Les participants au Sommet de Paris pour un nouveau pacte financier mondial ont mis en avant l’échec des institutions de Bretton Woods dans leur mission de soutien aux pays pauvres ou en développement. Le secrétaire général de l’ONU a affirmé que l’architecture financière internationale «a failli à sa mission de fournir un filet de sécurité global aux pays en développement».
Le système financier international est plus que jamais remis en cause. Hérité des Accords de Bretton Woods conclus vers la fin de la deuxième guerre mondiale, ce modèle financier, incarné par la Banque mondiale (BM) et le Fonds monétaire international (FMI), a démontré ses limites et doit être revu en profondeur, ont plaidé les participants au Sommet de Paris qui s’est tenu les 22 et 23 juin.
C’est une architecture financière internationale qui «a failli à sa mission de fournir un filet de sécurité global aux pays en développement», a affirmé le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, dans un discours à l’ouverture de ce sommet placé sous le slogan «Pour un nouveau pacte financier mondial», auquel ont pris part une quarantaine de chefs d’Etat et de gouvernement.
Le chef de l’ONU a estimé que les institutions de Bretton Woods ne remplissent plus leur mission qui consiste à soutenir les pays à faible revenu.
Près de 80 ans après leur création, ces institutions «ne sont plus à même de répondre au besoin du XXIe siècle», a ajouté M.Guterres, évoquant dans ce sillage les droits de tirage spéciaux alloués par le FMI en 2021 qui ont profité beaucoup plus à l’Union européenne (160 milliards de dollars) qu’aux pays africains (34 milliards de dollars).
«Autrement dit, un citoyen européen a perçu en moyenne 13 fois plus qu’un citoyen africain», a précisé M.Guterres pour lequel il est impératif de revoir ce système financier afin que les pays pauvres puissent sortir la tête de l’eau.
Insistant sur le fait que ce système perpétue et aggrave les inégalités, le chef de l’ONU a relevé que «de nombreux dirigeants sont confrontés à un choix cornélien : assurer le service de leur dette ou subvenir aux besoins de leurs populations (...)».
«Beaucoup de pays africains dépensent aujourd’hui plus d’argent pour rembourser leurs dettes que pour les soins de santé», a-t-il poursuivi, indiquant que «52 pays sont en défaut de paiement ou s’en rapprochent dangereusement».
M. Guterres a ainsi appelé à «une réforme majeure du système financier international parce qu’il n’est pas adapté aux défis actuels». Les pays africains sont les premières victimes de ce système financier profondément injuste et déséquilibré. Plus d’une vingtaine de pays africains seraient en position de surendettement ou en passe de le devenir.
500 milliards de dollars
Pour le chef de l’ONU, il faut mettre en place «un mécanisme d’allègement de la dette qui prend en charge le gel des paiements, des conditions de prêt plus longues et des taux d’intérêt plus bas pour rendre l’emprunt plus abordable pour les pays pauvres ainsi qu’un accès accru aux liquidités pour les pays en développement grâce aux droits spéciaux du Fonds monétaire international (FMI)».
Afin de réduire les écarts de développement Nord-Sud, M. Guterres a suggéré, entre autres, un plan de relance du développement durable à hauteur de 500 milliards de dollars par an pour rattraper les retards et préparer les pays pauvres à mieux faire face aux affres du dérèglement climatique. «Nous pouvons le faire dès maintenant et faire un pas de géant vers plus de justice», a-t-il conclu, estimant que «l’immobilisme n’est pas une option».
Pour sa part, le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva a dénoncé l’inaction de la communauté internationale en matière de lutte contre le changement climatique et de réduction des inégalités entre le Nord et le Sud. «La question du climat est devenue une blague», a-t-il dit ironiquement, avant de rappeler la non mise en oeuvre des différentes décisions et accords sur les changements climatiques.
«Qui a appliqué le protocole de Kyoto ? Qui a appliqué les décisions de la COP 15 de Copenhague ? Qui a appliqué les décisions de la Cop de Paris ?», s’est-il demandé, relevant l’absence d’une «gouvernance mondiale pour mener à bien les objectifs fixés».
M. Lula da Silva a cependant rassuré sur le maintien de son objectif de «zéro déforestation» de l’Amazonie, la plus grande forêt du monde. Mais il a appelé dans ce contexte les pays riches à aider financièrement les pays en développement qui disposent de réserves forestières.
«Ce n’est pas le peuple africain qui a pollué le monde ni le peuple latino-américain qui pollue le monde. Ceux qui ont réellement pollué la planète pendant les 200 dernières années sont ceux qui ont fait la révolution industrielle, et c’est pour cela qu’ils doivent payer la dette historique qu’ils ont avec la planète», a-t-il soutenu.
Il a, par ailleurs, critiqué les institutions financières internationales en considérant qu’elles favorisent par leurs mécanismes d’enrichissement des riches et l’appauvrissement des pauvres. Pour le président du Brésil, ces institutions fonctionnent de «manière erronée», affirmant que «le FMI laisse beaucoup à désirer par rapport à ce que l’on attend de lui».
Une promesse à tenir
De son côté, le président français, Emmanuel Macron a annoncé qu’un «consensus complet pour réformer en profondeur le système financier mondial» s’est dégagé de ce sommet, auquel a pris part le ministre des Finances Laaziz Faid.
L’objectif de cette réforme, selon le président français, est de rendre ce système «plus efficace, plus équitable et plus adapté au monde d’aujourd’hui». Aussi, selon Macron, les pays riches devraient débloquer cette année les 100 milliards de dollars promis pour aider les pays pauvres face au réchauffement de la planète. Une promesse qui date de 2009, faut-il le rappeler.
A l’occasion de ce sommet, treize chefs d’Etat et de gouvernement ainsi que des responsables politiques ont publié une tribune dans Le Monde sous le titre «Nous devons faire des transitions justes et solidaires une priorité».
Parmi les signataires de cette tribune, il y a le président américain, la présidente de la Commission européenne, le président brésilien, le président français, le Premier ministre du Japon, le président de l’Afrique du Sud, le président du Kenya, le président du Sénégal et le chancelier allemand. Les signataires soulignent ainsi leur engagement pour réduire les inégalités en aidant les pays pauvres.