Les féminicides, ce crime qui réduit les revendications du 8 mars au minimum : le Droit à la vie

08/03/2022 mis à jour: 06:08
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Nous avons perdu Keltoum Rekhila, Fatima Rahmani, Tinhinan Laceb, Hafida Mansouri, Kenza Sadate, Rahima et sa fille de 10 ans, Linda Belharet, Dehbia Cherif, Meissem Bouazzizi, Maria Ben Madani, pour ne citer que les crimes les plus récents, sans oublier Amira Merabet, Chaïma, Amal et tant d’autres assassinées par des proches. 

Et les survivantes des tentatives de féminicides Amel, Oum El Kheir, Sihem, par immolation avec de l’essence, frappées au couteau, poussées du 4e étage.

Qu’on ne nous dise pas que ce sont des faits divers ou des «crimes passionnels», «qu’ils sont moins nombreux que les accidents de voiture» ! Que les difficultés socioéconomiques sont plus graves que cette violence, comme si les femmes n’étaient pas concernées par la misère ! Que toutes les femmes ne sont pas victimes de violences ! Bien sûr, mais il suffit d’en tuer une pour signifier aux agresseurs potentiels que le crime est permis et signifier à toutes les autres : «Voilà ce que vous risquez !»

C’est la preuve de la redjla ! La violence et son résultat ultime, le féminicide, est attachée directement à la vie quotidienne des femmes et des filles. Il est commis la plupart du temps par des proches ou des membres de la famille, ce qui signifie qu’il n’y a pas de lieu où les femmes peuvent se sentir en sécurité, pas même à la maison. La société éduque les criminels et tous les hommes, dans un statut «supérieur» qui leur donne droit de violence sur les femmes et impunité.

N’importe qui a le droit de leur imposer des remarques sexistes, les toucher dans le bus, leur faire du chantage sexuel pour des notes ou un poste de travail, tout membre mâle de la famille peut leur interdire de sortir, de travailler, d’étudier.

Et les chaînes de tv-poubelles ne peuvent que promettre le pire en «normalisant» et justifiant encore et encore ces comportements criminels. Nous savons bien sûr, qu’il y a eu évolution manifeste de la situation économique et sociale des Algériennes depuis l’indépendance : éducation, enseignement supérieur, formation professionnelle, emploi, mais avec un résultat bien loin des attentes, sans autonomie véritable. Et la violence ne cesse pas pour autant. Bien au contraire, elle semble augmenter. L’autre moitié de la population regarde ailleurs. Pourquoi remettre en question les privilèges qui lui sont offerts par cette infériorisation des femmes ?

On peut toujours les accepter et les justifier par la religion, les traditions, la «nature humaine des femmes et des hommes», la «réalité sociale» qu’on construit, en fait quotidiennement, sur la base de ces discriminations, par les images, les discours.

La «bonne conscience» de la société masculine, au-delà des différences de classes et d’opinions politiques, pour certains, se complaît à être «pour l’égalité des droits» sans voir ce que ces violences signifient pour les femmes, en souffrances, en coût social, psychologique, en négation de leurs droits civils et politiques. Et les institutions ? Et la justice ? Que font-elles pour prévenir ces crimes ? Elles attendent qu’ils se produisent.

Ces féminicides, ces vies détruites et les tentatives d’assassinat, sans compter leur impact sur les enfants et le reste de la famille, ne sont que des pertes collatérales, et donc insignifiantes au regard «de la situation économique, de la situation politique, des changements sociaux, du retard des mentalités, etc.». Les victimes, pour leur très grande majorité, ne peuvent se défendre et porter plainte tant elles ne font pas confiance à la justice, tant elles ne se sentent pas protégées.

L’Etat et les institutions, la justice, doivent mettre en place et appliquer une politique de prévention de la violence avec des mesures concrètes, car la loi seule n’est pas suffisante : protection de la victime, accès direct et rapide de la plainte, à la médecine légale, au tribunal, à un suivi psychologique des victimes. Nous ne devons pas attendre que le crime soit commis, sous prétexte de la «protection de la famille», argument absolument inepte dans ce cas.

Au contraire, une intervention rapide par l’éloignement de l’agresseur est la meilleure prévention. Assez de laxisme, de négligence, de non-prise de décision de la part des institutions, de non-protection de la victime, attitudes qui encouragent le crime, dont celui de ne pas condamner les discours de haine et de discrimination à l’encontre des femmes, ce silence qui banalise leur assassinat.

Pourtant l’Etat et les institutions sont responsables, ils sont régulièrement interpellés et en possession de propositions d’associations de femmes, pour l’application immédiate de mesures concrètes, pour prévenir ces violences.

Nous refusons donc de continuer tous les 8 mars encore et encore à réduire nos revendications à ce minimum : le Droit à la VIE.

Réseau Wassila/AVIFE

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