Les propriétaires privés exigent une solution des autorités : Le casse-tête des lignes électriques

28/12/2024 mis à jour: 16:48
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Photo : D. R.

Aujourd’hui, de nombreux propriétaires se retrouvent dans une situation inextricable, leurs lots de terrain sont coupés en deux parties par les câbles électriques qui les survolent.

La fin des années 1970 et le début des années 1980 ont marqué un tournant dans l’électrification rurale en Algérie. L’Etat avait lancé à l’époque plusieurs chantiers de raccordement des foyers au réseau électrique. Ce fut une aubaine pour des populations qui ont pu éclairer leurs maisons pour la première fois. Ainsi, des réseaux de transport d’électricité ont été implantés un peu partout, notamment le long des routes et aussi sur des propriétés privées. L’essentiel était de faire bénéficier chaque foyer du courant électrique.

Cependant, des décennies plus tard, la présence de ces infrastructures électriques sur des terrains privés est devenue une source de problèmes pour les propriétaires actuels, en particulier les héritiers. Personne n’aurait pu imaginer que cet acquis tant attendu deviendrait une véritable épine dans le pied de ces citoyens. Aujourd’hui, de nombreux propriétaires se retrouvent dans une situation inextricable, leurs lots de terrain étant coupés en deux parties par les câbles électriques qui les survolent. Certains déplorent avoir perdu plusieurs mètres carrés de terrain à cause de ces installations, rendant impossible toute possibilité de construction sous les lignes électriques.

Des citoyens dans l’impasse

A titre d’exemple, dans les zones rurales, pour la basse tension, une servitude de 2 mètres de part et d’autre des lignes électriques est requise. Quant à la moyenne tension, cette servitude est de 30 mètres, contre seulement 6 mètres dans les zones urbaines. «Le terrain que j’ai hérité est condamné. Il m’est impossible de construire quoi que ce soit en dessous des fils électriques qui le traversent. La servitude ne laisse pas assez d’espace pour réaliser un modeste logement dans le cadre de l’aide de l’Etat à l’habitat rural.

Malheureusement, mon statut de propriétaire, même d’un terrain non construit, m’empêche également de prétendre à un logement AADL ou social. Les critères d’éligibilité de ces programmes excluent en effet les personnes déjà propriétaires, quelles que soient les caractéristiques de leur terrain. Je me retrouve dans une impasse, sans possibilité d’accéder à un logement abordable, que ce soit par la construction aidée ou les programmes sociaux», déplore un citoyen d’une localité à l’est de la wilaya de Bouira.

Des personnes se retrouvent dans la même situation, toujours à Bouira. «Notre modeste propriété est coupée en deux parties à cause des câbles électriques qui la survolent. Nous avons 2 mètres de perdus de part et d’autre. C’est beaucoup quand même !» déplore Mohamed, habitant de la commune d’Ath Mansour. 
Dans les autres wilayas limitrophes, des situations similaires attendant des solutions miracle. C’est le cas de Omar, originaire d’une des bourgades de la commune d’Aït Yahia Moussa, à l’ouest de la wilaya de Tizi Ouzou.

Comme de nombreux autres villageois, il a été contraint de quitter avec sa famille son village durant les débuts de la décennie noire. Après des années passées loin de son village natal, Omar a décidé de rentrer chez lui une fois le retour de la paix. Cependant, à son grand étonnement, il a constaté qu’une ligne électrique de moyenne tension avait été installée au milieu de son propre terrain, sans qu’il n’ait jamais donné son autorisation pour une telle implantation. «Certes, nous étions absents, mais nous n’avons jamais donné notre autorisation pour son implantation, ni celle du passage des lignes électriques. La servitude a englouti une large superficie de notre lot de terrain. C’est inacceptable», dira-t-il.

Le flou persiste

De nombreuses interrogations subsistent quant au rôle exact qu’avaient joué les autorités publiques et les APC, notamment à l’époque des années 1970 et 80, et même au-delà. La majorité des citoyens concernés par cette problématique affirment n’avoir personnellement délivré aucune autorisation officielle à Sonelgaz, ni à aucun autre organisme, pour entreprendre les travaux en question.

Cette absence d’autorisation officielle soulève des questions légitimes sur la procédure suivie et les processus qui ont permis la réalisation de ces travaux. Par ailleurs, la situation de blocage dans laquelle se sont retrouvés des héritiers a poussé certains d’entre eux à construire des logements dans l’illégalité durant les années précédentes, avant le durcissement des lois. «J’ai construit sous des fils électriques avec mes propres moyens, car je n’avais pas d’ autre choix.

C’est la seule assiette foncière dont je dispose. Je ne peux pas me permettre un logement ailleurs», indique un de ces citoyens confrontés à cette situation difficile. En outre, faute de pouvoir faire raccorder sa construction au réseau électrique, notre interlocuteur a eu recours à d’autres formes de fraude. «C’est grâce à un voisin que j’ai de l’électricité chez moi. Cela fait des années que cette situation perdure, car Sonelgaz refuse de réaliser un branchement», poursuit-il.

Déplacements coûteux

Selon les lois qui régissent Sonelgaz, le déplacement des supports électriques se fait à la demande du client. Ce dernier est tenu aussi de payer les frais. Malheureusement, les schémas techniques à respecter peuvent parfois s’avérer très complexes. Il arrive en effet que le déplacement d’un seul poteau nécessite la création de plusieurs autres supports supplémentaires, afin de contourner la propriété et éviter d’en toucher d’autres.

Ainsi, les coûts de déplacement se trouvent multipliés en fonction du nombre de nouveaux poteaux à installer. Dans de tels cas, les devis établis par les services techniques des directions de distribution de Sonelgaz peuvent avoisiner ou dépasser le million de dinars. Un montant élevé que la plupart des clients, souvent de condition modeste, ne peuvent tout simplement pas supporter.

Face à ce dilemme, de nombreux citoyens dans l’impasse se tournent alors vers les assemblées élues locales, à la recherche d’une aide financière. «Nous avons reçu des centaines de demandes de citoyens faisant face à de ce problème. Malheureusement, on ne peut pas satisfaire toutes ces requêtes», a révélé le P/APW de Tizi Ouzou.

Même les Assemblées populaires communales sont confrontées à cette réalité. Les citoyens sollicitent régulièrement leur soutien afin de pouvoir assainir leur situation et honorer les frais de déplacement des lignes et supports électriques. «La satisfaction de toutes les demandes des citoyens nécessite un budget faramineux. Une APC, quelle qu’elle soit, ne pourra jamais payer les devis des demandeurs.

Même d’un point de vue juridique, il nous est impossible de procéder au règlement de ces devis, sauf dans le cas d’un projet d’utilité publique», explique Karim Zahar, adjoint du P/APC de la commune de Chorfa. 

La promesse du ministre de l’Energie

Lors de sa visite de travail dans la wilaya de Tizi Ouzou en novembre de l’année écoulée, le ministre de l’Energie et des Mines, Mohamed Arkab, avait été interpellé par le président de l’Assemblée populaire de la même wilaya. Ce dernier a soulevé la nécessité de revoir la distance de servitude, notamment pour la moyenne tension, fixée à 14 mètres de part et d’autre des lignes électriques. Cette distance est perçue comme trop importante par les habitants, car elle limite considérablement l’utilisation des terrains situés à proximité des infrastructures électriques. Cependant, malgré cet engagement, aucune mesure concrète n’a été encore prise pour revoir les dispositions réglementaires en vigueur. O. A. 

 

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