Les Libyens méritent mieux

14/07/2024 mis à jour: 02:43
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La crise en Libye perdure depuis plus de dix ans, impliquant les divers belligérants libyens et la majorité des puissances internationales, aux dépens du petit peuple libyen. Il suffit de rappeler que les deux Chambres représentantes des Libyens se maintiennent respectivement depuis 10 et 12 ans, pour s’interroger sur la légitimité de leurs élus rémunérés pendant tout ce temps par les contribuables locaux.

En effet, le Parlement dit de Benghazi est issu des élections du 25 juin 2014, alors que le Conseil supérieur de l’Etat, ex-Conseil national général (CNG), a été élu le 7 juillet 2012.

Les mandats initiaux de leurs législatures respectives prévoyaient juste une année. Néanmoins, ces institutions continuent à se proclamer représentantes du peuple et à débattre sur l’avenir de la Libye, et elles ne sont pas les seules.

Depuis dix ans, depuis le rejet par les islamistes des résultats des élections du 25 juin 2014 et le lancement de la première bataille de Tripoli, les Libyens sont divisés. Sur le terrain, il y avait pratiquement scission depuis 2014/15. Deux gouvernements se disputent le pouvoir. L’un à Tripoli est sous les ordres du CNG et l’autre, à Al Baïdha pour l’Est, est placé sous les ordres du Parlement.

Les appellations ont certes évolué durant la décennie écoulée, mais les milices continuent à faire la loi à Tripoli et dans l’Ouest libyen, alors que Khalifa Haftar et sa famille règnent à l’Est avec leur autoproclamée Armée nationale libyenne (ANL), et l’appui de l’Egypte, des Emirats et des Russes, qu’ils soient Wagner ou le Bataillon africain.

Et si Fayez Al Sarraj et Khalifa Haftar sont parvenus à débarrasser la Libye de l’Etat islamique à Sabrata à l’Ouest, Syrte au Centre et Derna à l’Est, ces batailles se sont déroulées séparément en 2016 et 2018. Les brigades de l’Est n’ont pas contribué à la libération de Syrte en 2016 alors que les brigades de l’Ouest n’ont pas aidé dans la libération de Derna en 2017/18. C’est la preuve qu’il y avait scission de fait dès qu’il s’agit d’armement et de contrôle du territoire.

Pourtant, l’accord de Skhirat de décembre 2015 prévoyait d’unifier les rangs militaires. Or, après s’être débarrassé de Daech, Khalifa Haftar a préféré marcher sur la capitale libyenne, et ce fut la deuxième bataille de Tripoli en 2019-20, où l’armée de l’Est a essuyé un revers suite à l’intervention des Turcs.

La dernière décennie en Libye a été marquée par des guerres fratricides et un désordre institutionnel. Un désordre auquel la communauté internationale a beaucoup contribué à instaurer. Aujourd’hui, la Libye est devenue un terrain d’affrontements entre puissances. Dans le fond, les pouvoirs en place à l’Ouest ou à l’Est ont intérêt à ce que la situation reste inchangée.

Leurs intérêts n’en seront que mieux préservés. C’est la raison pour laquelle d’ailleurs personne ne se presse à organiser des élections, synonymes de changement des élites et de gouvernance.

Tout le monde s’arrange pour retarder au maximum la tenue des scrutins présidentiel et législatif. C’est toute la Libye qui est prise en otage au nom des intérêts personnels des uns et des autres. Abdoulaye Bathily, l’ancien envoyé spécial de l’ONU en Libye, n’avait pas tord du tout de qualifier l’élite politique libyenne actuelle d’égoïste.

 

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