattendue, inopportune et contre-productive».
Un communiqué du ministère des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger (MAE) a, alors, indiqué que le gouvernement algérien avait pris connaissance «avec un grand regret et une profonde désapprobation la décision (…) apportant un soutien au plan d’autonomie sur le Sahara occidental dans le cadre de la souveraineté marocaine».
La décision «a été communiquée officiellement aux autorités algériennes par les autorités françaises ces derniers jours», avait expliqué le MAE, soulignant que «les puissances coloniales, anciennes et nouvelles, savent se reconnaître, se comprendre et se tendre des mains secourables».
Exprimant sa «profonde désapprobation», le gouvernement algérien «tirera toutes les conséquences qui découlent de cette décision française» et dont le gouvernement français «assume seul la pleine et entière responsabilité», a lancé en guise d’avertissement la même source.
Dans son communiqué, le MAE a également pris le soin de préciser que le gouvernement algérien «tirera toutes les conséquences qui découlent de cette décision française et dont le gouvernement français assume seul la pleine et entière responsabilité». Rappelons que depuis 2007, la France ne fait pas secret de son soutien au plan d’autonomie du Sahara occidental.
Récemment, en février 2024, le ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, avait annoncé sans ambiguïté : «La France le sait, la question du Sahara occidental est existentielle pour le Maroc et pour tous les Marocains.» M. Abdelkrim