Les principales villes syriennes tombent les unes après les autres : Les milices armées aux portes de Homs

07/12/2024 mis à jour: 17:37
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Les milices armées ont conquis jeudi la ville de Hama qui se trouve à 210 km au nord de Damas - Photo : D. R.

Les milices armées poursuivent leur progression fulgurante depuis les provinces du nord de la Syrie en direction de Damas, dans le but clairement proclamé de faire tomber le régime de Bachar Al Assad. Jeudi, la ville de Hama, quatrième plus importante métropole du pays, et qui se trouve seulement à 210 km au nord de Damas, est tombée aux mains des insurgés après des combats féroces contre les forces gouvernementales. La Russie, un des principaux alliés du pouvoir alaouite, a appelé ses ressortissants à quitter le pays.

La coalition  armée conduite par le groupe islamiste radical Hayat Tahrir Al Cham poursuit son offensive fulgurante en Syrie et continue à conquérir des villes et des territoires stratégiques sans que les forces syriennes puissent l’arrêter. Après avoir pris le contrôle de l’ensemble de la ville et du gouvernorat d’Alep le 30 novembre, la rébellion a réussi à s’emparer ce jeudi de la ville-clé de Hama, au centre du pays, avant de donner l’assaut sur la ville voisine de Homs, située à une quarantaine de kilomètres plus au sud.

Le but clairement affiché par les factions armées est de continuer leur progression jusqu’à la chute de Damas et le renversement du régime de Bachar Al Assad. C’est ce qu’a déclaré hier Abou Mohammad Al Joulani, le chef de Hayat Tahrir Al Cham, dans une interview accordée à CNN. «Lorsque nous parlons d'objectifs, le but de la révolution, c'est de renverser ce régime.

Nous avons le droit d'utiliser tous les moyens nécessaires pour atteindre cet objectif», a affirmé le chef de la coalition rebelle. Signe que les événements s’accélèrent de façon inquiétante : l’ambassade de Russie à Damas a exhorté, ce vendredi, ses ressortissants à quitter la Syrie. «Nous rappelons aux citoyens russes en Syrie qu’en raison de la situation militaire et politique difficile, ils ont la possibilité de quitter le pays par des vols commerciaux via les aéroports existants», indique un communiqué de l’ambassade diffusé sur le réseau Telegram. 

L’armée s’est retirée «pour préserver les civils»

Les milices armées ont donc conquis jeudi la ville de Hama qui se trouve à 210 km au nord de Damas, après des combats féroces contre les forces gouvernementales. Après (dans l’ordre) Damas, Alep et Homs, Hama est la quatrième plus importante métropole du pays. On mesure dès lors ce que représente sa perte pour le clan Al Assad. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), les insurgés «sont entrés dans plusieurs quartiers de la ville de Hama, et des combats de rue les ont opposés aux forces du régime». Parmi les premières actions qu’ils ont entreprises en entrant dans la ville : la libération de centaines de détenus de la prison centrale de Hama.

Dans un communiqué relayé par l’agence officielle Sana, l’armée syrienne a fait savoir après cette débâcle : «Au long des jours précédents, nos forces ont mené des combats féroces afin de faire échec aux attaques violentes et successives déclenchées par les organisations terroristes sur la ville de Hama à partir de différents axes et en mobilisant un grand nombre (d’hommes), utilisant tous les moyens militaires.

Durant les heures écoulées, après l’intensification des affrontements entre nos soldats et les groupes terroristes et la mort en martyrs d’un certain nombre de nos hommes, ces groupes sont parvenus à pénétrer dans plusieurs axes de la ville, malgré le fait qu’ils ont essuyé de lourdes pertes.

Par souci de préserver la vie des civils parmi la population de Hama, et pour ne pas les impliquer dans les combats à l’intérieur des zones urbaines, les unités militaires qui y sont positionnées se sont déployées en dehors de la ville.» Et l’armée syrienne de souligner : «Le commandement général des forces armées va poursuivre l’accomplissement de son devoir national en vue de la récupération des régions dont se sont emparées les organisations terroristes.»

Par ailleurs, le ministère syrien de la Défense a assuré hier via un communiqué : «Nos forces armées ont bombardé des véhicules et des rassemblements terroristes dans le nord et le sud de la province de Hama avec de l’artillerie, des missiles et des avions de chasse syriens et russes.» L’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) a indiqué de son côté, ce vendredi, que «des avions de chasse ont effectué plusieurs frappes aériennes visant le pont Al Rastan sur l’autoroute Homs-Hama».

Le but est manifestement de couper l’accès à Homs aux djihadistes. Malgré ces tentatives de stopper la progression des forces rebelles, l’armée syrienne et ses alliés n’ont pas résisté longtemps à Hama, pas plus qu’à Alep ni dans les autres territoires conquis par la rébellion. Hier, les troupes de l’armée syrienne ont dû de la même façon quitter la ville de Deir Ezzor, à l’est, selon l’OSDH.

En prenant le contrôle de la ville de Hama, les groupes d’opposition ont certainement eu une pensée pour les milliers de citoyens tués par Hafez Al Assad qui avait dirigé le pays d’une main de fer pendant trente ans, de 1970 à 2000, avant que son fils ne prenne le relais, prolongeant le «règne» de la dynastie Al Assad pour 24 années encore. A Hama, tout le monde se souvient, oui, de la répression sanglante qui avait été menée en février 1982 pour mater une insurrection déclenchée par les Frères musulmans.

Cela avait duré près d’un mois. La ville avait été assiégée par une armada spectaculaire d’engins de guerre. «Le massacre qui a eu lieu en février 1982 dans la ville syrienne de Hama, a duré 27 jours», précise un article publié sur le site d’Al Jazeera. Il a été «perpétré par plusieurs divisions et brigades de l’armée syrienne dirigées par les Compagnies de défense, dans le but d’éliminer l’opposition dans la ville», ajoute l’article. «Selon plusieurs témoignages, le massacre a entraîné la mort d’environ 40 000 personnes et a fait plus de 17 000 disparus.»

L’AFP rappelle de son côté qu’ «il  a fallu plus de trois semaines aux forces syriennes, qui ont eu recours à l'artillerie et aux blindés, pour venir à bout de ce soulèvement, au prix de destructions et de pertes humaines considérables. Selon des témoignages, plus de 10 000 soldats furent mobilisés.» «La répression sanglante a été menée par le frère de Hafez Al Assad, Rifaat, alors à la tête des redoutables ''Brigades de défense'' (Saray al-Difaa), corps d’élite du pouvoir. Il a été surnommé plus tard ''le boucher de Hama'' ».

800 morts et 280 000 déplacés

Malgré le souvenir encore vivace de ces jours terribles qui ont marqué la mémoire collective à Hama, Mohammad Al Joulani, le chef des rebelles triomphants, rassure : «Il n’y aura pas de vengeance.» Dans un message diffusé sur Telegram, et qu’il a signé pour la première fois de son vrai nom selon l’AFP, à savoir commandant Ahmed Al Chareh, le leader de Hayat Tahrir Al Cham s’est fendu de cette phrase laconique : «Nous félicitons les habitants de Hama pour leur victoire.» Hier, les forces de la coalition rebelle ont poursuivi leur avancée jusqu’aux portes de Homs située à 160 km seulement de Damas, la capitale du pouvoir alaouite.

Les insurgés sont entrés «dans les villes de Rastan et Talbisseh», dans la province de Homs, «en l’absence totale des forces du régime», a indiqué l'OSDH, ajoutant que les hommes de Mohammad Al Joulani se trouvaient désormais à cinq kilomètres seulement du chef-lieu du gouvernorat de Homs. L’armée syrienne a démenti que Homs soit tombée entre les mains des milices. 

Jeudi soir, des images diffusées sur les réseaux montraient de longues files de voitures quittant nuitamment Homs par crainte d’exactions de la part des groupes rebelles. Ils sont «majoritairement issus de la communauté alaouite» et ils «fuyaient vers la côte ouest», note l’AFP. Les combats qui ont commencé le 27 novembre ont fait jusqu’à présent plus de 800 morts, selon l’OSDH. En outre, ces troubles ont provoqué un exode massif de population estimé par l’ONU à 280 000 déplacés.

Soutien majeur de la rébellion, la Turquie appelle à une «solution politique globale»

La Turquie entretient des relations très tendues avec la Syrie, et pour cause : Ankara constitue un soutien majeur en faveur de la rébellion anti-Assad. Il faut dire qu’elle est touchée de plein fouet par les troubles qui secouent son voisin du sud, puisqu’elle partage plus de 900 km de frontière avec la Syrie et accueille près de trois millions de réfugiés syriens sur son sol. «Idleb, Hama, Homs et bien sûr l’objectif, Damas : l’avancée des opposants continue. Nous souhaitons que cette avancée se poursuive sans incident», a déclaré le président turc, Recep Tayyip Erdogan, selon des propos rapportés par l’AFP.

Acteur de premier plan dans la situation en Syrie, le chef de l’Etat turc est au cœur des tractations pour désamorcer la poudrière syrienne. Antonio Guterres a eu un long échange téléphonique avec lui jeudi matin. Selon un bref résumé de cet échange livré via un communiqué de la présidence turque, Erdogan préconise une «solution d’urgence» consistant en un dialogue politique. «Le régime syrien doit s’engager d’urgence avec son peuple en faveur d’une solution politique globale», a-t-il dit au secrétaire général de l’ONU.

«Le président Erdogan a déclaré que la Turquie s’efforçait de réduire les tensions, de protéger les civils et d’ouvrir la voie au processus politique et continuera à le faire», précise encore la présidence turque, soulignant que «le conflit syrien avait atteint une nouvelle étape». «Le régime doit se réconcilier avec son propre peuple et l’opposition légitime», a insisté M. Erdogan. «Le plus grand souhait de la Turquie est que la Syrie ne sombre pas dans une plus grande instabilité et ne connaisse pas davantage de victimes civiles», a conclu le président turc. M. B.

Antonio Guterres : «C’est douloureux de voir la fragmentation progressive de la Syrie»

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a appelé jeudi à mettre un terme au «carnage» en cours en Syrie, conséquence, a-t-il estimé, d’un «échec collectif chronique» à mettre en œuvre un processus politique pour un règlement pacifique de la crise. «Nous voyons les résultats amers d’un échec collectif chronique de dispositions antérieures pour la désescalade destinées à conduire à un véritable cessez-le-feu sur tout le territoire ou à un processus politique sérieux pour appliquer les résolutions du Conseil de sécurité», a-t-il déclaré devant la presse.

En 2015, en effet, le Conseil de sécurité de l’ONU avait adopté une résolution (la résolution 2254) qui traçait une feuille de route pour une transition politique en Syrie. «La Syrie est à un carrefour des civilisations. C’est douloureux de voir sa fragmentation progressive», a ajouté le secrétaire général des Nations unies. «J’appelle tous ceux qui ont une influence à faire leur part pour mettre un terme à la longue souffrance du peuple syrien.» «Le carnage doit s’arrêter», a-t-il plaidé. M. B.

 

 

 

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