Les sept vies du pétrole

17/09/2023 mis à jour: 02:47
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Il semble que les pays producteurs de pétrole vont bénéficier de vents favorables durant les prochaines années. Factuellement, après une année 2022 marquée par une hausse des prix sur le marché mondial, sous les effets conjugués de la crise en Ukraine et la dynamique de rattrapage économiques, après près de trois années de la pandémie Covid-19, les cotations se sont, certes, un peu tassées en 2023, réduisant les recettes des pays de l’OPEP et autres.

Mais la tendance globale au maintien du marché s’est précisée, même si les cartels des pays producteurs ont dû consentir des baisses régulières de production pour maintenir les cours à des seuils profitables.

Dans son dernier rapport mensuel, datant du 12 septembre courant, l’OPEP appuie fermement ses prévisions optimistes d’une croissance solide de la demande pour ce qui reste de l’année 2023 ainsi que pour l’année qui va suivre. Le fait est que les plus grandes économies du monde (la Chine, l’Inde, les Etats-Unis…) rebondissent plus fortement que prévu, après les années de paralysie durant la crise sanitaire, s’ajoutant à un regain de consommation dans les segments des services et des loisirs.

«La croissance économique mondiale en cours devrait stimuler la demande de pétrole, notamment en raison de la reprise du tourisme, des voyages aériens et de la mobilité constante des automobilistes», note, entre autres, l’organisation des pays producteurs. Il y a aussi l’effort collectif soutenu de réduction de la production au sein de l’OPEP+, depuis une année, et les décisions de réduction volontaires, notamment de l’Arabie Saoudite et la Russie, (deux gros producteurs aux agendas financiers exigeants en ce moment pour des raisons certes différentes), qui ont pu protéger le prix du baril des chutes intempestives.

La même journée où se publiait le rapport, le baril a bondi à plus de 92 dollars, et deux jours après, le Brent se négociait à plus de 93 dollars. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) avait d’ailleurs prévenu, un mois auparavant, que la discipline affichée par les membres de l’OPEP+ pour contrôler l’offre devait avoir son impact sur le marché et les stocks de pétrole lors du dernier trimestre de l’année en cours, à travers une inévitable nouvelle hausse des prix.

Mais au-delà de l’attitude concertée des pays producteurs, l’agence établit des prévisions plus objectives qui annoncent un court terme florissant pour l’or noir. L’année 2023 bat jusqu’ici les records de hausse de demande mondiale en la matière et celle-ci ne devrait concéder que quelques points de recul en 2024.

Les économies tournant essentiellement à la production et  au commerce des hydrocarbures vont donc bénéficier de rentes substantielles pendant les exercices à venir, malgré les différentes réductions des volumes mis sur le marché,  et pourraient, théoriquement, mieux négocier la reconversion de leur modèle économique. L’Algérie, qui travaille à diversifier sa production et ses exportations pour s’affranchir de la dépendance aux hydrocarbures, a, en la conjoncture, une sérieuse opportunité à saisir pour, au plus vite, réaliser ses objectifs.

En tout cas, le pays devrait voir ses réserves de change se consolider, ce qui va au moins maintenir une forme de détente sur les programmes de dépenses publiques et sociales. L’empire financier saoudien, engagé sur son mégaprojet de transformation socioéconomique «Vision 2030» a, de son côté, un bon coup à jouer sans trop avoir à puiser dans ses réserves, au demeurant illimitées.

L’ensemble des pays producteurs, chacun selon la taille de ses participations au marché mondial, devrait donc bénéficier du rebond pétrolier en cours, mais cela ne remet pas en question la nature des défis économiques, énergétiques et financiers qui les attendent à moyen terme. Dès 2028 en effet, prédit la même AIE, la demande mondiale devrait définitivement se tasser pour entrer dans une phase de déclin structurel, alors que les prévisions en vigueur jusqu’ici n’annonçaient de plateau en matière de demande que vers 2035.

Les appels à limiter l’usage des énergies fossiles, sous les effets de plus en plus spectaculaires et pressants de «l’effondrement climatique», ainsi que les programmes de transition énergétique, auront d’ici là historiquement changé la donne, parie l’AIE. Mais la complexité de l’économie mondiale, le caractère imprévisible des tensions en cours et les équilibres géopolitiques fragiles laissent une marge assez significative à l’erreur dans les projections et peuvent prêter plusieurs vies au pétrole.    

 

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