Les locales ont enregistré un taux de participation de 11,66% : Les Tunisiens ont boudé une nouvelle fois les urnes

26/12/2023 mis à jour: 10:05
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Les élections n’ont eu lieu que dans 2129 circonscriptions sur les 2153 prévues, faute de candidats

Nul ne doute de la popularité du président Saïed en Tunisie. Il passera sans le moindre doute, et dès le 1er tour, lors de la prochaine élection présidentielle en 2024, s’il se représente bien sûr, et face à n’importe quel candidat. 

Tous les observateurs sont unanimes là-dessus, même ceux qui sont opposés à Saïed, comme le directeur de rédaction de Mosaïque.fm, Zied Krichen, qui l’a affirmé pas plus tard qu’hier. Pourtant, paradoxalement, les Tunisiens n’accourent pas à la réalisation du projet politique de leur «bien-aimé» Président, comme l’attestent les taux de participation médiocres de 11,2% aux élections législatives du 17 décembre 2022 et ceux d’avant-hier de 11,66% aux élections locales. 

Or, un an plus tôt, le 25 juillet 2022, 30,5% avaient participé au référendum sur la Constitution et 94,6% des votants avaient accepté de donner plein pouvoir au président Saïed. 

C’est certes un paradoxe et Zied Krichen a demandé aux politologues et autres observateurs intéressés à la vie politique en Tunisie d’essayer de comprendre le phénomène. «Je comprends qu’il y ait désaffection due à la déception après la chute de Ben Ali, mais cela ne justifie pas le creux observé entre les participations au référendum du 25 juillet 2022 et les scrutins de décembre 2022 et 2023, puisque le président Saïed est toujours clairement plébiscité», a affirmé Krichen. 

Le porte-parole de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE), Mohamed Laroussi Al Mansari, a nié hier sur le plateau de Mosaïque FM toute responsabilité de l’Instance dans cette désaffection, d’origines diverses, selon lui. Al Mansari a expliqué que les élections d’avant-hier constituent la 1re phase pour élire les 77 membres du Conseil national des régions et des districts. «Il y aura un 2e tour début février 2024, parce qu’un mois est nécessaire pour les divers recours devant le tribunal administratif et 15 jours pour la campagne électorale», a-t-il ajouté. Les élus des deux scrutins constitueront les Conseils locaux dans chaque délégation. 

Le Conseil local sera ensuite représenté par son président au Conseil régional. Lequel président est choisi par tirage au sort chaque trimestre, afin d’assurer une présidence rotative et veiller à ce que tous les membres s’activent dans la vie régionale. La première présidence revient à celui qui aura ramassé le plus de voix lors des élections. Ensuite, ce sera au Conseil régional d’élire trois représentants au Conseil national et un au Conseil du district. Les 77 membres sont ces 24 triplés plus les cinq représentants des districts. «La formation de cette Chambre est certes plus compliquée qu’auparavant. Mais, la désaffection des électeurs ne vient pas de là», a souligné Al Mansari. 
 

Réactions   

Le Front de salut national (FSN) a exprimé ses doutes par rapport à la véracité des résultats des élections. «Ce taux de 11,66% est lui-même gonflé et le désintérêt citoyen se justifie par les pénuries continues des produits de base, ainsi que par l’absence de perspectives et l’élimination des acteurs politiques civils», a expliqué le président du FSN, Ahmed Néjib Chebbi, lors d’un point de presse tenu hier. Chebbi a considéré que «le pouvoir en place continue sa fuite en avant». Il a appelé à «la nécessité d’un dialogue national pour s’entendre sur des réformes politiques et économiques, ainsi que des élections législatives et présidentielles anticipées». 
 

Dans ce même sens critique, le sociologue Maher Hnine a déclaré hier, lors de l’émission «Midi Show» sur Mosaïque fm, que «l’absence des acteurs politiques sur cette piste des élections locales lui a ôté le dynamisme qui l’a caractérisé durant l’ancienne décennie». «La présence de candidats d’horizons diverses aurait encouragé les citoyens à participer au scrutin», a-t-il conclu.  Du côté de la société civile, et comme les autorités tunisiennes contrôlent davantage les Fonds étrangers pour le soutien à l’observation des élections, le nombre d’observateurs des ONG s’en est ressenti et il est devenu très limité. 

A titre d’exemple, l’Association tunisienne pour l’intégrité et la démocratie des élections (Atide), habituée à plusieurs milliers d’observateurs à chaque rendez-vous électoral depuis 2011, n’a pu mobiliser que 300 pour les élections d’avant-hier. L’Atide était certes présente dans les 24 gouvernorats, mais elle n’a pas pu déployer d’observateurs devant les centres de vote. 

Sami Ben Yahia, le membre du bureau exécutif de l’Atide  a expliqué hier au micro de Shems FM que l’association n’a relevé que des observations mineures comme la rupture du silence électoral de la part de quatre candidats, ainsi que des soupçons d’achat de voix, lorsque les sympathisants d’un candidat ont ramené en voiture des électeurs au bureau de vote. Pour sa part, le réseau Mourakiboun était lui-aussi présent dans les 24 gouvernorats. Les observateurs de Mourakiboun ont constaté que les élections n’ont eu lieu que dans 2129 circonscriptions sur les 2153 prévues, faute de candidats. 

L’ONG a constaté que les candidats n’avaient pas de représentants lors de l’opération électorale dans 44% des bureaux de vote, et qu’ils n’étaient pas, non plus, représentés lors de l’opération du tri dans 42% des bureaux. Il est donc clair que le travail des associations se poursuit. C’est juste le financement qui est contrôlé. 

 

 Tunis 
De notre correspondant  Mourad Sellami
 

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